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Maladie Tropicale

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les avis de Cinemasie

4 critiques: 3.88/5

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18 critiques: 3.15/5



Tenebres83 4.5
Ordell Robbie 4 Euphorisant malgré la pose
Xavier Chanoine 4 Exigeant et surprenant
Ghost Dog 3 Difficile d’avoir un avis tranché…
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Euphorisant malgré la pose

Tropical Malady a fait du bruit à Cannes, c'est sûr. Le boucan des claquements de sièges et des sifflets en a fait le nouveau "scandale" annuel sans lequel Cannes ne serait pas Cannes (Assassins, Irréversible, the Brown Bunny, liste non exhaustive...). La conférence de presse fut désertée par beaucoup de journalistes manquant du minimum de devoir de professionnalisme qu'on attend d'eux surtout concernant un film présenté à la Sélection Officielle. Une partie de la presse française cria au chef d'oeuvre qui aurait mérité la Palme, à l'OVNI génial, au nouvel "artiste génial et maudit". La presse du reste du monde trouva le film hermétique dans le meilleur des cas voire poseur. Toute cette controverse finit par aboutir à un Prix du Jury cannois partagé avec Irma P Hall pour the Ladykillers en forme de prix de compromis pour un film ayant autant divisé le jury que les festivaliers. De mon côté, je ne veux pas choisir mon camp concernant le cas Weerasethakul. Faire partie des défenseurs passionnés serait passer sous silence le caractère poseur de certains choix de mise en scène du film et de certaines de ses audaces. Rejoindre le camp des détracteurs serait nier que tomber épisodiquement dans la pose n'est pas forcément synonyme d'être un cinéaste roublard. Rien en effet qui soit véritablement du calcul de petit malin dans ce Tropical Malady où l'on retrouve la naïveté dégagée en interview par son auteur. Tropical Malady se déploie ainsi en allant dans deux directions antagonistes à l'image d'un film coupé en deux par un double générique en forme de gadget arty très en vogue dans le cinéma d'auteur thaïlandais: la pose et le gros n'importe quoi jouissif.

Toute la première partie du film ressemble à du cinéma calibré pour cinéphiles en manque de grands cinéastes taïwanais. Après s'être ouvert sur une citation littéraire pompeuse, le film enchaîne sur un couple tentant de bien vivre son homsexualité en Thaïlande en descente de Tsai Ming Liang. Le travail sur le son y fait expérience sensorielle et "signe extérieur de modernité cinématographique". La mise en scène abuse du plan fixe distant comme d'un tic revenant à intervalles réguliers. La durée des plans s'y déploie alors qu'il n'y a pas toujours grand chose à voir dans le cadre. Sauf que Weerasethakul prend parfois le temps de vraiment regarder ses personnages et que la naïveté des dialogues et des attitudes des acteurs ne peut s'empêcher de donner à cette partie son petit charme. Cette partie du film parle assez peu mais lorsqu'elle parle c'est souvent pour offrir des discussions garanties sans addition de cynisme. Les dialogues autour des Clash y poussent le bouchon fleur bleue tellement loin que ça en devient comique. Le passage chanté aurait pu se retrouver dans n'importe quelle production Bollywood.

Mais ce début vaut surtout pour sa première série d'idées vraiment délirantes. SPOILERS Une parabole sur la soif de richesse dont la morale à deux francs se retrouve illustrée par une référence à Qui veut gagner des millions?. Le film débouche ensuite sur une visite de caverne en forme de Temple Maudit cheap FIN SPOILERS. Vient une seconde partie pas longuette comme la première et bien plus réussie avec son lot d'idées d'un n'importe quoi plaisant atteignant toujours leur cible. Au programme des réjouissances SPOILERS une femme à queue de tigre, un singe parlant, un ninja. Un soldat s'y enduit aussi le visage de boue pour faire son Predator dans la jungle thaïe. FIN SPOILERS La lenteur finit par faire sens parce que faisant écho à l'ambiance de chasse à l'homme (aux esprits?) attentiste de cette partie-là. Le film gagne alors au fur et à mesure une charmante saveur de Predator en mode ralenti. Les inserts poseurs de commentaires écrits n'arrivent alors même pas à gâcher le plaisir de cette partie-là. Suite dans la jungle de la première partie? Autre variation sur le rapport amoureux, sur la quête et l'obsession de l'être aimé? Les deux probablement. Voir cela comme deux parties se faisant écho donne du coup au film sa cohérence et un vrai sujet... sans faire pour autant crier au génie comme ses laudateurs.

