J-Rock.
C’est au milieu des années 2000 que YUASA se fait un nom auprès des amateurs d’animation japonaise : Mind Game marqua par une approche formelle et chromatique toute en ruptures aisément qualifiable de psychédélique. Il ne retrouva jamais totalement la magie de ce coup d’éclat dans son travail sur grand écran. Sur la même période, ses incursions télévisuelles (The Tatami Galaxy) et Netflix (Devilman Crybaby) furent plus convaincantes.
Inu-Oh est basé sur la modernisation par FURUKAWA Hideo (admirateur assumé de MURAKAMI Haruki) du Dit des Heike : le roman Le Roi Chien, suite du Dit des Heike. Le bouquin original est une Iliade nipponne compilant des chansons de biwa (joueurs de luth aveugles) et narrant la chute du clan des samouraïs à l’issue de la bataile navale de Dan-no-ura. Celui de FURUKAWA commence cent cinquante ans après : à Dan-no-ura, Tomona et son père pêcheur plongeur réussissent à récupérer dans la mer l’épée mythique de la bataille navale mentionnée ; cette épée tue le père et aveugle le fils ; Tomona part pour la capitale et devient joueur de luth biwa ; il y rencontre le danseur difforme et masqué Inu-Oh (Roi Chien) ; Tomona va chanter le Dit des Heike sur les textes et la danse d’Inu-Oh.
Base que YUASA va lier à la figure de la Pop Star et au J-Rock (cette version japonaise seventies du prog rock et du psychédélisme documentée notamment par Julian COPE). Le Inu-Oh est à la fois une figure monstrueuse et une icône populaire (Michael JACKSON ?) et ses spectacles alterneront pyrotechnie de rock de stade, beats à la We Will Rock You et breakdance non sans une hystérie proche de la Beatlemania. Figure de transgression, il aura son Salieri (comme ce MOZART que FORMAN dépeignait en rock star dans Amadeus), ses succès devant la cour et sera perçu comme une menace comme le Shogun. Et pour incarner la figure asexuée de l’Inu-Oh Yuasa a choisi la voix d’AVU-CHAN, artiste transgenre dont on entend la reprise de sur le récent Bullet Train. Le tout emballé par YUASA dans son style visuel psychédélique habituel avec au design des personnages le célèbre auteur de manga MATSUMOTO Taiyou.
Qu’est-ce qui manque alors pour faire un grand film ? Peut être faut-il revenir au bouquin de FURUKAWA servant d’inspiration au film. Bouquin qui semble avoir le même rapport post-moderne à la mythologie médiévale nipponne que le MURAKAMI de la nouvelle Les Grandes Brûlées (adaptée par LEE Chang-dong) à FAULKNER. Le lire après coup, c’est combler pas mal de flous sur les enjeux, les tenants et les aboutissants présents lors du visionnage du film. Ou, plutôt : combler le fossé culturel empêchant de savourer pleinement à jeun un tel film. Le cinéma est supposé être un médium artistique universel. Mais pas toujours…