Oeuvre visuellement remarquable et plutôt bien écrite
Avant d'être d'une incroyable maîtrise formelle,
Hypnotized est de ces thrillers captivants qui réussissent à marier idéalement réalisme et fantastique servant ainsi une intrigue très délicate au premier abord. Le plaisir d'être en face d'un thriller asiatique qui se tient relève du petit miracle et même si le second film de Kim In-Shik n'efface pas quelques défauts de jeunesse, le résultat est à la hauteur des espérances. A cheval entre les grandes réussites que sont
Old boy, 2046 et
A Bittersweet Life,
Hypnotized pourrait être comparé grossièrement à une sorte de mélange absolument improbable de ce que le cinéma des deux cinéastes coréens et hongkongais peuvent offrir sur le plan formel et quoi de mieux lorsque le scénario mêle habillement érotisme, polar et épouvante pour monter la mayonnaise parfaite? Non, pas grand chose, il ne manque pas grand chose pour aboutir à une vraie grande réussite dans tous les domaines, aurait-il au moins suffit de supprimer la séquence d'épouvante en toute fin de métrage, versant dans la gratuité la plus parfaite alors que le film joue depuis le début sur ses nombreuses finesses sur le plan narratif : Ji-Su est une femme dérangée depuis que son premier vrai amour l'a quitté. Elle refait sa vie avec un autre homme mais celle-ci ne semble plus trouver en lui l'amour idéal et son métier d'écrivain l'oblige à être internée à cause d'une démence sans explications valables. Un médecin, Seok-Won, tente de percer le mystère de cette jeune femme à coup de thérapies sous hypnose, et ce, un an après qu'elle ai subit sa première attaque. Le personnage de Ji-Su est d'ailleurs ce qui fait la force du film : physiquement, elle oscille entre le clinquant coréen (ou le pendant "chevelu" du Choi Min-Sik de
Oldboy réalisé un an plus tôt) et la star rock déchue style Maggie Cheung camée chez
Clean) ce qui lui donne un très grand panel d'émotions hélas freinées par une interprétation un peu trop rêveuse pour impliquer le spectateur à cent pour cent dans cette aventure cérébrale sans retour. Mais son corps absolument parfait rajoute une plus-value "formelle" à la moindre scène érotique, bien filmée, d'une douceur particulièrement noire. Le film, dans ses contrastes les plus forts, est une redite de ce que le cinéma de genre coréen use pour pallier un scénario souvent creux, et nombreux sont les détracteurs du cinéma de Kim Jim-Wun ou Park Chan-Wook qui reprochent justement une stylisation clinquante ou une simple resaucée des techniques de filmage vues dans le temps. Pourtant, Tarantino fait parti de cette même école et les critiques se font moins fortes.
Le prestige du nom? Pas sûr, quoi qu'il en soit, cette "redite" passe ici à merveille à la fois parce que le film joue fortement sur son caractère résolument flou et son jeu d'ambiance créant le doute : le personnage de Ji-Su n'est-il qu'un simple fantôme dont le passé, vrai fardeau, l'empêche d'évoluer? Le médecin à sa charge arrive t-il aussi à avoir une importance auprès des siens (à savoir ses collègues) lorsqu'il ne pense pas à sa femme décédée par sa faute? Et le mari de Ji-Su, comprenons l'actuel, arrive t-il à faire un choix entre sa femme et sa collègue de travail? Tout est une question d'identité, d'évolution, le film s'axe sur ces grandes lignes et parvient à instaurer le doute chez le spectateur à coups de messages vocaux perturbants, de fantômes ça et là (le spectre du passé, agrippé au présent pour l'empêcher d'avancer). Seul le sexe semble être une réponse aux nombreuses questions, mais son exécution peut amener au malsain : le médecin faisant l'amour à Ji-Su, alors sous hypnose, parce qu'il n'arrive pas à toucher une femme en temps normal peut être assez mal interprété mais ce n'est qu'un échos au thème du viol et de l'inceste évoqué en début de métrage par une patiente perturbée. Cette liberté scénaristique toute légitime est sûrement à mettre à l'actif des prises de risque de jeunesse ou bien d'une certaine forme d'académisme du cinéma de genre mis en lumière par Park Chan-Wook qui osa en 2003. Enfin, véritable actrice à part entière, la bande-son signée Jo Yeong-Wuk est renversante de variété et de qualité : les lourds moments pesants côtoient les cuivres jazzy et les cordes planantes pour un résultat stupéfiant, à l'image de la photographie du film globalement délirante. Que les fans de thrillers lents et "hypnotiques" se rassurent, la Corée du sud avait un bon représentant en la matière en cette année 2004, non exempt de facilités et de moments à la limite de faire tomber le film dans le grotesque. Mais n'est-ce pas là aussi la force d'un cinéaste que de jouer le funambule?