J'ai commis deux erreurs avant d'aller voir Blood And Bones : me laisser convaincre par un ami désireux, tout comme moi, d'aller voir un peu nostalgiquement, il faut l'avouer, un nouveau film du grandissime Takeshi Kitano, auteur de perles passées commme Sonatine, Kids Return ou Hana-Bi. La deuxième erreur fut que, quand bien même convaincu, je n'ai rien lu sur le film avant de m'engouffrer dans la salle...surprise totale, donc.
Et dès la première scéne d'introduction, le thème semble être fixé : le périple migratif d'une communauté quittant leur Corée natale pour un Japon plein d'avenir. Une musique sympathique vient bercer ce moment d'espoir centré sur un jeune homme, personnage central du film, aux yeux plein d'ambitions. Sachant le film tiré d'un best-seller coréen, et mettant en scène Beat Takeshi, habituellement excellent, on sent le potentiel grandir dans les toutes premières minutes. Seulement, vient après la réelle première scéne du film, où l'on se fait témoins bien malgré nous d'un viol d'une cruauté éffarante perpetré par un Kitano dont on comprend vite qu'il ne nous epargnera aucun abus de violence visuelle ou psychologique.
En effet, il n'y a pas moins de quatres viols (peut-être même cinq...j'ai du en occulter) tous filmés en caméra fixe, plan large, du style "watch & enjoy", au moins autant de passages à tabac de femmes par leur maris, deux ou trois bastons générales bien trop longues et ridicules, deux suicides et des éléments divers tous plus sadiques, pervers et inmontrables les uns que les autres (découpe bien visuelle d'un porc, Kitano mangeant la viande avariée et pleine d'asticots du même porc, malade en stade terminal filmée de manière bien trop impudique, etc...). La liste des perversités et autres atrocités est donc très exhaustive au point que les éléments cités à l'instant ne "spoileront" même pas le visionnage des plus sadiq....des fans de Miike, quoi.
Quand bien même ces scènes représentant tout de même la moitié du film misent de côté, le reste du film est d'une lenteur et d'un ennui qui rebuteront les plus patients. En effet, si il est vrai que des films bien rythmés me sont bien plus appréciables que des films dit d'auteurs trop contemplatifs et lents à mon gout, la profondeur d'une thèmatique, d'un personnage, d'une histoire, d'un sentiment même, m'a toujours suffi à, sinon aimer, au moins apprécier un tel film. Preuve en est que le visionnage de son Dolls, assez difficile mais d'une telle recherche visuelle et narrative, m'avait convaincu d'un point de vue artistiquement objectif au moins. Là, hormis le personnage très bien écrit de Kitano, le reste des personnages de la communauté, car on ne parle pas d'une famille mais d'une communauté entière, sont forcément baclés, même en 2h30.
J'ai vraiment pris ce film comme un étrange mélange entre une "saga du dimanche" et un drame rural et social, contemplatif au possible. Ce n'est donc même pas l'excellente prestation de Beat Takeshi aussi intense que mystérieuse, sans doute sa plus brillante performance d'acteur, qui viendra sauver le tout, surtout dans la dernière heure (dès les 90 première minutes syndicales dépassées, en somme) où la seule scène bienvenue serait le générique de fin. De plus, le film ne s'autorise même pas de gratter plus en profondeur le thème évident de la dualité de ces êtres ni-coréens parce que fuyards, ni-japonais en raison de leur attachement à leur terre natale mais aussi en raison du racisme prononcé des japonais (ce que Yoichi Sai se garde bien d'aborder également), sans doute par peur de choquer le public nippon, réputé pour être peu désireux d'affronter les démons de son histoire. Un autre détail qui ne plombe que plus encore l'avis général du film.
En Bref, peut-être est-ce par manque de culture ou bien même par manque de connaissance du cinéma japonais, bien trop pervers et tordu à mon goût (même dans les plus grands : viols à répétition dans Baby Cart, Takashi Miike bon à enfermer, etc...), ou bien même est-ce juste que la masturbation cérébrale de haut vol à laquelle se livre Yoichi Sai soit passer très loin au-dessus de ma petite tête "tout-juste-bon-à-comprendre-des-polars-et-autres-wuxiapan", mais je ne me contenterais même pas d'émettre un simple avis négatif, j'irais même jusqu'à encourager les gens à ne pas aller voir ce Blood And Bones. Car pour ma part, je ne vais pas au cinéma, surtout au prix de la place actuel, pour observer comme un voyeur une famille sans réelle histoire à raconter, surtout lorsque celle-ci est dépeinte de manière si violente, pervers, impudique et ennuyeuse...comme la vie me diront certains, mais cela n'excuse rien ici. Un film d'auteur des plus ennuyeux doublé d'un snuff movie insupportable...à bannir.
