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3.69/5
La Bête Aveugle
les avis de Cinemasie
4 critiques: 4.12/5
vos avis
20 critiques: 3.85/5
Du B classique à l'apothéose baroque.
Sans jamais se montrer franchement subtile côté répliques, "La bête aveugle" passe sans prévenir d'un petit B kitch de séquestration sans grosses prétentions aux vagues accents Freudiens à une envolée viscérale quasi quintessence de l'exploitation nipponne. Au coeur d'un décor unique multi-protubérant aussi morne qu’étrangement matriciel, le duo principal très impliqué, au moins tactilement parlant, monte en puissance comme pour mieux s'abandonner au final. Jamais voyeuse, la mise en scène sans relever aucun exploit esthétique nous emporte finalement vers cette ultime descente aussi rapide que vertigineuse dans les affres des corps et du plaisir. Le corps de MIDORI Mako est il faut bien le dire un champ d'investigation prometteur qui est on ne peut mieux cerné et magnifié au cours du ballet sensuel et macabre qui se met en place. Au final film symbole et puissant, "La Bête aveugle" n'en prend pas moins son temps pour réellement décoller.
Ames sensibles s’abstenir
Avis avec spoilers
Rares sont les films qui réussissent à provoquer le mal de mer et à rendre les jambes flageolantes à la sortie de la séance, à l’image d’un Salo ou d’un Eraserhead. La Bête aveugle fait partie de cette petite catégorie, une histoire d’amour extrême, passionnée, fusionnelle, qui va au bout de sa logique, au paroxysme du plaisir et de l’horreur.
La première partie s’oriente vers la séquestration en règle, dans la lignée du Voyeur et de Misery, d’une jeune femme dans le loft d’un artiste aveugle qui a besoin d’un modèle pour réaliser une statue et qui est soutenu dans sa folie par une mère veuve possessive. Ce loft est décoré de manière étrange et baroque, avec d’immenses corps de femmes en caoutchouc et des répliques de toutes tailles d’yeux, de nez ou de seins accrochés au mur, décrivant l’univers masochiste et obsessionnel de ce sculpteur fou. D’abord effrayée et révoltée, la jeune femme va élaborer un plan d’évasion élaboré en jouant de ses charmes pour monter son fils et sa mère l’un contre l’autre.
L’évasion ayant échouée, le film va alors s’orienter vers une radicalité extrême, vers un abandon de soi sadien, un abandon tout à fait flippant car presque inexorable ’abandon du corps et de l’esprit vers le plaisir et la douleur, dans un monde où rien d’autre n’a d’importance que la jouissance, et où la faim, le sang, la mort, le pourrissement d’un cadavre enterré à la hâte importent bien peu. Masumura pousse son jusqu’au-boutisme jusqu’à la provocation, et ça ne plaira pas à tout le monde. Il est en tout cas le précurseur d’autres œuvres marquantes comme La grande bouffe et L’empire des sens et fait passer, 30 ans avant, le « kilikilikili » de Audition pour un conte destiné aux enfants en bas âge.
Chef d'oeuvre sensuel et terrible qui n'opère que par la suggestion et le hors-champ, doublé d'une réflexion sur la création et servi par un trio d'acteurs en état de grâce, La bête aveugle est une perle que l'on semble ne redécouvrir qu'aujourd'hui.
