une autre superbe dénonciation de la guerre par Ichikawa
Trois ans avant Feux dans la plaine, Kon Ichikawa se révélait sur la scène festivalière mondiale avec la Harpe de Birmanie où il offrait déjà au public un superbe film pacifiste.
Car ce n'est pas seulement parce que Mizushima va devenir un moine birman qu'il est question d'élévation dans le film. Car cette élévation se manifeste par le champ et la musique: les accords aériens de la harpe ainsi que surtout les chants déclamés à la manière de negro spirituals permettent aux personnages, quelle que soit leur nationalité, de se placer au dessus des rivalités guerrières, des atrocités qui les entourent pour voir en l'autre ce qu'il a de plus humain. Le chant est le moyen de communication privilégié entre les soldats, Mizushima, les Anglais ainsi que les autochtones. C'est un véritable choeur repris à l'unisson (ce "There's no place like homme" symbole de la nostalgie du pays natal et de ce paradis perdu qu'était la nature avant l guerre) par tous les personnages quelle que soit le camp où ils se trouvaient dans la guerre (cette vision chorale de l'armée sera poussée à l'extreme par la Ligne Rouge de Malick où l'idée de choeur se retrouve à travers la multiplication des voix off). Le perroquet joue également un role de passeur entre les soldats et Mizushima. Tout se passe comme si, en utilisant des intermédiaires, des médiateurs dans leur communication, les personnages pouvaient ainsi lever les rancoeurs, les reproches et les haines (notamment vis à vis des atrocités commises au nom de la nation japonaise durant la guerre) qui sont en théorie des obstacles infranchissables. L'idée de communauté se manifeste dans la volonté forte des soldats d'essayer de retrouver Mazushima et d'essayer de tout faire pour qu'il puisse revenir au Japon avec la troupe. Cet aspect humaniste est reforcé par la mise en scène: meme lorsque Mizushima contemple avec horreur le charnier guerrier, la caméra n'oublie pas de nous offrir de superbes plans panoramiques de la nature pour nous montrer que les personnages ont conscience de faire partie de la nature et de rejeter la guerre qui violente cette nature. Les multiples plans de l'horizon ensoleillé soulignent que les personnages communient avec les cieux et leur désir d'échapper à leur situation.
Un autre grand thème du film est la dénonciation de ce pillier de la nation japonaise qu'est le sacrifice. La médiation de Mizushima échouera car il se heurte à un discours militariste qui traite de laches les soldats ayant capitulé (donc insultent leur propre pays qui vient de déposer les armes) et prone l'obéissance aveugle à l'empereur. En réaction à cette vision, Mizushima se convertira au bouddhisme qui incarne des valeurs opposées à celles de l'empire japonais: générosité, moralité, compassion, découverte de soi. Le début du film où les soldats semblent dire que dans le cas de Mizushima l'habit fait le moine birman montre que dès la début ce dernier préférait déjà les valeurs de la Birmanie (dont un autre moine dira que ni le Japon ni l'Angleterre ne l'ont changé) à celles du Japon. Inoué de son coté pense à son retour au Japon (avec l'appréhension de découvrir un pays dévasté) et incarne la vision qui permettra au pays de se relever: la reconstruction du pays sur de nouvelles bases, de nouvelles valeurs permettront au Japon de regagner sa place dans le concert mondial des nations. A l'opposé, Mizushima choisira de rester car il refuse de voir ce que son pays est devenu et qu'il a trouvé en Birmanie une existence plus en accord avec son etre. Il veut aussi rester car il veut communier avec les soldats morts et se pose ainsi en rempart contre l'oubli de l'horreur de la guerre.
Ichikawa poursuivra cette dénonciation sur un ton plus documentaire et moins mystique avec le cruel et beau Feux dans la plaine.
Se retrouver par le chant et la musique.
La Harpe de Birmanie joue les cartes du film humaniste, penseur et écologique dans un cadre de guerre, narrant l'histoire pas commode d'une troupe de soldats nippons envoyés en Birmanie. Le désastre et le chaos des terres entraîneront la dissémination des troupes, dont le soldat Mizushima, véritable point d'orgue du métrage. A contrario de la trilogie sur
La condition de l'homme oeuvrée par Kobayashi quelques années plus tard, le film d'Ichikawa ne proposera aucune attaque, aucune bataille, mais seulement leur résultat. Un résultat qui changera la façon de penser et de percevoir les choses (à travers la nature et la bonté de l'Homme) du soldat Mizushima, alors converti au Bouddhisme et vêtu de l'habit de moine traditionnel. La nature fait aussi partie intégrante du récit, Ichikawa prenant le soin de cadrer de superbes paysages (optimisme de la guerre) à perte de vue (voir galerie de photos) en total contraste avec les évènements qui s'y déroulent, un contraste "camouflé" comme possible lors d'une impressionnante séquence où le soldat se réveille aux côtés d'une montagne de cadavres entassés dans les roches. En contre partie, les soldats d'Ichikawa ne sont pas montrés comme des machines de guerre et de propagande, mais plutôt comme des "Hommes" qui n'ont qu'une envie, celle de rentrer chez eux et revoir leur famille. Le seul chant d'espoir (et le mot n'est pas faible), c'est cette superbe cohésion de groupe habitée par un élément commun : le chant. Le chant est alors le reflet de l'espoir et la troupe s'en servira pour retrouver Mizushima, persuadés qu'il est encore en vie.
