Superbe introspection sur la vie bien fragile d'une famille
July Rhapsody est assez typique d'un grand Ann Hui : rythme langoureux, narration très peu explicative, excellente direction d'acteur, maîtrise technique évidente à l'ancienne. Le contenu historico-politique présent dans plusieurs de ses films disparaît ici avec un thème plus universelle, le passage de la quarantaine et la famille. Le discours se montre un nouvelle fois pertinent, touchant et dur. On y retrouve également de nombreux thèmes à creuser sur la vie à HK.
Il faut être préparé à un rythme assez lancinant toutefois, comme souvent avec Ann Hui. La superbe bande originale participe activement à l'ambiance triste du film, qui paraît 20 minutes plus long que sa durée réelle. Mais rythme lent ne rime pas forcément avec ennui permanent. Autant d'autres films d'Ann Hui semblent un peu long, autant ici toutes les scènes sont nécessaires. Chacune conduit jusqu'au dénouement, ambigu et superbe.
Il faut souligner la qualité du scénario, mettant en parallèle deux histoires avec 20 ans d'écart. L'histoire se construit de manière assez subtile, avec son lot de non-dits. La qualité principale en est probablement de ne pas souligner trois fois au marqueur chaque étape de la déconstruction/reconstruction de cette famille. Tout se produit comme dans un rêve, sans dramatisation inutile, mais sans en réduire non plus l'émotion. La réalisation est superbe, discrète mais pertinente, laissant les acteurs s'exprimer grâce à de longs plans séquences. La photographie et la musique complète bien le travail d'Ann Hui. Bref, toute la mise en scène se met au service du récit.
Enfin les acteurs sont épatants, de Jacky Cheung enfin de retour au premier plan à la toute jeune Karena Lam. Le duo Anita Mui / Jacky livre une performance de très haute volée, tout en retenue et en introspection. Connues pour être capable d'interprétations assez extravaguantes, les deux stars montrent ici qu'ils peuvent également faire preuve de subtilité, à l'image de leur dernière scène, magnifique de tristesse et tellement réaliste. Mais la vraie révélation du film reste Karena Lam, tout simplement fabuleuse en jeune effrontée au charme irrésistible. Elle fera chavirer tous les coeurs de 20 à 40 ans. On peut dors et déjà lui prédire une belle carrière si elle trouve des rôles à sa mesure.
Cette petite fièvre des 40 ans est donc un morceau de choix dans la filmographie d'Ann Hui, un film triste et mélancolique qui figurera aisément parmi les meilleurs de l'année 2002.
Le joli semi-comeback d'une grande de Hong Kong
Si elle fait partie avec John Woo, Tsui Hark et Stanley Kwan des réalisateurs hong-kongais les plus talentueux des années 80, Ann Hui avait beaucoup déçu depuis Ah Kam en réalisant des films inégaux ou impersonnels. C'est pour cela que son regain d'inspiration en plein marasme du cinéma hong-kongais est la belle surprise de 2002. Car, s'il n'atteint pas les sommets de Song of the Exile, July Rhapsody est un très bon film d'auteur qui survole d'assez haut les débats du cinéma hong-kongais de 2002.
Certes, le scénario n'est pas un scénario original de l'auteur (de toute façon un Eastwood n'écrit pas ses scénarios ce qui n'a pas empêché un film comme Impitoyable de porter sa marque) mais il est assez écrit pour permettre à Ann Hui d'y trouver ses marques et de développer ce qu'elle sait faire de mieux: la direction d'acteurs toute en retenue et l'expression de la nostalgie. Ann Hui a su tirer de Jacky Cheung et Anita Mui des performances faites de retenue, de nostalgie douce, de malaise exprimé sans recours au pathétique. Des thèmes personnels de Ann Hui sont au coeur du scénario: la figure de Luxun, personnage dont Jacky Cheung parle à ses élèves, chinois cultivé qui vécut à Shibuya, évoque les origines sino-japonaises de la réalisatrice; l'ancien professeur de Jacky Cheung a quitté Hong Kong pour s'installer à Taiwan parce que sa femme n'aimait pas l'ancienne colonie britannique; en tant qu'épouse trompée à cause d'une élève de son mari, Anita Mui subit ce qu'elle a fait subir à cette dernière. Tout ceci nous fait retrouver l'Ann Hui cinéaste des liens ténus et des rapports fascination/répulsion entre les pays de l'Asie du Sud-Est. L'envie de se substituer à un autre est au coeur du film: Jacky Cheung a voulu devenir professeur car il voulait pouvoir regarder celle qu'il aimait toute une journée comme le faisait son professeur avec Anita Mui jeune; les rapports avec sa jeune élève reproduisent ceux de son épouse avec son ancien professeur.