un ovni cinématographique qui explore magnifiquement la passion humaine
Le cinéma japonais est décidément une caverne d'ali baba qu'on a pas fini d'explorer. Yasuzo Masumura est un cinéaste de chevet de Nagisa Oshima (et aussi d'Antonioni, il a été chef opérateur de Mizoguchi et Ichikawa) et quand on voit ce film on en est nullement surpris : blind beast anticipe la dérive sadienne que prendra sublimement le cinéma d'oshima dans les années 70. Un mannequin est enlevée par un sculpteur aveugle qui sculpte des corps de femmes à partir des sensations qu'il a en touchant ses modèles. Il est vierge et habite avec sa mère dans un entrepot isolé du monde où il sculpte des parties uniques du corps des femmes (jambes, lèvres, seins) ainsi qu'un corps de femme géant. Au début réticente, le modèle va entreprendre de séduire l'artiste et de l'initier à la sexualité sous le regard jaloux de sa mère. Et s'il réduit la femme dans ses sculptures à une partie du corps, c'est aussi qu'il vit par un seul sens, le toucher du fait de sa cécité de naissance. Progressivement, ils vont plonger ensemble dans la passion (elle deviendra aussi aveugle, ils essaieront vampirisme et sado-masochisme) jusqu'à ce que mort s'en suive.
Les personnages vivent loin de la société et de ses contingences matérielles, isolés du monde et sont livrés à leurs passions et leurs désirs de domination (alors qu'elle veut s'évader au début, elle restera et cèdera devant l'obstination de l'aveugle à vouloir la toucher). Si un plan résume bien tout le film, c'est celui du début : le modèle tressaille et se sent agressée quand elle voit l'aveugle toucher sa réplique sculptée. Elle lui permettra de sculpter la femme sublimée et de découvrir la femme réelle. Toute l'intensité du meilleur Oshima est déjà là.
Une découverte d'un cinéaste japonais majeur de plus et une fascinante plongée dans l'ame humaine.
Petit sommet pervers
En toute objectivité, La bête aveugle est un grand poème pervers sur l'esthétisme et la passion. Deux facteurs traités de bien belle manière par Masumura, qui au travers d'un portrait d'une "famille" habitée par la passion (la mère pour son fils aveugle et vis versa, ce dernier pour sa prisonnière) qui ne semble n'avoir aucune limite. Comme dans L'empire des sens, ce qui au début n'était qu'une séquestration pour assouvir les pulsions "tactiles" du bourreau (recherche du plaisir) se transformera en ballet sanguinaire et sadomasochiste. Le parallèle avec l'oeuvre d'Oshima est évident même pour toute une autre partie de sa filmographie. Notons aussi cette esthétique particulière, typique pop art (la même année, Suzuki Seijun s'amusait autant) influencée par l'art moderne et la recherche du design farfelu. Stanley Kubrick annonçait la couleur au début des années 70 avec ses jeunes pantins barbares que l'on découvrait assis sur des mannequins féminins dans Orange mécanique, ici Masumura expérimente le design en asseyant ses protagonistes sur des corps nus et proprement gigantesques, métaphore d'une sexualité "inédite" et "imposante" dans un univers pourtant étroit : un hangar, une salle d'entrée délabrée, point barre.
Ce huit clos étouffant distille une ambiance surréaliste (des parties du corps sculptées sur des murs) tout en dénonçant les limites mêmes de la passion et du danger qui en découle. Détesté, le bourreau rentre finalement dans le coeur de la captive à force de "contacts" physiques, comme si l'on pouvait tomber amoureux juste après s'être palpé des heures. Et quelle captive, la géniale et trop rare Midori Mako surprend par son côté "peste" mais n'arrive étrangement jamais à faire ressentir chez le spectateur une quelconque compassion ou pitié sur le sort qui lui est réservé. La bête aveugle n'a pas la froideur des adaptations du marquis de Sade pour le grand écran mais parvient néanmoins à inquiéter plus d'une fois notamment dans ses dix dernières minutes incroyablement bien montées, démontrant le passage de l'amour à la mort lorsque l'acte sexuel le plus simple ne suffit plus. Grand film? Sans doute, mais j'en attendais encore d'avantage.
Emprise de sens
Cette adaptation d'une nouvelle de Rampo est désormais considérée comme un classique du cinéma japonais et précède de quelques années la Nouvelle Vague Japonaise.
Le sujet est magnifique, de la contradiction d'un amour forcé (métaphore des mariages arrangés ou "forcés" toujours d'actualité à l'époque de la réalisation du film), à l'acceptation du ressentiment amoureux (découverte de sa propre sexualité et de l'abandon envers une autre personne) jusque dans l'abandon jusqu'au-boutiste de son amour. Le final est difficilement supportable, même si excellemment masqué par un savant montage...
