Une esthétique un peu trop appliquée ?
Le parallèle que IM Kwon-taek fait dans ce film entre la peinture et son cinéma ne serait-ce déjà que par le découpage des scènes et la photographie montre à coup sûr une belle maîtrise technique. Si on conçoit que cet aspect ne vient pas entâcher la narration mais au contraire la réhausse par une mise en perspective des deux formes d'arts, il serait logique de considérer ce film comme indispensable.
Le problème (éventuel) pour le spectateur vient de la trop grande visibilité de la construction que rend plus évident encore le rythme assez lent du film. Du coup, on bascule sans cesse entre dans le jugement, non pas de ce que Im Kwon Taek nous propose, mais du choix technique et esthétique de celui-ci, et l'histoire elle-même. Cette mise à distance est-elle volontaire? Difficile à dire, mais le film évolue du début à la fin dans cet équilibre précaire qui nécessite de la part du spectateur au moins une certaine attention, sinon un effort. Chihwaseon ne fait donc pas parti de ces films faciles, et si cela est tout à l'honneur de Im Kwon Taek, cette construction semble quand même ôter au film une bonne partie de d'implication émotionnelle au profit d'une intellectualisation de l'art qui semble en contradiction avec le propos même de la vie de Jang Seung Up.
Fleurs et oiseaux...
Si il n'y avait que les extérieurs de nature... sublimes et omnipotents, la musique... discrète et divine, les femmes... hypnotiques, les peintures... toutes plus belles les unes que les autres, il s'agirait déjà d'une grande oeuvre esthétique... Bien plus encore, la pureté transperce
Ivre de femmes et de peinture de part et d'autre pour ne rien laisser d'ostentatoire et de superficiel.
Le moindre plan y est transcendé en oeuvre toute puissante et le contexte historique semble se dérouler à des années-lumières du monde dans lequel vit ce peintre par excellence. Étant (petit) peintre à mes heures, je ne peux nier que ce film m'a transpercé le coeur tant la justesse du propos, la simplicité et la véracité de chaque parole touche à l'étincelle de vie.
Le vide mélancolique et insaisissable contraste avec extase le nombre incroyable de plans, comme si Im Kwon Taek peignait à son tour la vie au gré de son héros ténébreux tiraillé entre la reconnaissance et la richesse (généralement vite engloutie dans l'alcool) que lui valent son talent et son interminable quête de l'émotion jetée sur le papier.
Le vide et le plein, l'essence même de la peinture sont ici transmis dans toute leur perfection. L'assemblée qui regarde Choi Min Sik peindre pourra être aussi perplexe que le spectateur à la découverte de ces étranges peintures monochromes. Et pourtant toute la force discrète, presque cachée, de la peinture est là, l'équilibre sensoriel entre le plein et le vide, l'intuition d'une tache noire qui remplit un espace que nul ne décide, si ce n'est l'écoute de l'énergie de l'instant. Quelque chose de très difficile à expliquer qui est ici parfaitement catalysé au travers de la moindre parcelle de pellicule.
La mélancolie, la rage et l'extase de l'hypnose ne font qu'un dans la vie de ce peintre hors du commun. La fougue et la folie destructrice d'un
Basquiat côtoient la technique incroyable et le bagage culturel des peintres asiatiques de cette époque. Le tout bouillonne comme jamais malgré le calme apparent.
Ivre de femmes et de peinture est un hymne à la beauté, à la culture et à la recherche de l'insaisissable, une oeuvre bouleversante de sincérité. C'est un de ces films qui devrait être connu et vécu par le plus grand nombre tant il respire de toute son âme. Un film qu'il faut voir et SURTOUT revoir.
Plus encore, le DVD Pathé est superbement présenté et le malheureusement trop court reportage sur les manifestations des cinéastes coréens (dont Im Kwon Taek), en 1999, face à la diminution des quotas de diffusion et la main mise des États-Unis sur la programmation cinématographique, termine de nous anéantir de par son engagement profondément primordial.