Une des forces du film est d'inverser les rapports de force traditionnels de ce type de situation lolycéenne: c'est la jeune élève qui est en position de force socialement, vient d'un milieu favorisé, est attendue par un ami au volant d'une Porsche tandis que l'homme mur ne comprend pas pourquoi cette femme s'intéresse à quelqu'un qui est plus bas qu'elle dans l'échelon social; c'est l'homme mur qui a l'impression de s'élever par procuration au travers d'une femme plus jeune que lui. Mais Ann Hui réserve ses plus belles cartouches émotionnelles pour la fin: la récitation d'un poème par Jacky Cheung et Anita Mui à leur ancien professeur mourant à l'hopital, les retrouvailles du professeur et de sa Lolita à la remise des prix faite de regrets et de la conscience que chacun doit poursuivre sa propre route. Et surtout la discussion finale du couple: le divorce y est évoqué sans tempête mais l'émotion explose bientôt ce qui fait que la discussion sur le sujet est reportée; Jacky Cheung veut d'abord qu'ils aillent voir ensemble ce Yang Tsé aux gorges aussi profondes que les larmes d'une Anita Mui sublime de lassitude. Le film se conclut ainsi de façon ouverte, réaliste, à l'image de cette liaison extraconjugale ordinaire et sans tempête.
Au négatif, si Ann Hui est très convaincante lorsqu'elle filme les moments intimistes sur un rythme apaisé avec des cadrages au cordeau contemplatifs, elle est beaucoup moins convaincante lors des scènes de bars ou de boites de nuit. Le film souffre alors du syndrome Goodbye, South, goodbye: les choix formels inadaptés à une ambiance où la nostalgie n'est crée ni par les acteurs ni par la narration (depuis, Hou Hsiao Hsien a utilisé une réalisation à la stylisation beaucoup plus visible en phase avec l'art de la frime de ses héros et introduit de la nostalgie en faisant raconter son récit contemporain par une voix off se situant dans le futur avec le superbe Millennium Mambo). Le film a donc dès lors ses longueurs. La conclusion donne également l'impression d'être trop rapide, défaut dont souffrait déjà Song of the Exile. Mais tous ces défauts demeurent mineurs au regard du plaisir de retrouver une cinéaste en forme.
Des années après ce dernier film, Ann Hui nous offre un nouveau chant obsédant rythmé de pianos nostalgiques et légers. Et nous de savourer cette petite musique qui tranche avec l'ordinaire tatapoum de supermarché produit par le cinéma de Hong Kong en 2002.
L'histoire d'un père
Après deux ans de vaches maigres suite à l'échec cuisant de son "Odinary Heroes", An Hui fêtait un double come-back avec son "Visible Secret" (co)-écrit et produit par ses soins et le présent "July Rhapsody", un travail de commande de Filmko sous l'impulsion du producteur Derek Yee d'après une idée de la scénariste Ivy Ho…C'est d'autant plus surprenant, que "Visible Secret" puait l'opportunisme mercantile et le projet impersonnel (ce qu'il sera à l'arrivée) à mille lieues, alors que ce "July Rhapsody" semblait une belle prolongation de son magnifique précédent "Summer Snow" sur un nouveau personnage confronté aux affres du temps (et de la crise de la quarantaine).