Montage, qui n'est malheureusement pas toujours à la hauteur des ambitions ou a dû mal à rattraper quelques lacunes de la mise en scène. La faute avant tout au jeu des acteurs et d'une réalisation très bric-à-brac, où les coups sont clairement portés à côté, coupures et morsures mal imitées et les nombreuses bagarres non chorégraphiés. Dommage, car la sauvagerie animalière en perd de son impact émotionnel; quant aux acteurs, ils surjouent bien souvent dans les grandes largeurs, se référant certes au théâtre kabuki ou Nô, renforçant le côté dramatique, mais semblant par trop extraverti.
Seuls décor et éclairage sont de meilleur effet, alors que la mise en scène ne se permet pas une audace visuelle suffisante pour accompagner une mise en abîme aussi destructrice que "L'Empire des Sens" quelques années plus tard !
Oshima? Pas du tout! Edogawa Rampo!
Ce film est fabuleux! Pour plein de raisons, objectives ou pas, raisonnables ou pas.
Il y a le gout partagé de ce film avec l'oeuvre d'Edogawa Rampo de cette esthétique délirante de la perversion. L'érotisme n'est jamais loin de la monstruosité et c'est justement cela qui lui donne toute sa puissance et sa force de contestation. Les personnages de Rampo sont souvent des détraqués qui ont décidé de vivre la chair jusqu'au bout, malgré tout et tout le monde: ce film est parfaitement dans ce ton. Cruel, extatique, profondément amoral, ce film emmène ses personnages loin de la société pour les plonger dans un monde où il n'y a que les sens, la sensation, la sensualité. La puissance de suggestion de ce film est d'autant soulignée par la parfaite implication de Masumura dans son film: il filme sans recul, à hauteur de sujet, relayant parfaitement par sa réalisation l'impression immersive du film. Dans ce huis-clos où se révèle toute l'ambiguité du désir tel que l'imagine Rampo, la musique participe de ce même mouvement en soulignant de façon très significative, sans distance à nouveau, les climax de cette spirale délicieusement infernale.
Il est impossible de ne pas comparer ce film à l'Empire des sens d'Oshima, tant certains thèmes sont communs: érotisme débouchant sur la mort, enfermement critique des personnages,.... ces deux grands films se rejoignent surtout sur l'absence de référence morale pour juger le sexe! Peut-être même que le film de Masumura va plus loin en ce sens, poussant encore plus loin l'adhésion formelle par tous ses éléments à son sujet. Par là, il rejoint le génie de l'Edgar allan Poe japonais et l'illustre avec une force incroyable, proprement bouleversante.
Un film très original et très inventif, visuellement magnifique même si il a certes vieilli et comporte quelques longueurs.
La proie et l'ombre
Encore un MASUMURA sorti de l’oubli, ce n’est que justice au vu d’une telle œuvre. Il s’agit de l’adaptation fidèle d’un roman de Edogawa RANPO, le rénovateur du roman policier nippon dans les années 20.
Le cinéaste respecte l’esprit dantesque du livre originel, se contentant de moderniser le décorum et l’ambiance générale.
Cette histoire de passion érotique subie puis totalement consentie par un jeune mannequin aux prises avec un sculpteur aveugle et obsessionnel est une véritable plongée dans les abîmes de l’âme humaine, ou comment aller trop loin pour parvenir enfin à l’ultime extase, sans espoir de retour.