A ce stade, le plaisir que le film procure est bien plus grand que certain de ses travers poseurs. Et la guerre intense que s'y livrent la pose et le gros n'importe quoi se solde par la victoire progressive du second par KO. D'où un objet de cinéma bien plus stimulant qu'un Blissfully Yours, aussi convaincant en tant que divertissement inventif qu'en tant que film d'auteur. Les malentendus autour du cas Weerasethakul proviennent en fait de la façon dont ses plus ardents défenseurs tentent d'en faire le grand cinéaste d'avant-garde qu'il n'est pas. Mais la créativité rafraichissante de Tropical Malady méritait quand même bien de se faire une petite place au milieu d'un palmarès cannois cuvée 2004 très décevant.



06 juillet 2004
par Ordell Robbie




Exigeant et surprenant

Tropical Malady exerce un pouvoir fascinant sur celui ou celle qui tente de jouer le jeu. Jusque là c'est simple, le film de Weerasethakul n'a pas d'équivalent, il en est même décevant de devoir le comparer à d'autres oeuvres qui n'ont rien à voir hormis le rapport à la jungle et au silence d'un Predator, gros actioner calibré qui fit date dans l'histoire de la SF. Tropical Malady, saveur de SF? Pas sûr, la "fiction" n'étant qu'un pur prétexte de légende Khmer renvoyant aux dessins minimalistes de Michel Ocelot, sympathique opportuniste et conteur glucose du cinéma d'animation. Passons, Weerasethakul ne cherche pas la gratuité du plan interminable, du moins il ne la cherche plus comme pour Blissfully Yours réalisé deux ans plus tôt et summum du film poseur par excellence (mais non dénué de certaines qualités), ici il conçoit l'imaginaire qui prend racine dans la terre et les Hommes : Keng et Tong sont deux amoureux distants et vont se trouver séparés sans aucune explication plausible, parce que c'est écrit dans la légende du Chaman Khmer.

Et à Weerasethakul de tirer les ficelles de son propre bijou onirique et de nous transporter dans un rêve, paradoxal mais tellement réaliste, où le banal (discussions entre amis, discussions entre soldats, discussions entre famille, chien malade...) côtoie l'inimaginable et le fantastique oriental au gré de coupures tranchantes à la fois de ton et de rythme. Une rupture de ton à mettre à l'actif du changement radical de la narration. Tandis que la première partie, bavarde mais jamais lassante, nous convie à la montée amoureuse de deux jeunes hommes un peu paumés, la seconde tend à inverser la donne, où les deux amoureux se chassent pour mieux se retrouver par la suite, dans une jungle labyrinthique dont le bruit des feuillages, cris de singe et oisillons sont la seule source de son, de paroles. Rythmé par une voix off, délicate et retenue, la seconde partie défend le propos entier du film (l'Homme n'est qu'un animal) et même si ce dernier s'avère absurde, sa représentation à l'écran est sublime. Le cinéaste Thaïlandais n'a pas volé son statut de cinéaste auteurisant, certes, mais à aucun moment son oeuvre donne le sentiment de jouer dans la cour des opportunistes ou des abonnés aux festivals. Tropical Malady joue donc de sa sensibilité et fragilité (lorsque Weerasethakul s'approche du ridicule, il le dévie pour mieux rebondir par la suite) pour mieux surprendre son spectateur. Et inversion des rôles en fin de métrage, le chasseur devient chassé, c'est la loi de la nature, l'arbre couvert de luciole s'éteint comme pour annoncer un nouveau cycle, le cinéaste balance ses dernières cartouches avec de superbes travellings, et le spectateur est heureux d'avoir succombé au charme d'un véritable rêve.



17 juin 2007
par Xavier Chanoine




Difficile d’avoir un avis tranché…

Je me suis longtemps demandé ce que j’avais pensé de ce film une fois l’avoir visionné. J’ai adoré la première partie narrant l’histoire d’amour entre 2 jeunes hommes habitant un village du fin fond de la Thaïlande, dont la pureté et le bien-être des 2 amoureux souriants et insouciants transperçaient l’écran comme dans Blissfully Yours. Mais cette histoire qui, en elle-même, aurait pu suffire à faire un long métrage passionnant, s’arrête brusquement pour laisser la place à la forêt et aux fantômes, une dimension mystique qui sépare les amants et les emmène dans une course-poursuite immensément longue, cérébrale et contemplative qui fascine autant qu’elle agace, d’autant qu’on ne comprend clairement ni la raison de ce brusque retournement de situation, ni où veut en venir WEERASETHAKUL Apichatpong. Mais plutôt que de tenter d’interpréter ce qui ne l’est pas forcément, peut-être vaut-il mieux apprécier cette oeuvre tel qu’elle est, dans son étrangeté et son mystère, cette œuvre singulière qui assoit définitivement son auteur au rang des cinéastes d’avenir.

05 août 2005
par Ghost Dog


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