Il résonne d'autant plus fort que ce combat pour l'épanouissement et simplement la survie de la culture cinématographique coréenne rappelle avec insistance celui qui se mène aujourd'hui dans notre pays. Le sujet n'est pas le même mais l'action de ces artistes est intimement liée aux raisons qui poussent NOS intermittents à se faire entendre.
La culture nourrit chaque pays et est universelle, elle est le ciment qui peut tous nous grandir si on sait la reconnaître et la soutenir. Les regards graves et tristes de ce reportage, qui s'arrête malheureusement à l'année 1999, sont les mêmes que ceux des français qui se battent actuellement pour que l'exception culturelle ne soit pas un vain mot.
Aujourd'hui, ce combat pour un quotas de diffusion de films coréens décent est encore et toujours d'actualité puisqu'après les très bons chiffres des années 2000-2001-2002 et l'âpre victoire des cinéastes nationaux en 1999, le problème des quotas est à nouveau mis sur la table en ce mois de juin 2003 avec notamment des pressions toujours plus fortes de la MPAA (Motion Picture Association of America), organisation gestionnaire des intérêts des majors américaines, et un gouvernement coréen fébrile qui réfléchit encore aujourd'hui à la suppression pure et simple de ces quotas vitaux pour la survie d'un vrai cinéma national (rassurés qu'ils sont par les bénéfices plutôt rondelés des grosses machines), et malgré la présence de Lee Chang-Dong (réalisateur d'Oasis et de Peppermint candy) en tant que ministre de la culture de plus en plus esseulé et menacé.
Une raison de plus pour réfléchir à (et même boycotter) l'influence du mode de pensée globale américain, formaté, sans saveur ni odeur, faisant de nous des vaches à lait saturées d'inutile.
Célébrons plutôt l'essentiel : fleurs et oiseaux. Et que ceux qui ne comprennent pas ouvrent grand leurs receptacles devant ce film profondément global.
Un prix cannois de la mise en scène mérité pour Im Kwon Taek, qui signe ici le portrait habilement nuancé d’un peintre coréen du XIXème, sorte de Bukoswki light traversant l’histoire chaotique de son pays.
Jang Seung-Up a plus ou moins toujours vécu en marge de la société qui le louait pour ses dons d’artistes. De son enfance stigmatisée par la violence quotidienne de la mendicité à sa progressive reconnaissance par l’aristocratie coréenne pour ses dons picturaux indéniables, Jang Seung-Up a développé presque malgré lui une attirance pour un style de vie libertin, entre une relation houleuse et fusionnelle pour la bouteille et un penchant affirmé pour l’autre sexe, à mille lieux des préoccupations politiques qui ravagent peu à peu la Corée. Ivre de femmes et de peintures est rythmé par ce contexte historique fort (la chute de la dynastie Chosun à la moitié du XIXème siècle, après 500 ans de règne), revenant se rappeler au spectateur épisodiquement de façon souvent abrupte, tant ce peintre semble détaché de cette société qu’il ne comprend pas, dont les évolutions lui donnent l’impression d’en être le témoin obligé mais passif.
Des aspects présents dans bon nombre de productions coréennes contemporaines, malheureusement dans l’indifférence générale des distributeurs. A l’instar de ses compatriotes, mais dans une optique plus intimiste, Im Kwon Taek s’attache aux à côtés de la vie d’un homme pour justifier ses choix, tant personnels qu’artistiques. Le réalisateur enveloppe les errances amères mais étrangement enlevées de Jang Seung-Up dans une image travaillée, rendant grandiose l’intimité de la majeure partie des scènes. Le film s’attache assez peu à la vie professionnelle de Jang. Détail singulier pour une biographie de peintre, on ne voit que rarement l’artiste à l’œuvre, ses toiles semblant surgir de nulle part comme pour étayer l’aura étrange d’un homme admiré bien que jugé à tour de bras sur ses penchants avinés et libertins. La langueur des scènes s’installent sur la durée, émaillée des inévitables sursauts de l’histoire, qui seront juste annoncés par un bandeau avant de dévoiler un instant volontairement fugace leurs souvent horribles conséquences. Restant rivé à son personnage de bout en bout, Im Kwon Taek raconte avec une grivoiserie délicieuse (voisine de L’eau tiède sous un pont rouge de Shoei Imamura, la vulgarité en moins) l’histoire de son pays et surtout celle d’un autre homme qui n’était pas là, adepte de la vie telle que la décrit Bukowski, entre ivresse complaisante et amour sincère de la chair.