MUSUMARA construit son intrigue par paliers. D’abord le prologue et l’enlèvement, puis une longue explication par la fille elle-même sur les évènements, en voix off, permettant de partager sa répulsion pour cet univers clos et morbide : nous découvrons ainsi progressivement au début du film en même temps que l’héroïne séquestrée, mélange baroque et inquiétant représentant un seul sujet, le corps de la femme. Ensuite une autre partie lui succède, plus traditionnelle et ou l’action se fait en temps réel, à savoir le quotidien du trio : le sculpteur, sa mère et sa prisonnière, jusqu’au tournant du film, et enfin un retour à la voix off de la fille qui raconte sa plongée avec l’homme aveugle dans les affres de la passion, amenant un final d’une audace incroyable extrêmement dérangeant et fascinant.
La qualité esthétique du film est hallucinante, proposant un clair-obscur permanent dans un unique mais fantasmagorique décor, l’atelier de l’artiste. Les plans étranges succèdent aux situations érotiques et fétichistes d’une sensualité à mille lieu des produits de série formatés : car le cinéaste soigne certes la forme, mais privilégie le fond, conférant une grande authenticité à des séquences pourtant à la limite du surréalisme, d’ailleurs bien dans la lignée du romancier. Quant aux personnages, ils ont une vraie épaisseur, du mannequin d’abord victime puis parfaite manipulatrice pour devenir enfin une amante possédée, à la mère jalouse de sa progéniture sous couvert de son seul bien-être. Duo féminin implacable autour d’un homme intelligent et hypersensible, mais naïf et sans aucune connaissance du monde extérieur.
Les trois interprètes de ce huis clos sont parfaits. Eiji Funakoshi est remarquable dans son rôle d’aveugle obsédé par ses créations, plutôt sobre vu ce qu’on lui demande de jouer, face à une Mako MIDORI qui n’a sans doute pas la beauté de l’actrice muse de MASUMURA, Ayako WAKAO, mais possède une sensualité animale très érotique et idéale pour son personnage, lui donnant une crédibilité étonnante.
Seule la musique vaguement Morriconienne n’apporte pas grand-chose à l’ensemble.
Alors que quasiment en même temps, Kinji FUKASAKU sortait avec l’aide de Yukio MISHIMA une autre adaptation échevelée de Edogawa RANPO : LEZARD NOIR, représentant un aspect plus feuilletonesque mais tout aussi étrange de l’œuvre de l’écrivain, MASUMURA nous donnait ce film avant-gardiste et provocant à la beauté sulfureuse totalement intacte plus de trente ans après, pièce maîtresse dans une filmographie décidemment de plus en plus passionnante à (re)découvrir.
mal vieillit
très mal vieillit. c'est super kistch , super surjoué, mal fait, on rigole pendant les scènes de séquestration, on y crois pas une seconde. une bonne serie B.
à l'epoque ça devait être pas mal en tout cas...
Petite merveille
Magnifiquement réalisé, "La bête aveugle" est un film qui m' a agreablement surpris surtout de part sa mise en scène son décor et sa lumière. Certains cadres sont vraiment beaux et novateurs pour l' époque.
Possédant un excellent scenario, Masumura maîtrise parfaitement son sujet et laisse ses interprètes totalement seuls dans cette descente aux enfers. Les acteurs d'ailleurs s'en sortent incroyablement bien. Ce qui n'était pas évident.
Cependant je préfère la 1ere demie heure carrément geniale au reste du film où l' on anticipe plus le destin des personnages. Ca reste quand même une très belle histoire d' amour.
Merçi Masumura.
Eros etThanatos
Une histoire fétichiste de l'amour . Un amour fou, obsessionnel, passionné ... Les personnages passent d'une émotion à une autre : l'amour à la haine, la jalousie .
L'amour est ici sublimé par l'intermédiaire de la sculture, plus l'élaboration de cette dernière avance plus la passion devient obsession . On comprend alors que cet amour va grandissant et devient absolu ; les amants sont entrainé dans une spirale sans fin, ils sont enchainés et envahis de désirs morbides et de pulsions sadomasochistes dont l'aboutissement et la seule issue sont la mort . La musique, les décors et surtout l'atelier du sculteur sont pour beaucoup dans l'ambiance générale du film, une ambiance où le fétichisme est poussé à son paroxysme . Superbe .