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Les 3 royaumes

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les avis de Cinemasie

5 critiques: 3.45/5

vos avis

35 critiques: 3.78/5



Xavier Chanoine 3.75 Un début prometteur et un spectacle total
Ordell Robbie 3 Du spectacle épique bien exécuté auquel manque la verve des classiques wooiens.
MLF 3.25 Dynasty Warriors fait son cinéma
Arno Ching-wan 3.75 Poneys sur une falaise
Anel 3.5
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Un début prometteur et un spectacle total

Grosse démonstration de force de la part de John Woo, Red Cliff signe le retour d'un cinéaste qui oeuvra dans le wu xia avant de délaisser le genre pour les classiques du polar qu'on lui connaît. Depuis son expatriation aux USA pour le meilleur (Volte face) et le pire (tout le reste), on attendait un jour ou l'autre le retour au pays de celui qui réinventa les codes du polar, tout comme le fan de cinéma asiatique attendait le retour de Jet Li ou de Tsui Hark là où ils ont débuté, à Hong Kong. A première vue, John Woo a mis les petits plats dans les grands pour faire de son wu xia (pas aussi "néo" que pouvaient l'être ceux de Tsui Hark, plus indigestes) un festival de couleurs et de barbarie plus touchants et prenants que les derniers films de sabre à la mode ou les derniers films "épiques" tout court, comme la trilogie du Seigneur des anneaux, pour ne citer qu'elle. Si les moyens mis en oeuvre sont plus grands chez Jackson, il manque et il manquera surtout à Hollywood des chorégraphies dignes de ce nom, et ce Red Cliff coiffe son collègue américain dans ce domaine grâce à de magnifiques empoignades à la lance, véritable fantasme que tout fan de wu xia attendait depuis l'inégal mais parfois formidable Seven Swords. Oubliez Zhang Yimou, il n'arrive pas à la cheville aussi bien dans la mise en scène que dans l'éxecution des combats orchestrées par un Corey Yuen en grande forme, bien épaulé par la caméra virevoltante et parfois audacieuse du duo Lu Yue / Zhang Li offrant tous deux de beaux moments de cinéma barbares. Red Cliff use du numérique, les scènes de combats sont ainsi particulièrement lisibles, fluides et dynamiques telles que l'on distingue la sueur et le grain de peau des protagonistes même en plein mouvement.

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Bruit et fureur, utilisation remarquable de l'espace et du scope, travellings imposants, zooms juste ce qu'il faut et cadrage plus westernien lors des séances posées, le film vaut aussi pour ses séquences en plongée dignes du cinéma de Tsui Hark, à la limite d'être clinquantes, mais simplement essentielles pour exacerber la puissance des guerriers. Bien écrites sans pour autant prétendre à faire dans l'original, les séances de discussion n'apportent rien de plus au film confrontant plusieurs royaumes prêts à s'entre-déchirer, mais le charisme des acteurs suffit à palier les poncifs et les quelques facilités d'écriture, tout juste Tony Leung se voit gentiment éclipsé par la prestance de Kaneshiro Takeshi, Chang Chen, Hu Jun et Zhang Fengyi, admirables de volonté et de persistance. La nuance des interprétations empêche et n'incite pas à la comparaison (heureusement), mais leur présence à l'écran se ressent davantage que celle de Tony Leung, entre bon samaritain et chef d'équipe un peu endormi, tout juste excelle t-il dans les séquences plus intimistes avec Lin ChiLling ou lors de ce beau duel au cithare contre Kaneshiro rappelant que les auteurs importants du cinéma hongkongais savent se détourner de l'intrigue principale pour offrir des scènes qui n'apportent rien au scénario, juste là pour faire dans la frime et la contemplation zen. Certains paysages -factices- sont ce qu'ils sont, mais ils s'avèrent sublimes : lacs à profusion, collines verdoyantes et paysage maritime de nuit non sans rappeler les choix esthétiques de Chu Yuan (présence du bleu nuit, du rouge et du jaune). Mais c'est du numérique.

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Du John Woo sous Mac, certes, mais si l'on se met à décrier de tels choix esthétiques, quand est-il des fables épiques que les cinéastes d'Hollywood nous proposent depuis que l'Heroïc Fantasy est à la mode? Il faut se faire une raison, John Woo ne retournera pas vingt ans en arrière, mais démontre qu'il peut toujours impressionner lorsqu'il a les pleins pouvoirs. Sans doute que la sensibilité pleinement asiatique est plus intéressante que ses récents thrillers, c'est une question de goût. Mais ce Red Cliff se distingue du tout venant aux sabres par sa photo à la hauteur de la fresque qu'il adapte, sa narration classique allant crescendo (introduction mémorable où certaines séquences rappellent l'épilogue guerrier des Sept samouraïs, préparation des plans et final dantesque), ses idées visuelles intéressantes (les boucliers qui reflètent le soleil pour aveugler les chevaux, les cordes équipées de gourdins à pique pour casser les remparts de boucliers) ou encore ses autocitations frimeuses à la limite d'être lourdes (les gerbes de sang, un plan-séquence complet avec une colombe) ponctuant le film dans son ensemble, déjà fort bien aidé par une bande-son de belle tenue flirtant avec le pompier sans pour autant décrocher les lances à incendie. Dernièrement Tsui Hark s'était réapproprié le film de sabre avec Seven Swords, John Woo va encore plus loin et semble bien parti pour faire de cette fresque un authentique divertissement Historique en espérant voir débarquer la suite rapidement, le "to be continued" de fin, frustrant, débarquant sans que l'on s'y attende vraiment, c'est d'autant plus dommage que le film aurait pu tenir les trois heures sans soucis. Jouissif et portant la marque d'un grand du spectacle au détriment du réalisme pur.