Comme souvent dans le cinéma d'Ivy Ho, c'est une situation somme toute banale, qui se développe sous nos yeux, construite sur des dialogues extrêmement simples du quotidien. Une histoire finalement pas très éloignée de notre propre cinéma national français avec ce prof tombant amoureux d'une élève en plein chamboulement sentimental avec sa femme.
A réalisatrice et sa scénariste semblent d'ailleurs quasiment s'en moquer en démarrant leur film par la citation: "Qui sera intéressé par l'histoire d'un père et de son fils sur une plage" avant d'enchaîner par un cours de littérature chinoise de haute volée donnée en cours, qui n'intéresse visiblement personne.
Histoire principalement portée par ses interprètes – dont la nouvelle venue Karena Lam, parfaite dans son rôle de lolita effrontée – on regretterait presque cette intrigue secondaire inutile, plombant le naturel de l'historie principale par une touche mélodramatique trop prononcée, même si elle permettra une nouvelle fois à Ann Hui d'éprouver la thèse, comme quoi, l'histoire se répète. Les silences en disent souvent plus longs que des mots et on aurait presque aimé Anita Mui se garder son mystère sur le couple – même si la révélation finale permet une très belle confrontation des (anciens) monstres sacrés du grand écran que sont Cheung et Mui et permettent également d'étoffer le personnage du fils sur la plage…car après tout, "July Rhapsody" est "l'histoire du père et de son fils sur une plage" et qu'il faut bien raconter quelque chose pour passionner un tant que se peut l'audience…
beau, délicat, mélancholique, pudique et bien interprété, malheureusement un peu trop plat et calme pour être une vraie réussite, JULY RHAPSODY n'en demeure pas moins un film à voir si vous aimez ce genre là. (à la taîwanaise on dirait). la réalisation colle parfaitement à l'histoire et l'ambiance nous rappelle un peu certains passages de IWAI. Ann HUI est douée, mais son histoire est trop peu écrite dans ce film.
Scènes de la vie quotidienne
La vie quotidienne de la classe moyenne (Jacky Cheung et sa famille) et les réflexions d'un enseignant face à la tentation sous forme d'une écolière qui a le béguin pour lui. Karena Lam est aguicheuse par moments mais jamais vulgaire, et Jacky Cheung impeccable en homme mûr et réfléchi.Un film convenu qui n'est ni bon ni mauvais.
simplement... beau?
Les plus : sans vouloir faire dans le mièvre, c’est... la vie ! en clair, c'est très bien écrit, et ça prend presque pas assez de libertés pour rendre la chose un peu plus factice et riche en rebondissement! cette impression d'authenticité est renforcée par le trio Cheung/Mui/Lam, parfait ; Leslie Cheung, quand il n'en fait pas trop comme dans un certain film de Woo ;), est un acteur très correct, et la petite Karena Lam en a vraiment à revendre... enfin, tout est si simple et bien mené…
Les moins : c’est un peu TROP la vie (de l’action, bordel !) ; et on ne voit vraiment pas assez Anita Mui (sacrilège, un cinéaste qui a une Anita Mui et une caméra sous la main et qui filme une plage!)...
L'âge des raisons
Une démonstration auteurisante un peu trop pudique pour marquer mon esprit. Très bien mis en scène certes, des interprètes : Jacky Cheung et Anita Mui en tête très convaincants dans leur rôle respectif, mais pas assez de démonstration à mon goût... du cul m'dame Ann Hui voilà ce que demande le peuple !!! Malgré cette tare que certains, et je les comprend, considèrerons comme une qualité, un regard respectueux et suffisament pudique pour ne pas tomber dans la "lofterisation" cathodique, l'auteur semble reculer devant certaines attentes du spectateur qui aime se faire secouer que j'estime être. Malgré tout ce film qui parle avant tout de la remise en question personnel est un film non dénué d'une certaine fibre fédératrice, à quarante ans un homme commence déjà à se retourner sur son passé...
Une grande leçon belle et ennuyante.