The Drunken Painter
Je ne pourrais comparer ce portrait de peintre signé Im Kwon-Taek avec les 2 références en la matière que sont Van Gogh (Pialat) et Le mystère Picasso (Clouzot), faute de les avoir vus. Je pourrais en revanche l’étalonner sur 3 autres films mettant en scène des artistes peintres : Basquiat, Rembrandt et le court métrage de Rêves avec Scorsese. Ivre de femmes… est à mi-chemin entre ces œuvres : tantôt inventif et généreux lorsqu’il s’agit de croquer une époque et un personnage haut en couleur, tantôt austère dans la description de l’inspiration de l’artiste (on est loin des visions de sports maritimes de Jean-Michel Basquiat quand il lève les yeux au ciel). C’est en cela que l’on peut dire que son film est plutôt académique, parce qu’il peine à nous faire entrer dans l’esprit dérangé d’Ohwon.
Im Kwon-Taek préfère ainsi privilégier les nombreuses scènes de peinture proprement dites et l’évolution de la vie du personnage principal ; cela donne lieu à certains moments superbes où on le voit peindre sur une toile de soie déposée à même le sol tandis que des musiciens composent des mélodies orientales magnifiques. La fragilité des œuvres créées est souvent mise en avant : chiffonnage, coups de poignards et déchirage de toiles sont le lot quotidien des sautes d’humeur alcooliques ou perfectionnistes d’Ohwon. Parallèlement, une réflexion sur le sens de la vie est amenée au fil du récit. En effet, le peintre est très doué mais se contente d’exécuter des commandes standardisées (genre « fleur et oiseau ») de riches commerçants ou de hauts fonctionnaires ; cela lui donne certes un statut confortable et une large reconnaissance, mais son âme d’artiste est frustrée. Seules les différentes femmes qu’il rencontre lui redonnent l’inspiration et la volonté de bouleverser l’ordre préétabli et les conventions régissant l’art coréen, d’où sa petite phrase, « si je ne bande pas, je ne peux créer ! ».
Il y a de la philosophie zen dans ce film, histoire d’un artiste non accompli ballotté dans une époque tourmentée (le XIXème siècle). S’il n’apporte pas forcément grand chose de nouveau, il permet de se plonger avec délice dans l’art pictural oriental si peu connu dans nos contrées, grâce à une mise en scène étonnement energique récompensée à Cannes en 2002 et un Choi Min-Sik impeccable.
Im Kwon Taek sans alcool mais pas sans goût
Ivre de Femmes et de Peinture n'est pas mauvais. C'est même un excellent Im Kwon Taek. N'empêche, il appartient à cette catégorie de films grandioses sur le papier qui à force de vouloir trop bien faire perdent un peu de la puissance instinctive (la fameuse force vitale de la création dont parle le film) qui fait les chefs d’oeuvre. Car avec deux des meilleurs acteurs coréens en activité ici à la hauteur de leur talent (Choi Min Sik, Ahn Sung Ki) on pouvait espérér un film qui égalerait La Chanteuse de Pansori ou Mère Porteuse.
Le film d'Im Kwon Taek ressemble en effet à un gâteau qui perd un peu de son goût à force d'etre surchargé de bons ingrédients. Il contient de nombreuses pistes thématiques intéréssantes: les rapports artistes/mécène, le rapport de l'artiste aux changements historiques, la nature comme source d'inspiration, l'artiste tiraillé entre désir de reconnaissance et volonté de remise en cause permanente de son art, la Corée tiraillée entre l'occupant japonais vu comme une force oppressive et une Chine influente culturellement, la création comme force vitale. On peut avoir à première vue l’impression que ce foisonnement romanesque n'a pas dans le film l'espace suffisant pour se développer, illusion provenant de son montage.
