Portrait du Sensei aux lunettes noires.
Si Takeshi Kitano n'a plus rien à prouver en temps que réalisateur et comédien, c'est bien parceque c'est une personnalité somme toute fascinante. Dans cette interview intime, Kitano nous dévoile ses goûts, ses faiblesses, ses tracas et sa vision de la société actuelle, tout en y apportant quelques savoureux détails sur son passé d'enfant de quartier mal famé bondé de yakuzas.
Takeshi Kitano s'avère être alors une véritable mine d'information et un orateur de grande classe. Sa facilité de s'exprimer et de ressortir de véritables phrases imagées sublimes (le coup de la balance tendresse/violence) prouve bien que l'homme et l'artiste se complètent.
Sans fard ni paillettes
Des petits yeux noirs insaisissables, un facies peu avenant digne des pires yakuzas, comique réputé dans son pays, Kitano fascine mais au détour d'une rue il pourrait tout aussi bien nous effrayer. Des facettes, Kitano en a bien tout un lot et en joue pour mieux nous perdre sous toutes ses casquettes (humoriste, réalisateur, écrivain, peintre). Le vrai Kitano ressemble finalement beaucoup à ses films, en tout cas c'est que fait ressortir ce beau reportage. Jean-Pierre Limosin crée une atmosphère intime et nous mène au plus près du mystère Kitano. Finalement, il nous émeut, nous touche par sa pudeur et sa timidité. Tous les voiles derrière lesquels il se cache ne sont bien destinés qu'à le protéger. Beat Takeshi se livre dans la plus grande simplicité et nous parle de son oeuvre, de son enfance, de ses aspirations sans fausse modestie.
Ce bel hommage pourra se poursuivre dans la lecture de son autobiographie partielle intitulée "Asakusa Kid".
Intéréssant mais inabouti portrait de Kitano.
Ce volet de la série Cinéma de notre temps concernant Kitano Takeshi est évidemment digne d'intéret pour toute personne s'intéréssant de près ou de loin au travail de cinéaste d'un grand d'Asie. L'idée louable de Limosin est de tenter de ne pas appréhender seulement le cinéaste et son travail mais de tenter de lever le voile sur les différentes facettes de Kitano personnage public au Japon: cinéaste, comique, présentateur de télévision, journaliste polémique... Afin d'offrir un contrepoint au coté très instinctif du personnage Kitano et à sa tendance à se défausser des interviews de l'époque, Limosin a organisé une rencontre avec l'universitaire Hasumi Shiguéhiko, auteur d'un excellent bouquin sur Ozu disponible dans la Collection Cahiers du Cinéma. Dans ses propos sur le cinéma de Kitano et ses questions, ce dernier se révèle moins audacieux et inspiré que comme écrivain cassant les idées reçues sur Ozu. Heureusement, Kitano répond en offrant en autres des reseignements intéréssants sur sa vie, sa fascination pour la violence, son rapport aux yakuzas hors cinéma, ses méthodes de travail sur tournage, son rapport à l'idée de perfection artistique, ses vues sur le Japon contemporain... Outre ces interviews dans divers lieux, le documentaire est entrecoupé d'extraits de films de Kitano illustrant souvent les propos d'interviews. On y verra également de façon trop courte Kitano filmé pour un de ses shows ou une scène tournée pendant le travail de post-production de L'Eté de Kikujiro. Et le documentaire s'achève chez Kitano himself. Dommage qu'il n'y ait pas eu la possibilité de plus s'apesantir sur le Kitano moins connu en Occident en interview comme en action. Probablement à cause de deux contraintes: celles du format télévisuel et celle de l'emploi du temps de Kitano. Quelques parti pris formels de Limosin sont en outre assez poseurs: la photo suspendue d'Hasumi mise à l'avant-plan lorsqu'il est absent, les adieux de fin mis après le générique. Le reste du temps, la réalisation est correcte. Une tentative intéréssante en tout cas.
Insaisissable Kitano
Belle entrevue dans la vie et l'oeuvre d'un homme méconnu - aussi bien dans nos contrées (ses animations de jeux télévisuels, nombreux ouvrages et peintures sont pour la plupart invisibles), que dans son Japon natal (son cinéma est loin de déplacer les foules).
Le format trop court et les limites du genre laissent évidemment un peu sur la faim, mais le documentaire comporte quelques pépites d'intervention et présente de bien belle manière le cinéaste à son travail.