Xavier Chanoine | 2.75 | Un Herman Yau de plus? Pas totalement... |
Si l’on peut préférer le versant social du très récent cinéma d’Herman Yau, post On The Edge du moins, son fort côté touche-à-tout démontre combien le cinéaste réussit à jouer la carte de l’efficacité avec une insolente maîtrise des différents genres abordés. On l’a vu récemment avec ses beaux films de femmes (Whispers And Moans, True Women for Sale), son étonnante fiction horrifique (The First 7th Night) ou encore sa dernière comédie en forme de récit délirant (Second Split Murders), inégale mais symbolique de la volonté du cinéaste de renouveler les codes des genres cinématographiques qu’il se réapproprie. Reste la question encore en suspend de l’intérêt de nous refourguer l’éternelle fiction sous fond de triades, genre qui a pourtant donné lieu à quelques productions qui ont au moins eu le mérite de s’aventurer sur de nouveaux chemins comme The Triad Zone (Dante Lam, 2000) et ses accents comiques, Throwdown (Johnnie To, 2005) et ses judokas, ou encore Election et ses coups de machettes distribuées avec parcimonie, s’éloignant des mécaniques habituelles du polar alternant réflexion et gunfights. Si le but n’est pas de dresser une liste exhaustive de films de gangs, on peut au moins dire que ce Rebellion partage avec le diptyque Election de Johnnie To son amour pour la machette. Embarqué dans une situation qu’il ne peut gérer, Po (impeccable Shawn Yu) va devoir remplacer son boss récemment tué et gérer les têtes fortes qui ne se gêneront pas pour l’amadouer afin de faire valoir leurs propres intérêts. Aidé par une de ses amies, Po va alors rapidement comprendre que le responsable de la mort du boss n’est autre qu’un membre du clan.
La bonne idée de Rebellion est de marquer d’entrée de jeu les personnages forts du film, bien que ce procédé consistant à surligner les personnages par une dégaine, un tic ou une différence physique peut sentir le réchauffer et l’influence manga, il permet de baliser rapidement le terrain et comprendre qui est qui, qui fait quoi et surtout, qui veut quoi. De l’homme d’affaire qui tire son coup avant chaque réunion à la mèche rebelle blonde de service, en passant par le punk adepte de la machette ou les nausées régulières de Po (on pourrait encore évoquer l’écharpe rouge de la compagne du défunt boss ou encore les lunettes fumées d’un des gros patrons). En parlant de Po, Shawn Yu confirme une nouvelle fois toute l’étendue de son talent dans la « peau » d’un type ayant frôlé la mort et qui ne semble toujours pas s’en remettre avec le temps. Résultat, son incapacité à gérer le gang se ressent par son instabilité et sa dépendance envers sa partenaire féminine : le fait qu’il ne prenne jamais le volant témoigne de son incapacité à se diriger dans un monde qu’il aurait pu quitter suite à une mauvaise balle reçue. Herman Yau utilise donc la gêne de Po pour donner à son film une dimension malade et paranoïaque, accentuée par la noirceur d’une grande ville étrangement vidée de ses habitants. L’excellente gestion du suspense, surtout dans son dernier tiers, permet de masquer des lacunes assez évidentes : une intrigue bien écrite mais manquant cruellement d’originalité et un côté dispersé dû à un grande nombre de personnages peu fouillés, archétypaux du genre. La mise en scène anonyme n’a même pas la facture des derniers films intéressants du cinéaste. Ces lacunes font de Rebellion un film de triades divertissant, un peu bruyant, mais au final jamais plus qu’un simple divertissement.