Car bien plus que le Prix de la Mise en scène (la caméra qui suit le regard du peintre et la focale donnent des effets réussis mais attendus), c'est le montage du film qui aurait du etre récompensé à Cannes. Certes, l'interprétation qu'en fait Yann se tient et est cohérente avec le film: le découpage serait le reflet du travail de recherche de l'ame coréenne que font le peintre et le cinéaste (cf le final où Ahn Sung Ki félicite Chi Min Sik pour avoir réussi à capter cette ame par le pinceau). Mais j'en propose une autre: on a l'impression que le film passe abruptement d'une situation à l'autre, qu'il ne se développe pas. Il s'agit plutot du fait que le film passe à une autre situation quand les bases de la précédente ont été posées. Du coup, on en vient à l'idée que les scènes du film seraient une suite de croquis de situations. Qui plus est, les grandes variations rythmiques à l'intérieur du film nous font dire qu'il s'agit de situations plus ou moins développées. Or l'idée d'une suite d'esquisses plus ou moins menées à terme ou abouties renvoie au mécanisme de la création artistique. Im Kwon Taek aurait alors traduit le processus de création d'une façon purement cinématographique. Meme s'il est un peu trop théorique -car dans la pratique du film quand une esquisse de situation est inaboutie le spectateur s'ennuie un peu-, ce choix a le mérite d'être neuf dans le cadre d'une biographie de peintre.
L’autre limite du film, c’est le problème du lien entre l'artiste et les évènements historiques: le problème est que, si dans le cadre de la peinture de nature à visée réaliste, le lien avec ce qui est peint est direct, il n'en est pas de même vis à vis du contexte historique d'une époque. Un travail de réinterprétation est fait par l'artiste. Du coup, on pense à Andrei Roublev: dans ce film, Tarkovski narrait l'existence d'un peintre d'icônes et montrait comment une oeuvre représentative de l'ame russe naissait au milieu d'une période historiquement agitée. Ce dernier constat pourrait aussi s'appliquer à l'art d'Oh Won qui nait dans le tumulte historique des occupations de la Corée par la Chine et le Japon. Sauf que Tarkovski passait par le cheminement spirituel de son héros pour rendre compte de cette situation, il nous montrait la réinterprétation des circonstances historiques par l'artiste, ce que ne fait pas Im Kwon Taek.
Parmi les ingrédients en quantité insuffisante ici pour contrebalancer ces limites des choix du film, on a le sexe et le pansori: le souffle des chants de pansori justement faisait une grande part de la force émotionnelle de la Chanteuse de Pansori et de Chunhyang et si Im Kwon Taek filme avec un plaisir vicieux les scènes de sexe (celle interrompue par l'incendie entre autres) on ne retrouve pas assez souvent ce qui faisait de lui un des auteurs de festival les plus jouissifs avec Imamura. La rigueur des cadrages et la splendeur picturale du film pourraient également évoquer le Kurosawa de la fin. Sauf que l'empereur du cinéma mondial n'oubliait jamais totalement la dimension humaine et la profondeur émotionnelle. Ici, malgré tout le talent de ses acteurs principaux, on est en présence d'une oeuvre trop théorique. L'émotion est le plus souvent aux abonnés absents. Elle est néanmoins assez présente pour donner au film un minimum de grands moments de cinéma. Lors de quelques plans de nature ou lorsque le peintre déchire ses créations par exemple. Elle est également présente dans la scène d'ouverture en forme de métaphore de la peinture comme art qui violente son matériau de travail ou dans le final réfléchissant de façon originale sur la différence artiste/artisan. Et lors des scènes de sexe of course. Au final, si Im Kwon Taek n'égale pas Pialat (les rapports peintre/mécéne en métaphore des rapports Pialat cinéaste/Du Plantier producteur), Clouzot (le Mystère Picasso qui reste le film qui rend le mieux compte du processus de création artistique) ou Tarkovski, son film a le mérite de renouveler le genre de la biographie de peintre et n'a pas à rougir de la comparaison avec les réussites de la relève 2002 du cinéma d'auteur coréen signées Lee Chang Dong ou Hong Sang Soo.
