"Merry Christmas mister Lawrence", massacré sous le titre "Furyo" est un film d'une grande étrangeté, d'une grande violence, qui aurait très bien pu être réalisé par un Pasolini de part sa violence physique et psychologique poussée. Une véritable descente aux enfers dans un camp de prisonnier en Indonésie( L'île de Java) tenu par des japonais durant la guerre 39-45. Les prisoniers sont tous anglais et hollandais, dont un certain Lawrence (Tom Conti), bataillon kidnappé qui fera la conaissance d'un certain Sellier, interprêté par un hallucinant David Bowie (que l'on retrouvera 4 ans plus tard dans l'efficace "Labyrinth"). Le film tourne autour de ces deux personnages au destin visiblement tourmenté par leur arrestation. Ils discutent alors de leur passé au fond d'une cage dégueulasse, s'entre-aident et tentent de résister aux soldats et matons japonais d'une grande dureté. Par exemple pour la simple utilisation d'une radio, Sellier a risqué la mort.
Ici, n'y trouvez point de femmes qui pourraient tenter les soldats, ils peuvent tellement le faire entre eux. En effet, David Bowie représente l'être de tous les dangers de part sa gueule d'ange ou son charisme incroyable qui pourrait faire perdre la tête à plus d'un. Le thème de l'homosexualité est d'ailleurs présent durant tout le film (le métrage s'ouvre sur une scène où un soldat se retrouve responsable d'abus sur un prisonier Hollandais, pour se faire Hara-kiri dans la foulée), puis l'intrensigeant capitaine Yonoi, d'une dureté assassine perdra ses moyens devant Bowie à la suite d'un bisoux reçu sur la joue en guise de provocation. Heureusement que subsistent ça et là plusieurs éléments d'espoir. Un Kitano méconaissable en maton alcoolique et bébête jouera les durs tout au long du film jusqu'à s'appaiser après un "Joyeux Noël", puis le combat mené par Lawrence pour sauvegarder des vies. Ceci dit il faudra faire avec de nombreuses pertes humaines et une quantité de têtes coupées et d'Hara-kiri en veux tu en voilà pour tenter d'apporter la paix dans ce camp. Les hommes sont torturés, humiliés (fausse éxecution par exemple) afin que l'ordre et l'autorité prennent le dessus.
La réalisation d'Oshima est sans reproche. Nous avons droit à quelques plans très techniques à base de zoom et de travellings, à des décors splendides contrastant totalement avec cet aspect "camp de concentration". Palmiers, montagnes et mer en arrière plan signifient peut être l'once de liberté pour nos détenus. La musique n'est pas en reste, d'une grande variété et à l'écoute presque "actrice" à part entière du métrage. L'interprêtation toute en justesse apporte une grande densité à l'oeuvre d'Oshima. Les nombreux flash-backs sur la jeunesse de Sellier (David Bowie) sont quasi autobiographiques, d'une grande émotion mais à la fois terribles de part les faits qui nous sont montrés (tabassages, bizutages et autres joyeusetés). "Merry Christmas mister Lawrence" est une étrangeté que l'on se doit de voir, péssimiste sur toute la longueur mais sauvée in extremis de la déprime par un dernier plan d'une incroyable ironie où Kitano attendant d'être éxecuté nous dit à deux reprises en gros plan : "Merry Christmas...Merry Christmas". A méditer.
Outre qu'il prouve qu'on peut réaliser un hymne aux rapprochements des cultures sans tomber dans la platitude, la niaiserie ou l'académisme, Furyo tire sa force du sens du casting d'Oshima ainsi que des contrastes créés par sa légendaire bande son et sa réalisation et prolonge dans le cadre d'une production à gros budget la force de contestation d'un certain cinéma japonais.
un casting judicieux
Certes, Bowie ne fait que jouer ici son propre personnage mais quel personnage... S'il est un artiste en situation de maitrise de soi permanente, c'est bien lui et cet aspect se retrouve dans son personnage qui mime dans une scène effarante son rasage et son petit déjeuner devant des gardiens ébahis, semble maitre de lui-meme meme lorsqu'il se met en colère. La force de Bowie rock star fut de donner l'impression de venir d'une autre planète et son role ici est justement celui de l'élément pertubateur qui fait chanceler un système par sa seule beauté -au début du film, les japonais veulent d'ailleurs bander les yeux aux soldats pendant son exécution comme si il incarnait le danger et l'attraction sexuelle de par sa seule présence. La scène du flash back sur Callier et son jeune frère qu'il ne peut empecher d'etre martyrisé par ses copains renvoie également à la propre vie de Bowie: il a eu un frère en qui il voyait son double et qu'il n'a pas pu sauver du suicide et beaucoup de musicologues considèrent ce moment comme fondateur de sa fascination pour l'idée de double. Si le capitaine Yonoi fascine à l'écran Callier comme s'il était son propre reflet dans la glace, on peut en dire autant de Sakamoto par rapport à Bowie: les deux partagent un intéret pour les musiques électroniques, le fait d'avoir rendu des innovations musicales accessibles à un très large public ainsi qu'un statut de rock stars dans leurs pays respectifs. Ici, l'interet financier du casting va donc rejoindre l'intéret artistique du film. Quant à Kitano, son célèbre style de jeu qui sera au centre de son cinéma est ici déjà en place: visage inexpressif, quelques mimiques et des accès de rage subite. Bref, Kitano était déjà un grand acteur.
