Médiocre mais culte
Sans la présence de Brandon Lee et la curiosité à la fois légitime (c’est le fils du petit Dragon quand même) et morbide (il est mort 2 ans plus tard dans des circonstances étranges) qui anime le spectateur, nul doute que ce petit film d’action formaté serait rapidement passé aux oubliettes. La réalisation maladroite de Dwight H. Little, surtout dans les phases de combat, le scénario plus que bâclé plaçant le héros au cœur d’une énième gueguerre entre trafiquants de drogue, des références douteuses aux films de kung-fu comme dans la première scène ou encore aux évènements de la place Tien An Men en 1989 ( ???), sans oublier le jeu déplorable de certains acteurs, tout concourt à rendre ce film plus que mauvais.
Oui mais voilà, il y a Brandon. Et même s’il n’a ni la prestance, ni le talent martial de son géniteur, on prend plaisir à le voir évoluer devant la caméra, et c’est grâce à lui qu’on arrive à accrocher. Il ne parvient certes à aucun moment à impressionner le public avec ses arts martiaux, empêtré qu’il est dans des scènes d’action bien trop pétaradantes, cependant on se souvient, même après plusieurs années, de la scène du hangar lors d’un soirée étudiante, ou de la scène finale sur les voies du métro. On ne s’étonnera donc pas que les chaînes de télé françaises diffusent régulièrement ce film musclé qui n’avait pourtant rien pour lui au départ.
Cours, Brandon, cours !
Revu ce Rapid Fire avec plaisir. Mise en scène à peu près correcte (pas toujours), acteur bondissant (RIP et quel gâchis !), casting globalement sympa (Powers Boothe ! Nick Mancuso ! Al Leong !) de l'action très satisfaisante et généreuse (surtout la scène de l'appartement au début, parfaitement millimétrée), une très belle photo de Ric Waite à dominance ocre / blanc cassé, et un score fluidifiant de Christopher Young. Entendre par là qu'il optimise les transitions et bifurcations façon Michael Kamen. Il arrondit les angles, quoi.
J'aime beaucoup son ambition et sa naïveté un peu puérile, à ce film qui prend désormais de la bouteille. Gonflé de la jouer polar d'un côté, avec des mafieux, une belle ambiance urbaine (Chicago, LA), une référence au récent massacre de Tian'anmen (dénoncé à l'écran par le vietnamien Dustin Nguyen de 21 Jump Street, mais passons) et de l'autre de l'action BD, des dialogues assez mauvais, des punchlines ratées, quelques séquences bas du front et un problème qui reste sur l'enjeu de la dernière bobine. Entamer une infiltration 20mn avant la fin du film pour pécho le bad guy n°2 qu'on a oublié depuis au moins 30 bonnes minutes, c'est pas super finaud. Mais ça dépote, ça défouraille, tout ça en 95mn pas honteuses du tout. Et optimistes et joviales, à l'opposé d'un excellent (même meilleur) mais tristoune SPL qui a des similitudes avec ce film : alliance entre un tataneux & un flic hard boiled vs la mafia, avec un double fight en guise de final. Le cultissime Al Leong (L'arme fatale, Die Hard, Last Action Hero, qq Carpenter, v'là la filmo !) évoque même avant l'heure le formidable Yayan Ruhian des The Raid 1 & 2. Ambition aussi parce qu'on veut bien faire dans ce film, ça se sent. Avec les moyens du bord, les talents qu'on a sous la main, même s'ils sont parfois un peu déficients. Cette volonté là sert le film. Y'a de l'idée, comme par exemple sur ce montage qui alterne le meurtre d'un mafieux avec le héros faisant un câlin avec sa belle sur fond de chanson pop d'alors. Pas génial, non, mais ça fonctionne à peu près.
Rapid Fire est blindé de défauts, oui, mais la somme de ses qualités tout ça. Note un peu gonflée grâce à la gueule d'ange de Brandon Lee. Il irradie tout le film de manière presque insolente, semblant regrouper à lui tout seul la rage de son père, la candeur de Jackie Chan, le physique solide et souple d'un JCVD et un charisme qui n'appartenait qu'à lui.