Et pour terminer ma critique une petite "dédicace" aux Coréens qui attribuent la gloire critique et festivalière en Occident de Im Kwon Taek à son "exotisme" et l'accusent de faire des films pour l'Occident: cela fait un peu à mon sens rhabillage au gout du jour des arguments vieux comme l'explosion mondiale de Kurosawa Akira (auquel les critiques japonais faisaient le meme reproche alors que l'Empereur faisait des films enracinés dans le Japon paysan pour le public japonais). Les films de Im Kwon Taek ne sont pas comme La Porte de l'Enfer de Kinugasa conçus à usage externe: dans les thèmes, l'approche esthétique et la mise en scène, il n'y a pas plus profondément coréen que le cinéma d'Im Kwon Taek. Et c'est le fait d'être si profondément enracinée dans sa nation qui donne à son oeuvre son caractère universel.
Etrange, finalement....
La première fois, j’ai vu ce film dans un état limite (fin de semaine de l’harassant Festival de Cannes, entre midi et deux). J’avoue, j’ai somnolé, mais peut être parce que Ivre de femmes et de peinture (quel titre con, vous imaginez un « Drogué de femmes et de cinéma »?) manque d’ivresse, ou de femmes, même s'il y en a cinq, pas de peinture ça c’est sûr, mais ce n’est pas un thème palpitant à filmer. J’avais surtout l’impression d’avoir vu mieux comme portrait d’artiste, que les idées du film (la difficulté de se plier à une commande ou de pénétrer l’élite quand on est roturier) frisent le cliché. Chihwaeson a bénéficié de moyens somptueux, est parfaitement cadré, très joliment décoré, mais je cherchais la chair.
Finalement à la deuxième vision (en forme ce coup-ci !), c’est une autre impression qui se dégage : Chiwaseon est un film bien étrange. Il contient au total un nombre de plans très important, ce qui est déjà étonnant pour un film qui n’est pas dut tout « d’action » et encore plus pour un film asiatique. Le film est fait de courts moments et ose des transitions violentes : un gros plan suivi de plan de paysage, une scène intimiste suivie d’un rappel historique avec figurants, ou une scène de peinture enchaîné avec de la baise. Parlons-en, d’ailleurs, outre le fait que les coréennes du film et leurs robes, toutes de rouge et blanc, sont un vrai bonheur : ces scènes crus sont parmi les meilleures du film, notamment celle qui est interrompue brutalement au milieu par l’incendie de la maison. Le vieux réalisateur a sûrement dû se délecter à faire ainsi son Imamura, à loger quelques petites métaphores grivoises dans les dialogues.
Im Kwon-taek a tenté dans son style d’atteindre des choses rares, l’essence de l’esprit coréen, qu’on peut résumer par la notion de mouvement dans l’immobilité. C’est difficile à saisir, tout en contradictions : le film semble statique alors qu’il est presque syncopé. Les plans sont fixes mais vibrants, vifs. La peinture est filmée comme un mouvement très physique. L’histoire mouvante croise des personnages qui n’ont pas changé, etc… Ces choses antinomiques ne se marient pas toujours bien, c’est ce qui donne cette impression étrange. Belle tentative, tout de même. Et la fin, poétique et en même temps très sèche, est une des idées de la mort les plus saisissantes jamais vues. Ce 99ème film semble un petit Im Kwon-taek, qui peut faire penser à tort que ce cinéaste est académique, mais cela peut faire un objet d’étude fascinant.