une bande son qui participe de l'ambiance du film
S'il est un film où la musique est un véritable personnage, c'est bien Furyo. Ici, comme dans n'importe quel classique sadien, les personnages sont "morts au monde" (Hara dira d'ailleurs qu'il est déjà mort depuis qu'il est entré dans l'armée): ils vivent dans un endroit isolé de toute morale et de toutes contingences terrestres où ne s'applique pas la convention de Genève et où règnent des lois aveugles (à tout crime il faut trouver un coupable). Cette impression est renforcée par le célèbre thème synthétique de Sakamoto Forbidden Colors: en lieu et place d'une musique correspondant à l'époque, cet alliage de tradition -la mélodie classique- et de modernité -la froideur des boites à rythme- contribue à placer le film hors du monde et hors du temps de par le décalage créé avec l'image. Dans les séquences oniriques de flash backs de Jack Cellier, la mélodie contribue à souligner par sa nostalgie l'innocence perdue de Cellier.
une réalisation contre le sujet
L'idée de contraste présente dans la musique se retrouve amplifiée dans la réalisation: alors qu'il décrit un monde en dérèglement, Oshima ne se départit jamais d'une extreme rigueur aussi calculée que les poses d'un Bowie. Il n'utilise que des figures de mise en scène d'une grande simplicité: zooms, travellings avant et arrière, travelling latéral. Une meme figure de style peut exprimer ainsi des choses différentes au cours du film: le travelling avant souligne la crainte de l'exécution lors de la première scène de torture du film et le regard de Yono fasciné par Callier lors du proçès. Avec Furyo, Oshima prouve ainsi qu'on peut décrire le dérèglement de valeurs absurdes -le hara kiri entre autres- sans se départir d'u vrai sens de l'ordre dans l'exécution.
la continuation des thèmes d'un certain cinéma japonais des années 60
Contrairement aux réalisateurs hongkongais à Hollywood, le fait de faire un film hors du contexte de production japonais n'empeche pas Oshima d'etre fidèle à sa thématique. A l'instar de celui de son contemporain Kobayashi, son cinéma a toujours été une attaque frontale contre les valeurs fondatrices du Japon: le mythe du samourai, le bushido, le sacrifice. De par son intrusion, Callier met en évidence l'absurdité de ces systèmes de valeur auxquels croient les Japonais dans le film. La particularité de la dénonciation d'Oshima est que ce personnage met aussi en évidence l'absurdité des valeurs du monde dont il provient, celui de l'Angleterre à l'éducation stricte. Oshima revient également sur un de ses thèmes de prédilection, le racisme d'une partie de la population nippone à l'égard du voisin coréen. C'est la radicalité de ces positions qui font qu'Oshima a toujours été plus révéré par les cinéphiles et la critique à l'étranger que chez lui. On ne touche pas impunément aux valeurs fondatrices d'une nation.
Pour toutes ces raisons et tant d'autres, Furyo est une des réussites majeures du cinéma d'Oshima et un classique du cinéma japonais des années 80.
A chaque fois que je revisionne Furyo, c'est toujours avec le même plaisir - j'ai dû le voir au moins 6 fois - . Pourquoi une telle vénération pour ce film? Sans doute parce que pour moi tous les éléments sont réunis pour qu'il se rapproche de la perfection.
Tout d'abord, les 4 personnages principaux sont riches et complexes; interprétés par des acteurs aussi impressionnants que David Bowie (beau gosse aux yeux vairons hallucinés), Takeshi Kitano (vulgaire et violent mais attachant, et qui retrouvera Oshima 17 ans plus tard dans Tabou), Ryuichi Sakamoto (hypersensible sous une apparence rigide et cruelle), et Tom Conti (diplomate, compréhensif et ouvert), ces personnages sont tout à fait inoubliables et magnifiquement mis en valeur par des seconds rôles impeccables. A noter que vous aurez beau chercher, vous ne verrez pas un seul visage féminin durant les 2 heures de ce film; la chose est assez rare et mérite d'être soulignée.