Bien plus qu'un simple film humaniste à la beauté terrassante, La Harpe de Birmanie se démarque d'une génération de longs métrages nippons, période âge d'or, par son absence de teintes grises. Le métrage propose une photographie extraordinaire, à mes yeux supérieure aux travaux d'artisans de l'image comme Mizoguchi ou Kurosawa, créant cette fusion entre la noirceur de la guerre (les teintes noires) et l'espoir qui subsiste malgré tout (la lumière, la confession Bouddhique). Le but du film n'est pas non plus de propager ce sentiment d'anti-militarisme aigu, bien au contraire, la troupe nippone représente la solidarité et l'amitié et feront tout pour retrouver Mizushima, soldat sans grand pouvoir et charisme, mais "Homme" avant tout. L'utilisation du perroquet est aussi merveilleux et représente même l'élément central du film, aboutissant, grâce à lui, aux superbes retrouvailles avec le soldat devenu moine. Si la franchise des propos du cinéaste, naïfs peut-être mais réfléchis jusqu'au bout ne convient pas, La Harpe de Birmanie est une leçon de mise en scène, certains gros plans sur les visages tétanisés par la peur et le doute des soldats restent ancrés dans les mémoires pendant un bon bout de temps, une vraie science du cadrage et de la rigueur des cinéastes d'époque. Au final, si il n'est pas exempt de quelques longueurs, La Harpe de Birmanie est un grand film.
Un chef d'oeuvre de la catégorie poésophique mystique initiatique.
Pas grand chose à ajouter à l’excellente critique de Ordell Robbie, ce film bien que dans un contexte de guerre, est pure poésie, les soldats de la division du Lieutenant Inoué ne sont pas des soldats ordinaires, pas des brutes acharnées, ce sont des choristes, (mise à part l'exception qui confirme la règle, celui qui n'a pas d'oreille et ne parvient pas à se souvenir de la signification des signaux musicaux) ils ont une sensibilité d'artistes musiciens. Ils ne sont donc pas resté insensibles à leur environnement et à la culture birmane. Mizushima a déjà absorbé l'esprit du pays, il a appris à jouer de la harpe, il parle birman, il suffit qu'il s'habille en birman pour qu'on le prenne pour un autochtone. Mizushima va se transformer en moine bouddhiste malgré lui, l’écart avec ses camarades se creuse, séparé d’eux pour un long voyage solitaire pendant lequel il vivra des expériences initiatiques, la faim, la vision des charniers de soldats, la prise de conscience de l’horreur de la guerre, il les retrouvera à Mudon, transfiguré, méconnaissable. Ayant déjà pris sa décision de ne pas rentrer au Japon (détachement du patriotisme qui est l’exagération des sentiments naturels qu’on a pour son pays d’origine) il ne voudra plus communiquer avec ses camarades. Le perroquet, symbole de l’intellect, posé sur l’épaule, servira de médiateur « He , Mizushima, ishonni nipponni kaïro !» (rentrons ensemble au Japon). Non, Mizushima ne rentre plus au Japon, il est devenu moine bouddhiste birman, sa vie a changé de voie, il a encore une longue tâche à accomplir ici, aucun être humain n’est obligé de rester figé dans une culture. Bouddha a dit : « La vérité, c’est ce qui est utile. »
encore un chef d'oeuvre a découvrir!!
chef d'oeuvre humaniste,"la harpe de birmanie" est cependant un film qui peut dérouter.
kon ichikawa mèle les tons,les thèmes de reflexion,mais au final,je trouve le film completement cohérant.
des images d'une beauté renversante,des chants qui touchent au coeur....
a découvrir illico pour ceux qui ne connaissent pas!
Mon curé chez les bouddhistes
Oeuvre célèbre pour son humanisme et son pacifisme, la Harpe de Birmanie met en scène une compagnie de soldats Japonais stationnés en Birmanie au moment de la capitulation de 1945. Particularité de la section : elle est menée par un chef de chorale qui s'emploie à faire chanter ses hommes et comporte en ses rangs un soldat Mizushima, doué pour la harpe. Celui-ci doit convaincre un autre groupe de cesser les hostilités - mais il disparaît en cette occasion avant de réapparaître plus tard en moine birman.
Comme d'autres, je ressens une grande admiration pour le message et la forme (brillantissime) sans pouvoir m'empêcher de ressentir un certain ennui devant la lenteur du récit et une certain trouble devant la naîveté de la représentation de ces sympathiques soldats.
Un film étrange profondement humain mais qui paradoxalement m'a laissé insensible.
Ces chants, cette harpe, devraient être l'instrument pour faire vibrer les cordes de notre coeur mais l'on reste sourd à cet appel. Seuls des échos nous parviennent nous murmurant à l'oreille que ce film aurait pu être enchanteur.