Le but est presque louable ; parler d'un nord-coréen vivant au Japon, un total enfoiré qui bat sa femme, ses enfants, a plusieurs maîtresses, devient un requin en puissance que personne n'aime mais qui arrive à vivre très longtemps sans jamais se faire tuer par personne. Je ne sais pas si c'est une histoire vraie, mais elle est assez exceptionnelle. Malheureusement elle est autant exceptionnelle qu'elle est ennuyeuse. Pendant 2h30, on voit des gens se faire taper dessus ou se faire violer, et mise à part le personnage central joué par Takeshi Kitano, tous les autres sont très peu développé et donc restent dans le vague. J'aurais en effet bien aimé savoir pourquoi personne dans son entourage n'a jamais essayé de le tuer ; pourtant ce n'est pas l'envie qui doit leur manquer, et un accident est si vite arrivé ; mais rien dans la facon de raconter ne me permet de comprendre ce qui les retient.
Alors pour ce qui est de la mise en scène, j'en avais mal aux yeux ; un hachage total du film en mini-séquences s'enchaînant brutalement sans transition autre que de courtes phrases en voix off pour expliquer l'histoire en bref. Je reprochais il y a quelques temps au film coréen Raging Years ses transitions un peu rapides mais au moins elles etaient claires dans le contexte et ne nécessitaient pas d'explication maladroite. En outre on peut excuser un tel hachage dans une comédie pop d'1h30 (je ne parle pas la de Raging Year qui a été également gâché par ce style de découpage), mais dans une biographie de 2h30, c'est tout de suite moins agréable à suivre et moins sérieux. Sinon je suis encore dans le doute quand à l'utilité de toutes les scènes pronographique plein champs présentes dans le film (et censurées évidemment alors que les mettre hors-champs auraient donné le même résultat mais sans le gros cercle noir pour cacher la scène).
S'il y a une chose à sauver, c'est évidemment la prestation parfaite de Kitano. Il arrive à changer avec son personnage de manière assez remarquable et est toujours dans le ton. Le morphing de tous les autres personnages est aussi bien fait, tout évoluant correctement, ainsi que les décors, suivant la progression du Japon, qui ont du demander sacrément beaucoup de temps à mettre en oeuvre pour un tel gâchis. Bref, un film ennuyeux à mourrir à cause de son montage haché et au final une mise en scène trop molle pour un film si long ; la prestation magnifique de Kitano ne permet malheureusement pas de sauver cela.
Blood and Bones, c’est d’abord une performance d’acteur, celle attendue d’un Kitano Takeshi dirigé par un autre metteur en scène que lui dans un rôle de brute primaire ; dès la première scène où il viole sa femme sur le tatami, le décor est planté : ce Kim, immigré coréen au Japon, est une terreur qui impose sa loi dans son quartier et sa communauté, un être égoïste qui fait ce qui lui plait quitte à tabasser, harceler, voire tuer, et Kitano se fait un malin plaisir d’incarner cette crapule sur une longue période d’environ 40 ans, n’hésitant ni à se dénuder complètement ni à réprouver la morale. Dans ses meilleurs moments, le Kitano acteur a la trempe d’un Harvey Keitel – c’est dire s’il place la barre haut.
En adaptant un best-seller, Sai Yoichi a donc bien joué le coup en demandant à Kitano de figurer en tête d’affiche, car sans lui, le résultat aurait sans doute été bien terne. La mise en scène et la photo ne sont pas révolutionnaires – plutôt académiques dirons-nous -, et la morale de l’histoire a de quoi faire méditer : l’image des immigrés coréens ne sort en effet pas grandie de ce film quand on voit le jeune Kim débarquer au Japon avec l’œil brillant de celui qui veut réussir, quand on le voit évoluer dans son pays d’adoption au mépris des lois, et quand on le voit repartir vieux avec un gros pactole dans ses valises vers la Corée… Pour le reste, on appréciera sans doute la description des comportements de toute la communauté envers ce singulier personnage, tout à fait soumise à son bon vouloir, et dont la rébellion trop désorganisée est toujours réprimée brutalement. Au bout du coup, on se résout tant bien que mal à vivre avec cette ordure, qui reste teigne jusqu’à son lit de mort…