Sonatine | 3 | Film engagé mais moins intime que d'autres films d'Ann Hui |
jeffy | 3.5 | Témoignage intéressant |
François | 3.75 | Bon drame social par une des maîtres du genre |
Le style Ann Hui, c'est un peu du Wong Kar-Wai social. Moins glamour, centré sur des histoires à conotation politique ou historique. Moins flamboyant et musical également. Alors pourquoi évoquer Wong Kar-Wai ? Ann Hui partage avec lui un certain flair pour les cadrages, elle sait où poser sa caméra pour devenir témoin d'une scène qu'on pourrait croire documentaire. Ici c'est typiquement le cas, et elle s'appuie sur un scénario assez dense et un casting de grande qualité. Il manque cependant au film du rythme et une cohérence narrative. Ceux qui s'intéressent à l'histoire de HK et sa culture en général y trouveront du grain à moudre, les autres risquent de ne pas trop saisir où va le film.
Car il est évident qu'ici le but est d'approcher le docu-drama, en utilisant parfois des images d'archives (ou en retouchant des prises de vue pour leur donner un aspect vieillot), et en se basant sur une histoire vraie. Résultat, il n'y a rien de flamboyant dans ce récit, c'est "juste" un document sur une époque et la vie d'un groupe de personnes. Il n'y a pas de morale à en retirer, de message politique ou idéologique martelé au marteau (quoique Anthony Wong qui joue l'Internationale à la guitare, ça va en convertir un paquet). Ce genre de récit ne fait jamais l'unanimité, certains le trouveront mortellement ennuyeux, d'autres trouveront ça brillant. Tout dépend de ce que le spectateur cherche dans un film.
Autrement, on peut donner beaucoup de crédit à Ann Hui et à ses acteurs pour avoir réussi à dépeindre un univers très réaliste. Ceux qui souhaitent en savoir un peu plus sur l'histoire de HK et la vie de ses habitants y trouveront un document de grande qualité et très proche de la réalité à mon avis. Les acteurs débutants sont aussi convainquants que les vieux de la vieille. Rachel Lee trouve ici probablement le meilleur rôle de sa carrière, et parvient à paraître 20 ans alors qu'elle devait en avoir 10 de plus. Le jeune Lee Kan-Sheng, habitué de Tsai Min-Lang, rappelle Leslie Cheung jeune et apporte son expérience pour ce genre de rôle. Enfin comment ne pas parler d'Anthony Wong, qui en impose à nouveau en prêtre d'origine italienne. Encore une performance de choix dans une carrière impressionnante de diversité.
Quant à la réalisation d'Ann Hui, on retrouve ici son flair pour les plans séquences et les cadrages judicieux. D'un autre côté, le défaut que je trouve récurrent dans ses films est également là, il y a une faiblesse au niveau narration, avec un rythme parfois trop lent et un certain flou dans la direction pris par le récit. Cela laisse aussi au spectateur une certaine liberté de compréhension, mais je n'accroche pas totalement à ce concept.
Ordinary Heroes ne convaincra donc pas tous les spectateurs. Ce qui veulent que le cinéma fasse autre chose que du documentaire s'endormiront. Ceux qui ont aimé Cageman ou qui veulent en apprendre plus sur l'histoire de Hong-Kong trouveront le film attachant. J'imagine que les HKgais témoins de cet époque et membres de ce milieu social doivent avoir encore plus d'affection pour ce film engagé que des occidentaux pourraient en avoir.