Ghost Dog | 3.75 | L'individu contre le groupe |
Zhang Lu n'est pas né de la dernière pluie, et ça se sent immédiatement dans ce court métrage de 15 minutes : une grande maturité dans la mise en scène, dans les thématiques abordées et dans la subtilité à les évoquer - il faut dire qu'il avait déjà 39 ans à l'époque de ce film datant de 2001.
Le lieu tout d'abord : un paysage enneigé, un environnement évoquant les mines de charbon, avec cette maison isolée, ces rails et ce petit tunnel d'où l'on semble l'extraire. La Chine profonde, la Chine de Mao, avec ses ouvriers et ses fils d'ouvriers qui s'amusent. Sans parler, d'ailleurs. Il n'y a aucun dialogue. Les 11 enfants jouent au football sur un terrain caillouteux où les buts sont matérialisées par de simples pierres. Seul un enfant ne joue pas. Cantonné dans un rôle de remplaçant qui le frustre, il rentre en jeu uniquement pour casser l'ambiance en marquant contre son camp, avant de se faire tabasser... Les plans, fixes, sont de toute beauté, et l'atmosphère décrite est très bien rendue.
La thématique, ensuite : clairement, le jeune garçon est opposé au groupe de ses camarades. Mis à l'écart, il devient rebelle, puis est puni. Dans la dernière scène, au lieu d'aller rejoindre le groupe, il se ravise et revient jouer seul, comme s'il avait conquis une certaine liberté individuelle au prix d'une renonciation sociale. On peut ainsi y voir une métaphore politique habile où le collectivisme communiste laisserait place à l'individualisme libéral dans une Chine en pleine mutation. Mais ça n'est qu'une interprétation possible d'un court diablement séduisant.