Pour Sammo Hung en sabreur japonais!
Limpide, brouillé, maladroit mais habité par cette passion de la surenchère visuelle, The Valiant ones est un pur objet délirant, bis à ses heures perdues, que l'on apprécie parce que c'est un King Hu, et pour King Hu. Il n'y en a pas trente-six sur Terre à avoir son style, son panache, sa vision décalée du Wu Xia traditionnel teinté de modernisme et d'exagération dans son traitement particulièrement singulier, en résulte alors une oeuvre burlesque, rigolote et rafraîchissante, valant son pesant de cacahuètes pour ses innombrables passages -involontairement- caricaturaux, où les guerriers et pirates japonais y sont traités comme des lâches (certains fuient), vicieux (des coups par derrière) prêts à crier "banzai" avant de se faire pourfendre -logiquement au vu du nationalisme exacerbé de son auteur. Seuls contre tous, tel aurait pu être le titre bis de The Valiant ones où le héros et sa compagne s'amusent à later les grands méchants, presque avec les mains dans le dos. Cette succession de combats foutraques et surréalistes (affrontements à l'arc, lance, épée, étoiles...) gagnent en furie à mesure que l'oeuvre avance, en trouvant son échine dans ce final au montage impressionnant, enchaînant parfois une dizaine de plans différents en dix secondes.
La réalisation, modèle de fluidité et de trouvailles visuelles qu'un Tsui Hark n'aurait pas renié, épate par sa variété. Bien que moins raffinée que son Hirondelle d'Or pourtant plus vieux de dix ans (mais les conditions de travail étaient bien différentes dans les studios de la Shaw), The Valiant ones passe aussi de très près du nanar pur et dur. Il suffit de voir la dégaine de certains sabreurs dits japonais, pousser les éternels "nani?" ou "bakairo" avant d'entamer une confrontation qui se soldera évidemment par un échec. De même, la richesse de l'oeuvre de King Hu est définitivement à mettre à l'ordre de son montage, ample et varié, plutôt qu'au niveau des décors faits de quelques tentes plantées un peu à l'arrache dans une forêt, ou de certains costumes particulièrement kitsch, aux couleurs saturées. Les amateurs du gore "Shawesque" n'y trouveront pas leur compte non plus puisque si The Valiant ones a la saveur et le bruit furieux des craquements d'os et des déchirements de chaire dignes d'un zombie movie de Lucio Fulci, pas une larme de sang n'est à signaler. Quoiqu'il en soit cet opus rarissime de King Hu mérite que l'on s'y intéresse, rien que pour la dégaine de Sammo Hung, dans la peau d'un épéiste japonais déjanté et maquillé comme une geisha.
Marquant à tous les niveaux.
Rien n'est plus insupportable que la manie de spectateurs de plus en plus cyniques et blasés de prendre ce qu'ils voient sur un écran au second degré: combien de séances parisiennes de the Killer sont rendues éprouvantes par les rires de certains spectateurs lorsqu'ils voient au choix un revolver vider plus de balles que son chargeur ou lorsqu'ils voient débarquer d'un coup des tonnes de figurants autour de la maison de Jeff. Sauf qu'il arrive que certains films légitiment cette grille de lecture et the Valiant Ones, un King Hu aussi précurseur que parfois involontairement drôle. A cette époque, même si the Fate of Lee Khan a bien marché, King Hu a encore besoin de se refaire au niveau succès public. Ceci peut alors expliquer le retour au nationalisme exacerbé de ces premiers films avec cette oeuvre à la gloire de chevaliers ayant repoussé l'envahisseur nippon. A ce propos, la représentation des japonais est un gros déclencheur d'hilarité involontaire. On me répondra que le cinéma hongkongais de l'époque les représentait de façon caricaturale, notamment des films tels que la Fureur de Vaincre et la Main de Fer. Sauf que dans ces deux films, cet aspect était compensé par la surenchère dramatique. Ici, il n'y a plus de dramatisation et du coup cela se voit énormément: les Japonais sont montrés comme des personnages obsédés par la bagarre et quand un Japonais se fait humilier par les héros lors de la scène en huis clos de la dernière partie il surgit à chaque fois un autre Japonais poussant un cri ridicule et armé d'un sabre pour essayer de le venger. Sauf qu'il se prend à son tour une belle tannée. On me dira que c'est la fameuse surenchère hongkongaise sauf qu'ici dépouillée d'un fond pour la soutenir elle propulse le film dans la parodie. Et qu'ici les clichés sont tellement gros qu'ils ne sont mêmes plus douteux idéologiquement, juste drolissimes. Mais bon le bouquet c'est quand même Samo Hung au jeu très peu crédible en chef des pirates japonais. Ou encore un final archiexpédié avec épitaphe à la gloire de nos héros.
