Quand monsieur Yu revient à HongKong, ce n'est pas sans quelques idées derrière la tête. L'endroit rêvé peut-être, pour laisser libre cours à ses inspirations, sans être à la merci des producteurs véreux d'Hollywood. Ah il est loin le Ronny Yu de La Fiancée de Chucky, atrocement passable et foutage de gueule par la même occasion, de même que son Le 51ème Etat co-produit un peu partout et tout aussi moyen, ou bien de son Freddy Vs. Jason qui lui entrait dans la catégorie des nanar de luxe. Ne parlons pas de son pathétique Magic Warriors, indigne du réalisateur de The Bride With White Hair.
2006 sonne le grand retour à HongKong, pour une déclaration intime au Wu xia et au film de Kung Fu, dans une autre optique celle d'un hommage à Jet Li qui couvre ici son dernier rôle en "costume". Ce look l'a rendu définitivement célèbre avec son Il était une fois en Chine, puis The Tai-Chi Master, d'ailleurs Fearless reprend quelques saveurs des films sus-cités. La furie des combats, incroyablement bien filmés, la sagesse des propos, la douceur et l'onctuosité des valeurs, tout un cocktail fascinant et bien emmené par des protagonistes convaincants et un Jet Li au sommet de sa carrière. Peut être même son meilleur rôle après celui de Wong Fei-Hong chez Tsui Hark. Il y a même des notes dramatiques, empreintes de pureté, on en aurait presque la larmichette tant l'ensemble fait preuve de sincérité. Fearless serait-il le film le plus sincère de son auteur? Des morts affreuses, des paysages impressionnants, une paysanne aveugle immense de beauté, des duels qui virent presque à la barbarie pure et simple annonçant des morts certaines.
Ronny Yu démontre aussi à quel point sa sincérité fait mouche à travers cette heure quarante via l'approche d'une réconciliation annoncée entre la Chine et le Japon (duel de fin), que chaque art martial n'est pas plus "puissant" qu'un autre -tout dépend de celui qui le pratique, et qu'il faut être humble tout au long de sa vie pour ne pas le regretter un jour (arrogance et ultra violence de Huo Yuan).
Ceci dit, si Ronny réussi à placer ses partis pris là où il voulait, on ne peut pas dire qu'il est allé chercher bien loin le script de son film, assez moyen dans l'ensemble. Aucune nouveauté, pas grand chose de bien motivant (combats/ressource/tournois), mais un film bien ficelé dans l'ensemble, bien agencé dans ses mouvements (une constante avec Woo-Ping aux commandes) et finalement particulièrement distrayant.
Cette saga historique ne peut être mise dans la lignée des OUATIC ou de Fist of Legend ne serait-ce qu'à cause de le prédominance de la maturation spirituelle du héros sur son évolution martiale. La quasi-absence du rapport de l'élève au maître en ce qui le concerne, tout autant que son rapport à ses élèves par la suite, est d'ailleurs assez caractéristique. Difficile donc de juger le film sur le plan martial uniquement. Ronny YU Yan-Tai n'hésite donc pas à faire une large parenthèse dans le film sans la moindre action, simplement pour donner un cadre à l'évolution de son personnage. C'est sans doute là le point faible du film pour ceux qui s'attendent avant tout à de l'action. Cependant, à la vue du succès du film en salle à Hong-Kong, on peut en inférer que ce choix a permis d'ouvrir le film à un public plus large.
Les scènes de combats de par leurs qualités restent la principale raison de voir le film. Yuen Woo-Ping est parfaitement à l'aise dans ces chorégraphies relativement classiques, mais dont l'intensité s'adapte parfaitement aux capacités de Jet Li. Plusieurs des combats retiennent l'attention avec une préférence pour celui dans l'auberge dont la mise en scène reflète bien la confusion du personnage. Mais ce serait une erreur de limiter l'intérêt de Fearless à ses combats car ce qui le distingue réellement de productions précédentes de Jet Li est son avénement comme acteur. Pour la première fois, d'un bout à l'autre du film, il livre une interprétation confirmant ainsi sa continuelle progression dans ce domaine depuis ses débuts américains. Il faut avouer que pour ceux qui comme moi estiment l'évolution de Jet Li, l'appréciation de son jeu vient combler les temps morts de l'histoire. Associé aux bonnes scènes de combats, ces deux raisons justifient amplement de voir le film.
