Torture des méninges
Je ne soulignerai jamais assez l'importance capitale de la maison de production des Huay Brothers dans l'actuel développement du cinéma chinois. Producteurs de "Assembly" ou du prochain "Aftershock", ils mettent la barre toujours plus haut pour tenter de se rapprocher d'un niveau international / américain, tout en donnant la chance à des jeunes réalisateurs et / ou à miser sur des intrigues audacieuses, novatrices, voire carrément indépendantes.
"The message" est ainsi un subtil huis-clos dans l'enceinte d'un immense château, où se retrouvent prisonniers 5 personnages, qui vont être cuisinés à la manière d'un roman d'Agathe Christie pour tenter de démasquer le coupable…Ou alors à la manière d'un "Saw"…car après qu'il devienne évident, que ce que tout le monde pensait avoir pris pour le traitre démasqué n'était en fait qu'un innocent manipulé justement par le vrai intrus, le colonel passe à la vitesse supérieure et soumet tout le monde à un traitement de choc avec des scènes de torture d'une rare violence…surtout dans un film chinois.
La force du film réside sur plusieurs points. Déjà, le jeu extrêmement inspiré de la plupart des comédiens, avec la toujours parfaite Zhou Xun en tête, qui interprète une pétillante Mlle. Gu, qui croit d'abord à une vaste plaisanterie. Li Bingbing lui donne une parfaite réplique dans le rôle d'un officier.
Ensuite l'intrigue. Haletant de bout en bout, avec une pléthore de rebondissements en tous genres, il est tout simplement impossible de deviner l'identité du vrai coupable avant le dénouement…Et puis il y a cette énorme subtilité, où tous les rôles sont déjà inversés à la base, puisque finalement on tremble moins de savoir qui est le coupable, plutôt que de lui "souhaiter" sa survie…Eh oui, car finalement, tous ses protagonistes sont les "vrais méchants", des chinois à la solde du "méchant envahisseur", les japonais, tandis que le "coupable" est le valeureux résistant…Du coup, on est forcément troublé, se positionnant du côté des "méchants".
A la réalisation, deux talents confirmés, mais qui restent également à redécouvrir. D'un côté le taïwanais Chen Kuofu, réalisateur notamment de l'intéressant "Double Vision"; de l'autre Gao Qnshu, qui avait signé la laborieuse reconstitution historique "Tokyo Trial" avant d'épater avec très peu de moyens avec son "Old Fish". Bien qu'abusant un peu trop largement d'effets de style, leur collaboration fait des étincelles pour donner vie à ce poisseux polar entrecoupé des scènes de torture franchement dérangeants.
Un curieux blockbuster, mais qui perpétue brillamment la volonté des studios de la Huayi de brasser des genres pas forcément pensés à être mêlés pour accoucher de films commerciaux de qualité.