Une fois ceci dit, revenons à des choses plus sérieuses. Parce que si the Valiant Ones est plus axé action que d'autres King Hu et moins mystique (le cinéaste renonce ici à la contemplativité qui est sa marque de fabrique) il est quand meme porteur de ce grand thème du maitre qu'est la stratégie militaire qui ici est matérialisé dans le film lorsque des personnages avancent des pions sur un échiquier alors qu'ils se sentent attaqués. Et qu'en outre la musique si importante chez le cinéaste fait partie de la stratégie militaire. Bien évidemment le film vaut pour des cadrages d'une rigueur exemplaire et quelques beaux moments de mise en scène: on retiendra les moments où la caméra tangue pour incarner le regard des personnages sur un bateau ou au travers d'un téléscope, l'usage de mouvements de caméra en hélice pour incarner le vertige des combats. Un autre point intéréssant est l'influence du cinéma japonais présente ici: la violence, si elle n'est pas graphique, est d'une grande sécheresse; les vols planés pieds en avant des combattants doivent tout à Kurosawa qui avait affranchi les judokas des lois de la gravité. Un peu comme dans la Main de Fer, les éléments provenant du cinéma nippon sont donc porteurs de spectacle. D'une vitesse folle, le montage des scènes d'action fait lui parfaitement ressentir leur chaos. Cette combinaison montage speedé/vertige chorégraphique annonce bien évidemment avec des années d'avance la direction prise par les wu xia pian Workshop. Ceci dit, certaines scories font tache au vu de la rigueur habituelle chez le cinéaste: quelques raccords se révèlent des plus hasardeux tandis que la post-synchronisation fait parfois dans le foireux. Le score essaie quant à lui de dramatiser artificiellement certaines scènes et sombre parfois dans le hors sujet.
Au final, on peut aimer the Valiant Ones en tant que film d'auteur, spectacle jouissif ou parodie involontaire. Il fait en tout cas découvrir une autre facette d'un cinéaste capable de bien exploiter un certain cahier des charges.
De nos jours, découvrir un film tel que "The Valiant Ones" peut faire l'effet d'une révélation : celle d'avoir trouvé le sein qui allaita l'action dans le cinéma de Tsui Hark et Ching Siu-Tung lors des décennies suivantes. Car l'on ne peut que constater la révolution que constituait pour l'époque le montage de "The Valiant Ones" ; la fureur et la rapidité d'execution qui s'en dégage. Ainsi, "The Blade", "Swordsman 2", "New Dragon Inn" et d'autres, dans leurs moments les plus aériens et tournoyants, n'existent peut-être que par et pour le cinéma de King Hu.
king HU
king HU a voulu faire le prototype du pur wu xia pian:
il y a réussi tant ce film est un des plus beau film d'action pur jus du ciné asiatique
on peut regretter que le film n'ai pas la profondeur d'un "touch of zen" mais là n'est pas le but de celui ci;ici ce n'est que pur poésie de l'action et du combat.
ce qui est vain pour 90 pour 100 des films d'actions,prend toute son importance dans ce film;ce film n'a d'autre finalité que le plaisir de l'action et de la chorégraphie des corps.
on est donc dans la pure chorégraphie corporelle.
il faut donc appréhender le film comme une chorégraphie
Dernier Wu Xia Pian de King Hu qui nous donne un pure film d'action. Génial!
Plusieurs personnes n'aiment pas trop ce film... pourtant c'est sûrement un de mes wu xia préféré.
King Hu qui s'entêtait à faire du wuxia alors que la mode était passée (Seul Chu Yuan semble avoir eu du succès avec le genre après 76). Alors que même le film de kung-fu perdait sa place numéro aux box office (Michael Hui étant le nouveau roi de HK à cette époque), Hu semble avoir compris qu'il était inutile de continuer.
Comme le disait Chang Cheh, le problème de King Hu c’est qu'il s'entête à faire la même chose.
Il signera donc son dernier vrai wu xia.
La première fois que j'ai vu ce film, j'ai eu peur de m'emmerder. Aucun véritable scénario, les personnages n'ayant aucune mise en situation psychologiques, pas de passé, pas relations autre que celle vu dans l'action.
Comment s'identifier alors?
Là est le génie. Si on oublie ses habitudes Américaines, on réalise petit à petit que l'on s'attache aux personnages.
En fait, ce film est le film d’art martial parfait. Ici il n'y a que stratégie à la Sun Tse, que des combats et du suspense. En un mot, seulement de l'Action. Et c'est là que la narration et la psycho se trouve.
Les personnages n'existent que par leurs actions.
Et c'est par leurs gestes que l'on peu voir leur évolution et leurs psychologies.
Et côté action, King Hu y est allé de façon virtuose poussant son langage ciné le plus loin possible. Où Tsui Hark est allé chercher le style de The Blade? Dans ce film à mon avis. Le parie de The Blade est de n'utiliser aucun effet spéciaux, seulement des effets de caméra et de montage. Pareil pour King Hu qui mise à part un trampoline, créait ses effets avec le montage et le cadrage. Un vrai langage ciné.
Alors qu'aujourd'hui les films sont basé sur le travail de geek devant leurs ordis, alors que les films sont bricolés en post-production (je parle de CGI ici et autre gadget et non pas de langage en tant que tel), King Hu utilise un vrai langage cinématographique. Un langage si personnel qu'il n'a pas encore d'équivalent.
J’admets que l'on puisse être réfractaire à ce langage.
Mais moi, j'achète.
Surtout la fameuse scène où le couple de sabreurs se font passer pour futur recru et se font tester par les pirates. Un jeune Yuen Biao est de la partie.
Et Samo Hung, aussi chorégraphe, en chef des pirates est inquiétant et dangereux. LE duel final est un chef-d'oeuvre de montage.
King Hu, ou le seul auteur de genre? (Certe Cheh et Chu Yuan ont un language ciné et leurs propres obsessions... mais King Hu n'a pratiquement pas de reussites en dehors du genre alors que Yuan et Cheh eu en ont eu). Lui qui n'était à l'aise que dans un seul genre (le wu xia pian suspense), pouvait quand même être considéré comme un auteur, lui qui a une signature si particulière et des thématiques si personnelles....
Un classique en avance sur son temps… mais paradoxalement, en arrière aussi.. . Le style King Hu étant si peu imité.
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Détail: les pirates ne sont pas uniquement japonais. C'est un groupe de pirates japonais et chinois.