Le maître d’armes ne révolutionnera pas le film de kung-fu, mais il reste un bon divertissement avec des scènes d’action impressionnantes qui ont déjà été détaillées dans les autres critiques : la plus belle est sans doute celle sur la plate-forme à 20 mètres de haut (concept original mais pas forcément très adapté pour les spectateurs qui regardent ça d’en bas…), mais j’aime aussi beaucoup l’affrontement avec le mastodonte Nathan Jones qui avait déjà sévi contre Tony Jaa.
Ronny Yu ne s’arrête cependant pas à l’action pure et propose une réflexion plutôt plaisante sur les arts martiaux. Sans casser 4 pattes à un canard ni sortir des sentiers battus, le film pose la question du sens profond de cet enchaînement de combats et de la maîtrise de son art martial. A quoi cela sert-il donc ? A la gloire personnelle (être le meilleur de la région) ? C’est un peu vain, et on ne le comprend qu’au bout de quelques temps. Huo Yuan Jia, après son passage à la campagne, se remet donc en cause et finit par admettre qu’il représente un modèle à suivre pour ses congénères, un modèle de sagesse, de courage et de charisme, ainsi qu’un symbole, une icône pour son pays. Lors de l’affrontement final face au japonais, il lui emprunte d’ailleurs un des codes du samouraï, celui « d’être capable de combattre même avec la tête coupée », et gagne son respect de la sorte.
Pas sûr que ce Jet Li restera dans les annales, mais il vaut assurément le détour tant sur le fond que sur la forme.
Ronny Yu et Jet Li reviennent aux pays après un enchaînement de films occidentaux loin d'avoir fait l'unanimité et pas mal de questions quant à la réussite de cette grosse machine martiale. Le réalisateur souhaite revenir aux sources des récits d'époque du cinéma hk et emprunte à l'histoire chinoise un personnage principal prometteur pourtant peu traité au cinéma, Huo Yunjia, redoutable maître qui sévissait à Tianjin en 1895 et n'avait pour seul idéal que dominer ses adversaires, l'un des plus célèbres descendant de l'enseignement du temple shaolin originel s'il en est, est aussi le créateur de l'institut Jinwu, école résolument progressiste qui dérangeait sensiblement les Japonais alors en pleine conquête politique. Le personnage dépeint ici comme arrogant et dominateur et l'orientation martiale sans concession accompagnée de Yuen Woo Ping aux chorégraphies laissaient entrevoir une possible réussite se démarquant des clips esthétiques en vogue, accentuée par le soit disant dernier rôle martial annoncé de Jet.
Et en effet, à partir d'une histoire on ne peut plus primaire, Ronny Yu propose un kung fu noble et hargneux comme on en a pas vu depuis un bail (Fist of Legend dont le récit fait suite à cette histoire puisque Chen Zen n'est autre que le disciple de Huo Yunjia). Le plaisir de découvrir Jet Li en particulier, dans un rôle de maître arrogant et irrespectueux, est indéniable. Capable ici de restituer une palette de sentiments primaires mais justes qu'il avait expérimenté dans Danny The Dog, le plus connu des fighters HK impose enfin un charisme ou du moins une vraie présence comme la conséquence de sa dure expérience occidentale qui semble finalement payer. De l'arrogance à la naïveté en passant par la rage et le dépit, autant de sentiments basiques certes, mais que Jet maîtrise désormais au point de crédibiliser un vrai anti-héros qui l'éloigne enfin du trop lisse et gentil Wong Fei Hong qui lui a longtemps collé à la peau.
Débutant par trois combats apéritif en flashback qui laisse déjà leur petite impression, puis glissant généreusement vers une violence qui rappelle de bons souvenirs (Bruce Lee), Fearless offre à l'amateur de quoi se rassasier avec un joli nombre de combats divers de plus en plus violent jusqu'au passage dans la maison de thé furibond qui rappelle les meilleurs moments des perles wushu 90's. Autour d'un fil rouge on ne peut plus basique mais correctement huilé et clairement destructeur qui fait la part belle à Huo Yunjia plutôt qu'à son école, la mise en scène claire et travaillée de Ronny Yu, une très jolie photo, des athlètes au top et un Jet Li indéniablement habité et motivé font de cette première partie un vrai plaisir déjà incontournable pour l'amateur. Côté Yuen Woo Ping, les retrouvailles avec Jet Li sont une vraie réussite, les chorégraphies wushu fluides et nombreuses proposent deux gros morceaux (la tour pour l'aérien et la maison de thé pour la destruction sauvage) étonnamment bien accompagnés d'une dose conséquente d'affrontements secondaires et de seconds rôles physiquement très solides. A part quelques rares inserts, les sfx virtuels restent discrets et efficaces et c'est tant mieux. Les chorégraphies se démarquent clairement des classiques précédents aussi bien que des mixtures esthétisantes récentes, moins de speed bourrin 90's, plus d'espace, de composition graphique et de sfx modernes, mais la technique martiale, la violence des coups, et la qualité, l'éclectisme des adversaires est là et bien là.
