Décidément, à part "the mission", Johnnie To ne me convainc guère... :p
Excellentissime ! Johnnie To prouve une fois de plus que si ce n'est pas un grand cinéaste au sens d'un Tsui Hark ou d'un John Woo, ses films sont toujours d'une excellente qualité pour ce que j'en ai vu. Celui-ci est même dans le dessus du panier. L'action est moins présente que dans ses autres films (comme Lifeline ou Heroic Trio), mais le scénario est bien mieux écrit et beaucoup plus intéressant.
Pour une fois, c'est le couple qui prime et non pas les boires et déboires du policier globablement, comme c'est souvent le cas. Ici l'action est secondaire, et c'est le couple Lau Ching-Wan (excellent, au risque de me répéter) Carman Lee (elle, elle est trop craquante pour que j'ai un avis objectif sur sa performance, mais elle est vraiment bien pour ce genre de rôle... Je suis amoureux je crois...) qui est au centre du récit. J'ai rarement vu Ching-Wan interpréter un pourri pareil, sauf peut-être dans The Victim ou The Longest Nite, mais le rôle est quand même assez différent. Ici il est parfaitement abject au début du film, son comportement avec sa femme rendrait n'importe quelle personne sensée malade... La scène du restaurant est le point d'orgue de la bassesse humaine, et on essaye désespérement de comprendre pourquoi sa femme tente de rester avec lui.
La deuxième partie du film voit Lau évoluer et se rendre compte de qui il a été. Cependant, même s'il change, les gens autour de lui ont un peu de mal à accepter ce changement aussi vite, surtout sa femme. L'archarnement de l'autre pourri du film (et qui le restera) à vouloir se venger lui aura en fait permis de se racheter aux yeux de tout le monde et de lui-même. La balle qu'il prend dans la tête est en fait la mort de son ancienne personnalité et un retour à ce qu'il aurait du être depuis le début. L'archarnement de Carman Lee à vouloir l'aimer aura été lui aussi un détonnateur dans cette épreuve. Ce virement de situation fournit toute sa richesse au film, et en fait un film très simple sur l'amour que l'on peut porter à quelqu'un.
Autres qualités du film, les scènes d'action, assez brèves, sont bien faites et suffisamment prenantes. La musique joue un rôle important lors de certaines scènes, et reste de bonne qualité globalement. Enfin, une des grandes qualités de ce scénario est de ne pas faire changer la situation entre Carman et Ching-Wan trop vite. Pas de grandes embrassades 'J'étais un nul, je t'aime maintenant' 'Oh oui mon mari retrouvé !'. Les scènes sont beaucoup plus fines que cela et fonctionnent aussi bien sinon mieux que les classiques embardés émotionnelles.
Donc oui pour le scénario, la réalisation, Lau Ching-Wan en pourri qui ouvre les yeux, Carman Lee en femme qui s'accroche et le titre du film, simple et très joli. Non pour les gros sous-titres en anglais lors des deux chansons, surtout qu'elles sont déjà en anglais... J'aurais préféré deux chansons en cantonais, mais bon... Ce n'est pas bien grave. Donc à voir assurément, excellent mélange de polar et de drame.
Le grand mérite de Loving You, c’est déjà de prouver que Johnnie To a bien été l’instigateur de la Milkyway’s touch et non un businessman avisé qui sut récupérer les idées de ses talentueux protégés (Wai Kai Fai, Patrick Yau). Parce que l’on trouve déjà ici, outre son futur acteur emblématique Lau Ching Wan, la belle photographie bleutée qui sera la future signature visuelle de ses polars culte.
Et surtout on y voit déjà un désir d’imposer une certaine expérimentation visuelle dans le cadre du polar : meme s’ils ne sont là que pour poser le sujet, les mouvements de caméra qui quadrillent Hong Kong avec ampleur au début du film annoncent les travellings amples d’un the Mission et d’un A Hero Never Dies. Zooms brusques, caméras portées, cadrages penchés et vues de dessus propulsent le spectateur au cœur d’une action dont les moindres détails sont saisis avec une obstination qui n’est pas sans évoquer celle d’un Lau Ching Wan qui n'accepte à aucun moment de s'avouer vaincu. Et justement, bien loin des figures mythifiées qui ont dominé le polar hongkongais dans la décennie le précédant, son personnage dans le film est celui d’un policier pourri au bout du rouleau (la scène où il s’endort à l’arret devant un feu rouge) et incapable de bien savoir arbitrer entre sa vie de couple et sa vie professionnelle. Et un peu comme le sujet de the Mission est tout entier une mission à accomplir, celui de Loving You, c’est la capacité d’un couple à sortir renforcé d’une situation de crise. Ce sont d’ailleurs les scènes intimistes qui donnent au film ses plus beaux moments : la scène du début où Carman Lee annonce au restaurant à Lau Ching Wan qu’elle veut le quitter parce qu’elle est enceinte d’un autre et ne parvient pas à retirer du doigt son alliance ou encore la superbe scène où on le voit la suivre de loin dans les rues de Hong Kong pour l’épier et voir à quoi ressemble son « futur » compagnon au son d’une reprise de To Love Somebody des Bee Gees.
Et la scène du diner du couple dans leur appartement qui suivra saisit bien ce moment où l’on essaie de tout faire pour reconstruire quelque chose mais où les antagonismes finissent par l’emporter. A cet égard, l’idée de faire perdre puis progressivement retrouver à Lau Ching Wan suite à sa blessure par balle ses sensations de gout et d’odorat accompagne le mouvement de reconquete d’un espace intime qu’il avait délaissé. Mais alors que chez Woo (A Toute Epreuve) ou Mac Tiernan (Die Hard) c’est dans l’action qu’un couple se reconstruit, ici l’action n’est que le moment où s’achève une reconstitution déjà commencée au quotidien et hors de la sphère professionnelle (le film s’achève d’ailleurs de façon intimiste). Certes, tous les thèmes mentionnés ici pourraient sombrer dans la mièvrerie de téléfilm mais le tandem Lau Ching Wan/Carman Lee permet au film de s’en tirer avec les honneurs. Au rayon des défauts, on peut néanmoins déplorer que l’inventivité visuelle du film aboutisse parfois à nuire à la visibilité de certaines scènes de bagarres.
Surtout, le film n’a ni la liberté narrative d’un the Mission ni le scénario digne d’un Usual Suspects d’un the Longest Nite, ce qui l’empeche d’etre au niveau des meilleurs polars Milkyway. Mais il montre un ancien second couteau du cinéma hongkongais en train de se trouver et de trouver son style. Le reste appartient à la bonne partie de l’histoire récente du polar made in HK.