Film attachant à la mise en scène fraîche et variée en idées, à la photo colorée comme savent très bien le faire les thaïlandais, Monrak transistor pêche tout de même par son "Calimérisme" un peu trop appuyé en grande partie due à l'acharnement opéré sur notre héros. Cultivant tel un champion une naïveté désarmante, il y a donc quelque chose d'assez primaire dans le fil rouge de Monrak qui doit nous faire avaler que oui, toutes les calamités vont s'abattre sans vergogne sur lui sans qu'il ne réagisse d'un poil, préférant de loin l'errance à l'action.
En contrepoids bienvenue, magie de l'enthousiasme Thaïlandais, un beau panel de situations de désamorcage, une subtile touche d'humour, une galerie de personnages excentriques tombée de nul part nous aident à traverser la pénible descente aux enfers. Et il faut surtout ajouter l'optimisme tenace et sous tendant de l'excellent couple vedette qui encense toujours le métrage. Une prestation sensible de KITSUWON Supakorn en première ligne, acteur talentueux et versatile qui passe allègrement du bad guy cambrousard (Les Larmes du Tigre Noir) au super héros mangaesque (Sars Wars) jusqu'à cette jolie petite gueule d'amour d'une naïveté extrême, sentiment qu'il maîtrise parfaitement jusqu'au point où le spectateur peut légitimement avoir quelques fois l'envie de lui botter les fesses. Surtout que son délicieux sucre d'orge, incarnation de la bonté faite femme, PUKKAVESA Siriyakorn, joue avec une sensibilité extrême tout à fait délicieuse qui mériterait bien qu'on s'y accroche avec une tenacité bien plus grande que celle de Pan, le Caliméro balloté de place en place. ps : j'ai trouvé la course poursuite originale et réussie pour ma part. ;p

Monrak Transistor est un de ces films rafraîchissants et authentiques qui font aimer le cinéma. Loin des formules toutes faites ingérées comme un menu du Mac Do, il sent bon le soin apporté à l'écriture, le scénario étant adapté d'un roman. Les personnages sont délicieusement décalés, les situations pas moins, le ton est enjoué, l'humour fait bon ménage avec de la romance très fleur bleue et du drame jamais trop pesant. Le film parle de choses simples de façon simple, évoque les rêves de chacun sans se la jouer success-story trop optimiste, mais adopte au contraire ce ton doux-amer qui laisse les plus beaux souvenirs. Le côté champestre vient également enlever un peu de la tension inerrante aux films plus urbains. Ici on se bat dans les bals populaires, les poules volent au milieu des protagonistes, c'est plus plaisant que des chaises.