UN BON FILM AVEC TROP DE TEMPS MORTS
L'expérimenté et talentueux réalisateur Coréen Im Kwon-taek porte ici à l'écran la vie de «Ohwon» Jang Seung Up, personnage tourmenté et peintre reconnu mais qui n'aura pas réussi à s'accomplir totalement. Le drame se déroule dans la Corée de la fin du XIXème siècle dans contexte historique plutôt remuant puisque marqué par de multiples crises politiques. Si Choi Min-sik réalise une prestation d'acteur parfaite puisqu'il semble réellement habité par le personnage à la fois détestable et attachant qu'il incarne (le peintre Jang Seung Up) et si Im Kwon-taek excelle au niveau de la narration et propose des plans de toute beauté et une virtuosité certaine dans l'art de mettre en valeur les scènes de peintures, il faut bien avouer que le film comporte tout de même trop de temps morts pour convaincre pleinement le spectateur. Un bon film à voir cependant notamment pour le jeu d'acteur époustouflant de Choi Min-sik et pour en savoir un peu plus sur l'histoire du Pays du matin calme.
ivre d'ennui et de désespoir (et oui, il est long ce film)
Seul film Coréen que j'ai vu à ce jour, étant donné les critiques élogieuses (pas seulement sur ce site), ça ne me donne pas envie d'en voir d'autres.
D'un classicisme exacerbé, que ce soit dans son sujet (la biographie plus ou moins romancée d'un artiste célèbre, en évoquant par moments le contexte historique pour maintenir l'illusion d'une recherche authentique du cadre) éculé, ou sa mise en scène d'une platitude qui frise le crime, ce film ne parvient absolument pas à créer une "identité coréenne".
Il semblerait que l'ensemble de la production cinématographique Coréenne (notez que j'emploie le conditionnel) souffre de cette tare. Cela tient sans doute au fait que la corée a vécu sous influence et n'a plus d'identité propre.
C'est en tout cas ce que l'on ressent ici. J'irais même jusqu'à dire que c'est LA SEULE chose que l'on ressent ici, tant le personnage nous apparaît antipathique, tant son art nous apparaît futile, et tant ses différentes passions nous apparaissent superficielles.
Portrait encore une fois très classique, qui ne diffère en rien de maintes et maintes autres oeuvres prenant pour base un pitch identique, "ivres de femmes et de peintures" ne réussit même pas à emballer par son côté purement formel, à l'esthétique très anecdotique.
0.5 pour l'acteur principal qui se démène tout le ling du film, mais qui n'arrive malgré tout à rien.
En bref, quelques heures perdues dans une vie si remplie, ça n'est pas important, mais c'est frustrant.
?
C'est très beau, magnifiquement filmé, les acteurs sont excellents et le thème (peinture) est le plus passionnant qu'il soit. Je ne me suis pas ennuyé une seconde.
Pourtant je ne peux pas dire que j'ai adoré.
Etonnant, non?
ivre de peinture, sans doute,
mais les femmes font surtout de la figuration.
Une ivresse plutot sobre...
Autant le dire de suite:ce film m'a déçu,vu l'engouement critique et le bon succés public à sa sortie en salles.Certes,les images sont trés belles,ce qui est la moindre des choses pour une histoire traitant de création et de peinture.Mais on est loin des plans ultra-léchés et des éclairages hors-normes d'un "Gohatto-Tabou" de Oshima,par exemple.
L'histoire,on l'a souvent dit,est traitée de manière académique,on aurait souhaité plus de folie et moins de savoir-faire appliqué.Je parlerais meme de longueurs,et de plus le film a tendance à partir un peu dans toutes les directions à trop vouloir embrasser l'ensemble de la vie d'un homme.Histoire coréenne,peinture,vie familiale et amoureuse,créativité remise en question,... on retrouve bien tout cela,mais le puzzle a du mal à se constituer harmonieusement.
L'interprétation dans son ensemble est par contre vraiment à la hauteur.Si Choi Min-Sik est parfaitement crédible dans le role du peintre alcoolique,il s'avère un peu moins époustouflant que dans le magistral "Failan",mais c'est un détail vu sa prestation.
Sinon,guère d'éclairage sur le mystère de la création,et peu d'innovations scénaristiques ou de mise en scène pour présenter les contradictions de cette époque troublée et bien méconnue en Europe.
On se souviendra d'un film certes intéressant,mais jamais passionnant et un peu surfait. L'ivresse tant espérée n'est jamais ici au rendez-vous,hélàs,contrairement à ce que promettait le titre français.