Après ces 50 minutes intenses en action sèche qui se terminent sur une dramatique brutale, Le Maître d'arme se poursuit de manière beaucoup plus conventionnelle en proposant un noeud scénaristique pré mâché extrêmement proche du Dernier Samouraï puisque Jet Li atterrit en pleine campagne reculée pour une petite demi heure typiquement rédemptrice où domine le calme, la nature omnipotente et une jeune femme plus qu'accueillante et débordante de beauté, superbe Betty Sun. Cette partie bien dégoulinante heureusement assez courte expose à peu près tous les clichés inhérents au repos salvateur du guerrier en bout de course mais garde une belle noblesse avant tout par la beauté du lieu. Frappé par une révélation mystico-spirituelle en pleine culture des champs de riz au milieu des autochtones, Huo Yunjia se ressource alors que cette retraite aplanit à grande vitesse tout relief de fond que Ronny Yu compense avec de superbes panoramas extérieurs filmés dans la province de Zhejiang et rappelant par instant le paradis d'un certain village Hobbit (sauf qu'ici, tout est 100% naturel).
La dernière partie referme assez adroitement le tout avec tout d'abord l'australien Nathan Jones (2,10 m, 160 kilos), bestiau toujours aussi ravageur repéré dans l'Honneur du Dragon, puis s'achève sur un très beau pré-final avec un impeccable karatéka japonais qui termine joliment le petit hommage respectueux à Liu Chia Liang et son légendaire tournoi dans Heroes of the East.
Si il ne se centre pas sur la vengeance pure ou l'apprentissage martial façon old school, Fearless suit tout de même un scénario typique des classiques HK, une réflexion primaire et tourmentée sur la voie martiale plus ou moins malaxé avec le Jet Li de Danny the dog pour la rage aveugle et Le Dernier Samouraï pour la partie rédemption où Ronny Yu parvient à un résultat aussi simple qu'efficace. Il me semble donc légitime de passer outre la mièvrerie de certains passages et le basique de l'histoire tant le récit fluide, la prestation de Jet, les chorés nombreuses d'un Yuen en forme, la magnifique photo, le contexte historique appétissant et pas mal d'autres choses en font le meilleur gros machin HK depuis des lustres.
Largement moins audacieux qu'un Seven Swords que ce soit sur le fond ou la forme, Ronny Yu reste prudemment dans un récit rabâché de ficelles du cinéma US et de l'action classique HK mais il le fait bien et propose un spectacle beaucoup plus violent au final qu'un 7 swords qui s'annonçait à tort barbare. Il ne passe pas à côté du principal pour un film martial, un héros tiraillé un minimum consistant, une philosophie martiale noble et des combats nombreux et percutants, joliment équilibrés entre le terrestre âpre et l'aérien discret, entre la technique martiale pure et la technologie moderne avide d'apesanteur et d'angles impossibles. Un kung fu pian résolument moderne qui fait du bien.
Version longue ou non, la courbe d'intérêt de Fearless reste la même : premier tiers très très bien, avec un Jet LI aussi efficace dans son interprétation dramatique que martiale. C'est sombre, assez violent et ponctué par deux combats où YUEN Wo-Ping ne se "réinvente" peut-être pas, mais délivre des chorégraphies énergiques. Après, une fois le personnage de Jet parti cueuillir des paquerettes en Thaïlande... et ben ça devient chaud là, après. Le scénario se fait beaucoup plus consensuel et les chorégraphies se mettent au diapason, on se laisse rapidement gagner par un certain désintérêt et on arrive au bout en se disant "dommage, du pain sans fromage".