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New Rose Hotel

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les avis de Cinemasie

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Ordell Robbie 4 Madeleine Hôtelière
Ghost Dog 2 Un trip cocaïnesque qui vaut surtout pour la gouaille de ses interprêtes
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Madeleine Hôtelière

Avant de parler du film et de ses qualités, d'abord un mot sur son dernier tiers qui fit couler pas mal d'encre critique: des bribes de scènes déjà vues dans le film sont montrées dans le désordre pour incarner le ressassement des souvenirs de Willem Dafoe. Facilité? N'importe quoi arty? Cinéaste essayant de donner une suite à un film déjà bouclé au bout d'une heure? La réponse est ailleurs et aware: au moment où Ferrara voulait tourner ce qui correspondait à la seconde partie du roman de Gibson, il s'est retrouvé à sec niveau budget. La raison: le producteur Edward Pressman (Malick, Ferrara déjà) avait aligné un budget commun pour le film de Ferrara et pour Légionnaire, sauf que ce dernier fut en partie englouti par le JCVD. A ce moment-là, le producteur Pierre Kalfon intervient et trouve de quoi tourner la suite du film à l'étranger. Sauf que pour une raison mystérieuse Abel ne fut pas autorisé à quitter le territoire. D'où ce final bricolé, cette idée aussi vaine que d'un pur esprit série B dont le seul mérite est de permettre de passer plus de temps avec des personnages auxquels on s'est attaché. Et typiquement ferrarienne parce que tirant son charme de sa gratuité, un peu comme la fameuse scène "Have you ever sucked a guy's cock?" de Bad Lieutenant aussi inutile -à ce stade du film on sait déjà que le personnage de Keitel est abject- que puissante. Pas de théorie, pas de calcul, ces scènes sont là tout simplement.

Revenons-en au film. Après une ouverture posant son sujet d'une manière virtuose évoquant les derniers De Palma, le film va vite s'acheminer vers ce que certains appelleront absence de scénario mais qui est fait une suite de répétitions théâtrales, de scènes où Sandii (Asia Argento aussi fascinante par ses attitudes et son mystère que peut l'être son tatouage à même le pubis pour les tandem Walken/Dafoe) joue pour Dafoe la séductrice qu'elle devra être devant le savant nippon, une pièce de théâtre dont on ne verra que les répétitions pour que le mystère sur ce qui fera s'écrouler le plan des deux espions industriels demeure entier, que la réprésentation de la scène soit ce trou noir, cette part manquante poussant Dafoe au ressassement des raisons de l'échec, de sa recherche du moment où Sandii s'est jouée de lui. Mais à cette dimension affective s'ajoute comme toujours chez Ferrara une dimension politique: là où un King of New York racontait la volonté d'un parrain de devenir maire de New York de fait pour faire un portrait au vitriol de la montée des inégalités sociales dans les années Reagan, les "héros" du film sont cette fois trempés dans de l'espionnage industriel à l'échelle mondiale, dans un univers de conglomérats, de multinationales, de concurrence sauvage, de l'image -l'image numérique présente dans le film comme moyen de conquête potentielle du monde- où le seul élément imprévisible est l'humain -le charme de Sandii, l'attachement de Dafoe pour elle-, ce grain qui fait s'effondre tous les plans les minutieux visant à la fortune et la domination du monde. La canne de Walken peut d'ailleurs se voir comme un clin d'oeil à la Soif du Mal de Welles, le personnage du shériff Quinlan dans le film ayant été souvent vu par les exégètes de Welles comme un réalisateur cherchant à contrôler un film pour en obtenir en vain le final cut, le final cut du film qu'il a pris l'initiative de mettre en scène -son plan d'espionnage- lui échappant in fine. A ce propos, cette canne démontre la faculté d'un Walken un poil cabotin ici -par contraste avec l'allure reptilienne impassible de Dafoe- à introduire des éléments personnels dans les films où il joue, ce qui est citation de Welles est pris par lui comme objet utilisé dans la danse -cf aussi à ce propos la scène dansée improvisée par Walken dans King of New York-, écho à son passé dans le music hall.

Ferrara a fait bien mieux (King of New York, Bad Lieutenant, Nos Funérailles), bien pire (the Blackout, Cat Chaser) mais ce film aussi beau que bancal (ou beau parce que bancal?) confirmait sa place de franc-tireur dans le cinéma américain contemporain, de tenant pour le meilleur et pour le pire du premier degré et d'un certain esprit série B.



07 janvier 2002
par Ordell Robbie


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