Humble et fort
Au départ, le film semble mal monté, les séquences paraissent s‘enchaîner sans logique que ce soit en terme général de narration ou, plus simplement, en terme de sensation de cohérence de raccords. Puis au fur et à mesure qu’avance « Ivre de Femmes et de Peintures », on comprend que ce jeu de montage sert un dispositif volontaire de narration. Il a pour but de laisser mûrir l’idée que la vie du peintre coréen Ohwon (génie bestial joué par un impeccable CHOI Min-Sik) qui nous est dévoilée par ce film est trop ample en évènements pour rentrer dans le cadre d’une représentation de deux heures environ. Cela appuie donc l’impression de grandeur et d’importance de l’œuvre ici présentée. La toute première scène du film appuie cette idée. Elle présente Ohwon à l’âge adulte se faire éjecter d’une salle de calligraphie pour sa grossièreté, ce prétendu flash-forward n’en est finalement pas un puisque ce moment ne réapparaîtra pas dans le récit qui suivra. Le film n’ayant pas le temps de parler de toute la vie de l’artiste, première preuve d’humilité de la part de IM Kwon-Taek.
Mais cette scène a un autre intérêt, placée ici alors que la prochaine reprendra la vie de Ohwon enfant avant d’avancer jusqu’à sa mort, on s’attend à ce qu’elle réapparaisse plus loin dans le film. IM Kwon-Taek crée en fait ici une torsion très importante par rapport à la représentation habituelle des biographies au cinéma. Le contenu de ce passage étant à caractère négatif pour le héros, on pense logiquement retrouver ce moment plus tard, vers le milieu du film par exemple, et assister alors au schéma très récurrent de « la grandeur et décadence du personnage ». Or, Im Kwon-Taek qui avait matière à reprendre ce système « facile » (Ohwon connaît probablement plus de difficulté dans la seconde partie de sa vie), a préféré opter pour une structure « en dents-de-scie » . Et c’est tant mieux, l’évolution d’Ohwon n’en est que plus passionnante.
L’œuvre avance avec suffisamment de rigueur apportée aux détails (maquillages, costumes) pour que l’on ne se perde jamais dans la temporalité puisque Im Kwon-Taek ne se sert à aucun moment d’inscriptions de dates à l’écran.
Le cinéaste témoigne au cours du film d’une autre forme d’humilité assez marquante. Cumulant allègrement les plans figés et très composés de nature (arbres, fleurs, oiseaux, etc.), IM Kwon-Teak se lie sur le fond à Ohwon mais pas sur la forme, l’esthétisme étant clairement différent. De fait, il s’agit plus d’une marque d’hommage et de distanciation entre son art visuel et celui du peintre que d’une vaine volonté de l’égaler. Im Kwon-Teak semble alors minimiser ses qualités artistiques en cela, ce qui ne s’applique pas à l’ensemble de l’œuvre, esthétiquement très belle. Mais la force de « Ivre de Femmes et de Peinture » réside étrangement moins sur sa forme que sur son fond. On est en droit d’être moins touché par le rendu visuel du film que par la force de son propos sur l’artiste. Un homme maladroit dans ses choix artistiques et sentimentaux, un homme qui n’aura jamais su comment organiser sa vie par rapport à son œuvre et qui n’y trouvera une réponse que par la fusion (littérale…) de ces deux éléments lors de la sublime et élégamment métaphorique séquence finale.
Dans un style très éloigné, « Ivre de Femmes et de Peinture » est une biographie épico-intimiste (pour son dosage adéquat entre l’Histoire et son histoire) d’une puissance comparable à « Amadeus » et « Barry Lyndon ». Du coup, on ne lui en veut presque plus d’avoir empêché Paul Thomas Anderson de savourer tout seul son Prix de la Mise en Scène au dernier Festival de cannes …
Im kwon Taek, fidèle à lui même, nous démontre une fois de plus sa capacité à réaliser de superbe film...
