Bon sujet sur la lutte des classes
Life ne raconte pas seulement la vie de paysans chinois, il montre à quel point la société prend pied dans la vie des chinois et les empêche de s'écarter du chemin qui leur est destiné. On pourrait même y voir la société comme un personnage à part entière, tant elle joue un rôle important. Jialin, un intellectuel diplômé, se voit perdre son travail et retourne travailler sur les champs de son père. Frustré, il refuse de se laisser à l'amour que lui porte Qiaozhen, une jeune fille illettrée du village. Mais peu à peu, il se laisse aller tout en gardant espoir de retourner travailler en ville. Life montre ainsi que ce personnage, tout en vivant de sa frustration au village, cherche à tout prix à rentrer à nouveau dans le rang qu'il vise, tout en poursuivant un amour qui ne pourra pas quitter le village. Il promet pourtant à Qiaozhen de l'emmener avec elle s'il réussit, mais on se rend compte que la vie de la ville le changera. Enfin, lui ne change pas vraiment, il ne fait que s'ajuster sur le mode de vie de la classe sociale à laquelle il veut appartenir. Ainsi, une fois son rang retrouvé, il ne peux plus rester avec sa petite amie illettrée, et on voit à quel point il devient victime d'un système qui ne laisse pas le choix. Et pourtant, on le sent regretter sa décision, jusqu'à ce qu'il se rende compte que même la classe des lettrés ne veut pas de lui.
Jialin est finalement un anti-héros. On souhaiterait le voir lutter contre cette vie. On imagine un film revendicateur où le faible rassemble les autres faibles pour contrer le poids d'une société qui ne connait pas la persévérance ni l'espoir mais ne donne un avenir qu'aux riches et influents. Hors Wu Tianming montre plutôt un homme faible, qui subit tout et ne fait rien contre. Il n'est finalement qu'un pion dans l'échiquier, et est le jouet des forts pour lutter contre les faibles. Ces forts et faibles sont ici interprétées par deux femmes. La forte est la citadine, influente et manipulatrice, qui embarque Jialin dans son propre jeu, et le fait abandonner la faible, Qiaozhen, la paysanne qui ne sait ni lire ni écrire, et qui n'a d'autre avenir que de se marier avec un autre paysan de son village, pour perpétuer la tradition. Elle va même jusqu'à effectuer son mariage de manière traditionnelle, chose qui ne se fait plus à cette époque, montrant ainsi encore plus qu'elle et sa classe sont esclave d'une société qui les rejettent. Ainsi le personnage société dont on parle au début, est ici incarné par Jialin lui-même, qui est l'objet de la lutte des classes.
Les personnages sont vraiment convaincants. On peut juste reprocher au film d'être un peu long. Le récit est tellement dense qu'on se demande un peu où cela mène, et un risque de petit roupillon peut survenir si on n'a pas bien dormi la nuit. Mais en général, Life se révèle être un excellent film sur les conditions sociales des paysans au début des années 80 et un bon départ pour Wu Tianming.