Monrak Transistor fait partie de ces films au charme rétro et désuet terriblement attachants. La première demi-heure est en cela particulièrement représentative : un petit village thai paumé, une fête "couleur locale" très familiale où un beau gosse en T-shirt vert joue les crooners pour séduire une jeune fille très convoitée, le coup de foudre entre les 2, le mariage, et puis le revirement soudain : le jeune homme doit partir à la guerre et laisser son épouse en pleurs derrière lui - magnifique scène mélancolique où il chante en pleine bataille au milieu des carabines et des morts, avant de collectionner tel Caliméro toutes les emmerdes imaginables qui l'éloigneront inexorablement de sa femme. A la fois conte, comédie musicale et tragédie, le film de Ratanaruang parvient à planter une ambiance très sympa en mixant les genres avec un bon savoir-faire, et brosse le portrait de gens de la campagne trop naifs et idéalistes qui se retrouvent confrontés à la dure réalité de la ville et du monde en général. On en redemanderait bien une tranche, tiens !
Monrak Transistor est plaisant à regarder, c'est vrai. Pour autant, même s'il est bien meilleur qu'un Last life in the universe, il ne permet pas de considérer à ce stade Ratanaruang comme un cinéaste qui compte. Monrak Transistor est en effet un film bon malgré les travers de sa mise en scène. Les travers clinquants de son film suivant n'ont pas encore totalement contaminé sa mise en scène mais sont bien présents. On trouve ainsi un abus pas vraiment judicieux du grand angle, quelques mouvements de caméra amples où le cinéaste se regarde filmer. Mais aussi une course poursuite filmée de façon illisible et quelques choix formels esthétisants. Une focale isolant un objet, un plan large montrant l'ombre des amoureux de nuit par exemple. Lors de certaines scènes, le film a aussi tendance à trop se reposer sur une certaine lenteur contemplative. Le film se fait bien moins agaçant lorsque sa mise en scène se contente d'un classicisme ordinaire.
Une fois ceci dit, le film se laisse suivre volontiers grace à quelques atouts pas négligeables. Son duo d'acteurs touchants de naïveté d'abord. Mais aussi un script en forme de récit d'illusions perdues aux rebondissements bien dosés, aux péripéties mémorables, mélangeant les genres de façon bienvenue. Film de guerre, film policier, comédie musicale, mélodrame, roman d'initiation se retrouvent ainsi à se croiser tout le long du film, les ruptures de ton que cela implique étant bien négociées. Ce goût du mélange des genres associé à une naïveté assumée jusqu'à l'exagération fait de Monrak Transistor le reflet d'une certaine idée typiquement asiatique du cinéma populaire, bien loin du formatage festivalier de Last life in the universe. Surtout que Monrak Transistor nous offre des personnages de Pen et sa fiancée assez attachants et ce jusqu'à sa scène finale très touchante. Le reste des personnages croisés lors du film est quant à lui souvent un minimum haut en couleurs.
Bien sûr, le kitsch assumé du film débouche sur un goût des plus douteux rayon look des personnages comme décors mais on peut préférer ce flirt avec la vulgarité au bon goût hype du Ratanaruang suivant. Du coup, le film parvient à emporter le morceau malgré ses limites formelles pas négligeables.

On commence à cerner ce qu’est un film thailandais. Un peu comme les films coréens, ils empruntent à tous les styles, mais il ajoutent en plus un couche de kitsch, de guimauve qui exagère ou désamorce tout. Après, tout est une question de dosage, de juste assaisonnement. Alors Monrak Transistor est réalisé par un maître-saucier. Le film est toujours dans un bon ton, qu’il soit comique ou tragique. Il n’est jamais trop poussé, comme il traverse tous les états, cela lui évite de trop s’éparpiller (c’est l’anti-Miike…). Dans les meilleurs moments, cette modestie est tout à son honneur. Pas de scène de sexe, pas de gunfights, c’est un film « à l’ancienne ». C’est aussi un film « de campagne », une autre caractéristique du cinéma thai que l’on trouve parfois à Hong-Kong. Un film de fête de village, de bois, d’eau, de poules, de cochons, tellement inclus dans le décor que ça respire la sincérité, on aurait juré que la salle de Cannes, ce matin là, sentait la porcherie et le bambou.
En plus de cet exotisme jamais faux, Monrak Transistor échappe totalement de l’ennui par une profusion d’idées de scénario. On est pas prêt d’oublier les fêtes à neuneu ridicules avec leur animateur grotesque, ces chansons au milieu des poules (cela rappelle la tournée pathétique du groupe de Platform). De même, le manager-maquereau qui sent le vieil homo frustré à cent kilomètres, avec ses slips panthère et ses Ray-ban, l’acteur qui se délecte et peut pousser l’énergumène dans la caricature sans peine. Le summum du film, c’est un « Concours du meilleur déguisement de pauvre », on ne vous en dit pas plus, rien que l’intitulé vaut cher. Le plus mignon, c’est la lettre que Pen écrit à sa fiancée, navrante de sincérité balourde. Elle se termine par : « Je t’aime d’un amour gros comme un éléphant ». C’est-y pas chou, ça ?
Monrak Transistor ne tiendrait de toutes façons qu’avec ses deux acteurs principaux. Pas super beaux, ils sont profondément touchants. Leurs scènes ensemble sont intimes et sensuelles, sans que rien ne soit dénudé, comme dans les grands films Hollywoodiens. L’actrice fait une composition difficile, un sucre d’orge de bonté qu’on aime de suite et pour toujours, une paysanne délaissée, alors qu’elle est à l’origine une vraie « urbaine qui bosse dans la com’ » (genre héroïne de soap télé thai). Bref, désolé de vous le dire, ça va encore faire des VCD à acheter, mais il se passe de belles choses dans le cinéma thaï.


