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Nuages Flottants

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les avis de Cinemasie

5 critiques: 4.4/5

vos avis

24 critiques: 4.16/5



Ghost Dog 5 Bouleversant, tragique, fascinant.
Ordell Robbie 5 Nuages d'inspiration
drélium 4.5
Xavier Chanoine 4 Le beau film fiévreux de Naruse
MLF 3.5
classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement


Bouleversant, tragique, fascinant.

J'avais vu ce film lors de sa diffusion tardive sur France 2 il y a quelques années. Ce fut le choc, un choc incroyable; je n'imaginais pas que tant de beauté dans tous les sens du terme aurait pu être concentré en moins de 2 heures. Je vais vite le revoir et en dire un peu plus que ça très bientôt.

27 mai 2001
par Ghost Dog




Nuages d'inspiration

S'il est bien un cruel démenti à tous les critiques occidentaux qui ont longtemps tenu Naruse comme la dernière roue du carosse de l'age d'or du cinéma japonais, ce sont bien ces Nuages Flottants qui soutiennent sans peine la comparaison avec ce que Kurosawa, Mizoguchi et Ozu ont pu faire de plus fort artistiquement. La grande raison de cet oubli est ce qui rend la mise en scène du film remarquable: Naruse n'a pas de "signature" visuelle, cette chose dont la recherche est un des grands maux du cinéma actuel, qui fait que certains cinéastes croient que quelques mouvements de caméra qui sortent de l'ordinaire suffisent à faire un projet de mise en scène, contrairement aux cinéastes précédemment cités. Dans Nuages Flottants, la caméra ne désire que se fondre dans le décor, les cassures de plans les plus réfléchies semblent couler de source, la durée se crée sans etre soulignée comme chez Ozu. A ce stade, il faut aussi appeler Suzuki à la rescousse pour mettre en exergue la force du film: "Si l'on considère les yakuzas comme des hors la loi, la chose est également vraie pour les héroines de mélodrame qui se mettent elles-memes en marge de la société et bafouent la morale conventionnelle à force de chercher l'amour impossible." Nuages Flottants en est l'illustration parfaite, celle de la détermination d'une femme à vivre le grand amour avec un homme marié rencontré en Indochine, quitte à supporter son coté coureur de jupons, son incapacité à s'engager vraiment, à vivre dans la misère d'un Japon d'après-guerre décrite avec un réalisme sec par le film, en allant meme jusqu'à se prostituer. Ici, on n'est pas comme chez Lars Von Trier en présence d'une fille niaise qui subit sans broncher tous les malheurs de la terre mais d'un etre s'entetant à etre amoureuse tout en n'ayant pas peur de cracher à la figure de l'etre aimé quelques vérités déplaisantes sur le caractère inadmissible de son comportement. Sauf que là où la plupart des héroines du cinéma japonais de son époque sont investies d'une dimension mythique, irréelle ou se déterminent par rapport aux valeurs japonaises traditionnelles, point de cela chez Naruse qui dépeint les femmes de son temps et leur volonté de prendre en charge leur destin de façon réaliste: pour schématiser, on pourrait dire que l'écart entre la représentation de la femme chez Naruse et celle du cinéma de son temps est un peu comparable à celui existant entre les héroines du cinéma français des années 40/50 et celles des premiers films de la Nouvelle Vague. Du coup, il n'est donc pas surprenant que ce peintre réaliste de la femme et de sa condition ait trouvé ses premières avocates de réhabilitation cinéphile chez des critiques féministes.

Naruse fait ici preuve d'une maitrise avérée de l'arsenal mélodramatique: usage pertinent du flash back, score lyrique utilisé avec parcimonie mais juste aux bons moments pour dramatiser, équilbre d'un film où des moments sous influence néoréaliste sont savamment dosés avec des scènes intimistes plus mélodramatiques. Sans passer par l'emphase comme peuvent le faire d'autres avec un grand talent (Woo, Sirk, Almodovar...), Naruse offre une oeuvre qui remplit son contrat de film poignant. Naruse cinéaste de genre? Oui, parce qu'il oeuvre dans ce qui est considéré comme un genre à part entière au Japon et qui fut aussi une grande lame de fond avec ses spécialistes à Hollywood, le film de femmes. Naruse est donc peut-etre plus proche de Sirk, Cukor ou Mankiewicz que d'Ozu ou Mizoguchi. A ce propos, il est temps de mentionner Takamine Hideko, actrice fétiche du cinéaste qui ici n'a aucun mal à rivaliser avec Hara Setsuko ou Okada Mariko à leur meilleur: un regard, un rire ironique, un passage brusque de la tristesse à la joie lui suffisent pour exprimer la multiplicité des ses sentiments, son amour et son mépris de l'homme qu'elle aime, un Mori Masayuki qui confirme dans un registre plus retenu sa prestation remarquable en Prince Mychkine chez Kurosawa. Nuages Flottants est peut-etre le film où se déploie le mieux l'art de Naruse pour capter les nuances les plus infimes du regard des etres. Naruse encore cinéaste muet malgré son passage au parlant?

Nuages Flottants fait partie de ces quelques films que tout amateur de cinéma japonais se doit d'avoir vu parce qu'il incarne le moment où le savoir faire d'un système de studios (acteurs, techniciens, scénaristes) se met au service de la vision d'un cinéaste en état de grace, qu'il fait de ces oeuvres où la maitrise parfaite de l'art cinématographique s'allie à une forte dimension humaine, des classiques en somme.



15 novembre 2003
par Ordell Robbie


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