Elise | 3.5 | L'action à la coréenne |
Ordell Robbie | 1.5 | La Pègre |
Im Kwon-Taek a fait son film d'action, sous fond de colonisation japonaise, mais ne semble pas chercher à rentrer en profondeur dans l'histoire ou le nationalisme. Il marque plutôt un nouveau style du cinéma d'action qui est devenu le modèle des films des années 90 et même de maintenant. Kim Doohan a vécu toute sa jeunesse dans la rue, à l'époque où il fallait être le plus fort pour survivre, entre les Japonais, les collabo et les gangs. Il devient donc un combattant redoutable au milieu du quartier de Jongno et se fait remarquer par un gang qui veut utiliser ses talents pour asseoir sa suprématie sur le quartier. Le film est intéressant dans sa façon de dépeindre le quartier de Jongno durant la colonisation ; ce quartier qui est historiquement (et qui est toujours) la place centrale du cinéma coréen, voit les différentes salles tenues par différents gangs qui luttent pour faire respecter leurs territoires respectifs, sous l'oeil des Japonais qui rigolent en voyant les Coréens se taper entre eux. Ces Japonais rigolent moins le jour où les Coréens sont forcés de s'allier contre les Yakuza pour protéger leur seul espace de liberté. C'est dans ces guerres localisées que Kim Doohan progresse dans la hiérarchie d'un clan.
Le personnage de Doohan est intéressant dans une sorte de mégalomanie du pauvre qui devient riche et puissant. Il se dit du clan Kim de Andong (rien que ça : les Kim de Andong ont croisé la lignée royale pendant plusieurs dizaines d'années au 19ème siècle), mais on ne sait pas si c'est quelque chose qu'on lui a dit quand il était enfant où s'il l'invente pour asseoir sa valeur dans le clan. Et pourtant ses hommes ne le respectent pas pour ça ; ils lui donnent de la valeur pour sa descendance véritable avec un grand général de la résistance anti-japonaise (dont il est ignorant), et son action personnelle amplifie cette effet. Kim Doohan se voit alors devenir le roi de Jongno, malgré sa fausse pudeur à s'excuser à chaque fois qu'il monte en grade à ceux qu'il supplante. Il n'a de cesse de demander des autorisations qu'il est sûr de recevoir. Il se rend compte qu'aucun Coréen ne peut l'arrêter, et sa mégalomanie l'entraîne à se voir vainqueur seul des Japonais.
D'un point de vue purement technique, le film a très mal vieilli. On sent l'image délavée et une élocution des personnages rappelant les films des années 70/80. Mais la mise en scène plutôt simple et sans extravagance de Im Kwon-Taek permet de faire passer correctement la pilule. Le son est aussi un peu sale, et on a du mal à vraiment profiter du thème musical pourtant bien ancré dans le film et porteur. Par ailleurs, au niveau action, c'est un délice. On sent un style proprement coréen à vouloir faire des combats absolument réalistes sans fioriture ou magnifique chorégraphie. Des combats qui ne durent pas plus de dix secondes où un coup de pied dans la tête suffit à terrasser un adversaire (ce qui est logique). La baston et le combat final sont un peu plus développés mais restent dans cet esprit terre-à-terre où la voltige est un luxe qu'on ne peut pas se permettre dans une tragédie. On voit où se trouve l'inspiration de Jeong Du-Hong (d'ailleurs cascadeur sur ce film) pour les chorégraphies qu'il prépare à présent.
Enfin Le Fils du Général est un très bon film d'action, qui a malheureusement vieilli sur certains points mais dont le style reste une référence en matière d'action dans le cinéma coréen. À voir dans la foulée The Terrorist qui montre un Choi Min-Su déchaîné.
Oeuvre inaugurale d'une saga qui fut un des gros succès coréens d'Im Kwon-Taek, Le Fils du Général détonne dans une décennie surtout marquée pour le cinéaste par des projets personnels. Point ici de l'ambition thématique ou formelle qui marquera son incursion plus tardive dans la saga mafieuse avec La Pègre. Le héros appartient certes à ces figures coréennes du peuple auxquelles le cinéaste est attaché mais il n'est rien de plus qu'un symbole de la résistance à l'occupant nippon. Point ici de tableau d'époque fouillé et d'une extrême noirceur malgré des clins d'oeil au monde du cinéma (la salle de cinéma comme point de référence géographique du film, la projection avec équivalents coréens des benshis) et le désir de tendre vers une certaine sécheresse antispectaculaire dans le filmage des combats de rue. Sans faire de fautes majeures, la mise en scène n'est pas non plus renversante et le score sent le score de mauvais polars US années 80. Le film manque également parfois de rythme et suit trop souvent sans originalité les chemins balisés de la saga mafieuse. Un Im Kwon-Taek qui ferait presque réévaluer son déjà mineur La Pègre.