Magique, poétique, violent, dramatique, réaliste... trop de mots ou pas assez pour décrire ce film.
magnifique
j'ai été tres touché par ce film,c'etait mon 1er de im kwon-taek et surement pas le dernier.je suis tout de même surpris qu'il ne soit pas tant apprecier,ou même classé d'académique :-| (faudra m'expliquer explicitement les gars)
Poétique
J'ai longtemps hésité à aller voir ce film, l'oeuvre précédente de notre auteur (le chant de la fidèle...) m'ayant un peu déçu (je ne supportait pas la narration sous forme de chanson avec le vieux et sa voix de crécelle). Mais j'ai été ravi de pouvoir contempler ce film plein d'image magnifique!!! Le réalisateur ouvre une multitude de piste de réflexion sur l'amour, la relation alcool/peinture et l'art lui même (et pourtant je n'ai pas la fibre artistique). Le seul reproche que je puisse faire c'est la confusion dont j'ai souffert pour reconnaître certain personnage (les barbu, les filles...) car les noms trop compliqués à retenir ne me fournissaient aucune indication. Je ne vais cependant pas reprocher ce détail à notre réalisateur d'autant plus qu'il laissait quelquefois ses personnages s'exprimer ce qui nous permettait au final de nous attaché à quelques personnages en + de celui du "héros". Pour résumé: costumes et paysages magnifiques: un bon film qui prend le temps de nous faire apprécier tout ce qu'il y a autour de l'intrigue principale.
Poème inspiré par le film
Les flammes de ses mains glissent en son pinceau,
Pour en faire dessins et vibrations de peau,
Naissant d'une vision, beauté d'un paysage
Ou simplement les chocs du calme et de l'orage.
Errances et rebellions, femmes d'inspiration,
L'espace est son domaine et les nuits sa passion.
Insensé qui dirait qu'on dirige l'artiste,
Il dépassa le maître mais que sa vie fut triste.
Il a vécu sans chaîne errant en liberté,
Amours passagères, richesse et pauvreté.
Mêlant heures de gloire et temps de beuveries,
Femmes prostituées, labeur des poteries.
En sa plume de paon, le cinéma dessine
L'histoire de ce peintre au fil d'encre de Chine;
Merci au septième art de me l'avoir offert,
Je n'aurais pas connu sa toile et son enfer.
9 Décembre 2002
UNE ODE A LA PEINTURE
Film envoutant magnifiquement interprété.
A voir et à découvrir.
Du snobisme
Im Kwon-taek, depuis qu'il a dit adieu aux productions de série, fait de l'image d'image. De l'image au second degré. Comme si le cinéma ne pouvait jamais être qu'une forme d'art en retard sur l'art. Comme si ce retard était ce qui permettait au cinéma de prendre un statut qu'il n'a pourtant jamais eu (Skorecki : "Louis Lumière a inventé la télévision"). Le pansori ou la peinture, le pansori et la peinture, la peinture et le pansori : les combinaisons sont limitées, mais ce qui forme l'essentiel c'est le regard. Voir l'art, c'est construire un regard artistique. Voir la culture, c'est construire un regard culturel. Car le cinéma de Im Kwon-taek est un cinéma à thèse : l'art est l'émanation d'une culture, et valoriser l'art c'est valoriser la culture dont il est l'émanation. Mais là où un Tsui Hark, à Hong-Kong, délirait la combinaison culture-regard par l'hystérisation schizophrène de son appropriation (j'en suis mais c'est impossible), Im Kwon-taek, vieux papy placide, fait la leçon. Reste alors, comme chez tous les professeurs, ce qui empêche la leçon de se clôturer. Ce trou de la leçon, chez Im Kwon-taek, se sont les arbres, les plaines, l'eau, les détails de paysages qui, sinon, seraient aussi culturalisés que l'art filmé. Ce sont aussi des corps de femmes, lisses, purs, presque nubiles. Regarder une belle femme, finalement, c'est là où la construction du cinéma comme art ne peut qu'échouer. Et c'est très bien. Warhol, où es-tu ?
Complètement bouleversif, expiatoire de l'oooosmoseee irrésiiiiiiiiistiiiiible entre la toile et le tatoueur!