On est donc dans un univers d'hommes, et pour cause puisqu'on est en pleine Seconde Guerre Mondiale; des centaines d'hommes enfermés dans un camp de concentration, que ce soit les prisonniers ou les matons, au beau milieu du décor naturel extraordinaire qu'offre l'Ile de Java, Indonésie. Ces hommes sont divisés en 2 communautés distinctes (les japonais séquestreurs, les anglais et hollandais prisonniers) obligées de cohabiter tant bien que mal sur des valeurs, une morale et une culture qui n'ont rien en commun. Mais, loin d'être en froid les uns avec les autres, il s'exerce une attirance trouble, une fascination sans bornes entre ces hommes si différents qui ne se seraient sans doute jamais rencontrés en temps normal, des rapports tendus qui tournent parfois en drames passionnels: pour avoir couché avec un hollandais, un officier japonais est obligé de se faire hara-kiri (c'est-à-dire de s'ouvrir le ventre) sous les yeux de son amant, qui se suicide en avalant sa langue. Cette fascination mutuelle se traduit donc en attirance sexuelle, donc forcément homosexuelle, et l'attirance la plus forte se ressent entre David Bowie et Ryuichi Sakamoto.
Mais attention! On est loin de La Cage aux Folles ou Pédale Douce. Ici ces passions sont racontées et filmées avec le raffinement le plus extrème: de lents travellings ou zooms, la bande son de Sakamoto lui-même à tomber par terre (véritablement terrassante, l'une des plus belles de l'Histoire du Cinéma, qui non seulement accompagne merveilleusement les images mais les transcende et transporte leur puissance visuelle vers une dimension rarement égalée); et un bisou sur la joue de Sakamoto par Bowie suffit pour qu'il s'évanouisse !!
Ne ratez donc surtout pas ce film, pressenti pour la Palme d'Or à Cannes en 1983 avant que Shohei Imamura ne se l'adjuge pour La Ballade de Narayama. Pour ma part, je classe Furyo dans mes 10 films préférés tous pays confondus.
Merry Christmas, Mr. Lawrence est le premier film japonais qui m'ait vraiment marqué. J'avais vu deux ou trois autres films avant, dont Ran de Kurosawa, mais ils n'étaient pas "choquant" pour un européen. Avec Furyo je retrouvais véritablement ce qui m'avait charmé dans les romans de Sôseki Natsume : une construction inhabituelle du récit.
Inhabituelle pour nous autres, abbreuvés de cinéma américain et autres Astérix contre Grognard empereur des crétins. C'est à dire, une entrée directe en la matière, sans prologue, des transitions relativement sèches et surtout, une histoire à raconter : celle d'un homme. L'homme en question, joué par David Bowie, est un soldat mais avant tout est un homme, avec un passé et un futur. Mais là le présent seul nous intéresse, et dans une moindre mesure comment on y est arrivé.
Furyo, c'est l'histoire de destins croisés, entre les bons et les méchants, et les bons qui deviennent méchants. N'oublions pas que nous sommes en temps de guerre, il ya des choses qu'on peut se permettre, et qui changent les hommes. Le film nous laisse apercevoir la cruauté feutrée de ce camp de prisonniers, et la cruauté tout court de Yonoi qui devient un être rempli de haine par sa déception amoureuse. S'en suit la descente aux enfers du prisonnier qui a rejeté Yonoi, chute qui va le ramener dans son passé, et ...
Et puis ce film est tellement riche que je ne vois pas par quel bout le prendre. Juste une dernière chose, merry christmas.
Soit on aime, soit on déteste, mais ce film ne peut laisser indifférent, et ceci pour plusieurs raisons.
Le scénario interpelle au plus au point le spectateur.Tout d'abord, la violence "physique" et "mentale" que dégage le film, notamment par l'intermédiaire du comportement tyrannique du commandant Yonoi qui montre à quel point l'homme est cruel envers son semblable. Les liens affectifs violents, plus que troublant, existant entre Jack et le commandant renforce l'atmosphère ambiguë, qui rend mal à l'aise le spectateur. Entre ces deux pôles attractifs du film évolue un personage atypique, Lawrence, un prisonnier anglais qui fait le lien entre tous par sa volonté de comprendre son semblable, qu'il soit anglais ou japonais. Ils sont tous des hommes avec leurs vues de l'esprit, dont la différence peut sembler minime. Ce scénario représente l'excès à tout point de vue.
Ce scénario non conventionnel est mis en musique de façon magistrale par Ryuichi Sakamoto. Je ne ferai pas l'offense d'en parler et encore moins de la critiquer, cette musique se vit un point s'est tout.
Pour conclure, ce film est une ode à l'homme, dont il nous montre de nombreuses facettes, toutes différentes mais pourtant si semblables. Chacun pouvant se trouver dans l'autre, passer d'ennemis à amants.
Bien sur, il est bien difficile de présenter et de critiquer ce film, il est comme il est, il se vit simplement, sans concession. Pour ma part, je conclue sur cette interrogation : ce film serait-il le prototype du conte de Noël moderne ?
Alors, pour conclure, Merry Christmas et ........ Joyeuse Paques.