25 août 2008
par Xavier Chanoine




Dynasty Warriors fait son cinéma

Red Cliff offre un bon moment de divertissement. Il colle tout à fait au roman dont il s'inspire et surprend par les mimétismes visuels qu'il opère avec la célèbre saga des Dynasty Warriors. Cependant, pour qui cherche du John Woo la déception risque d'être au rendez-vous. En dehors de deux, trois clins d'œil faciles et à dos de colombe, Red Cliff et l'archétype des productions chinoises lissées et sans âme et John Woo n’est qu’un nom qui pourrait en être un autre sans que rien ne change dans la mise en scène. Un témoignage de plus de la mort latente et progressive d'un cinéma (celui de Hongkong) qui nous faisait rêver de par la force de son caractère et de sa personnalité.

Passé la saveur amère de ce constat, il reste quelques déceptions encore. Le film a été tourné en numérique avant d'être gonflé en 35mm, ce qui entraîne régulièrement une saturation visible dans les mouvements de caméra. Les décors sont majoritairement en images de synthèse et décroche par moment du réalisme barbare que recherche le film. Bien heureusement, tout ce flottement esthétique fonctionne car rien n’échappe vraiment à cette logique, jusqu’aux personnages tellement stigmatisés par leurs habits qu’ils se passeraient très bien d’un jeu d’acteur de qualité.

Heureusement du reste car rien n’y fait, et si Chow Yun Fat n’aurait pas forcément été meilleur pour interpréter le génie stratégique Zhou Yu, Tony Leung ne colle ni au personnage ni au cadre de l’histoire. Preuve s’il en fallait une autre qu’il ne sort que difficilement des comédies auquel il est habitué où des rôles un peu morose des comédies "contemporaines". Pourtant la mise en scène, usant d’un faux suspense pour nous révéler le visage de l’acteur, insiste très lourdement pour faire entendre au spectateur que la star du film  c’est lui, le héro c’est lui. Mais rien ni fait, Tony Leung n'a ni la carure d'un grand guerrier, ni la stature d'un génie militaire... Peut être trop loin du monde, trop adulé et emprisonné dans le monde illusoire du star system hongkongais (Hou Hsiao Hsien au temps des Fleurs de Shanghai avait expliqué dans une interview que Tony Leung ne pouvait jouer dans ce type de film car il vivait en dehors du monde, déconnecté de la réalité. C’était la raison de son choix et de sa requête « ne joue pas, soit simplement toi-même et laisse moi observer ») Tony Leung ne parvient pas à jouer, à tenir son personnage. Il n’est pas le seul à décevoir. Chang Chen, qui pourtant nous à habitué à de belles prestations, batifole inutilement dans le déjà-vue sans vraiment croire à ce qu’il fait et est tout simplement ennuyeux à voir.

Heureusement, le film profite pour le reste d’une bonne interprétation, un panel d’acteurs qui s’investissent à fond dans leurs rôles et donnent le souffle qui porte le film. Nakamura Shido offre au travers d’un jeu d’expressions simples mais efficaces une personnalité forte à son personnage. Guerrier puissant et fier, sa seule démarche suffit à convaincre le spectateur de sa ténacité. Takeshi Kaneshiro donne par la tenue de son corps, un jeu de regard et une retenu de sa voix  toute la prestance qui siée à Zhuge Liang. En un geste, un pas, un mot nous sommes convaincus tant de l’intelligence de Zhuge Liang que de sa noblesse. Enfin, la jeune Lin Chi Ling est époustouflante. Son regard, empli d'amour et de respect est d’une telle force qu’on ne sait plus si c’est l’épouse qui est fascinée d’amour pour son mari (Zhou Yu), ou si c’est l’actrice qui est fascinée par son partenaire (Tony Leung). Chacun de ses gestes, de ses mots dégage une sensualité infinie et donne toute une existence au personnage.

En tant que premier opus d’une fresque, le film s’achève forcément sur un « à suivre ». Ce dernier est tellement brutal qu’en toute honnêteté je ne suis pas sûr… de suivre.



19 juillet 2008
par MLF




Poneys sur une falaise

Falaise oser la faire celle-là ! Rouge de honte je suis. Ca tombe bien, en cette page on cause plus de « Red Cliff », « Falaise rouge », que de Ponyo sur une falaise. La falaise est rouge de colère, rouge du sang montré sur un écran de cinéma qui y est accroché, rouge vacillant à cause de ces andouilles de marins ayant eu la bonne idée d’installer le projecteur en haut du gréement d’un des nombreux vaisseaux tanguant en contrebas !

Trèèèès bon film, qui, comme l’a souligné notre ami Scalp, marque le grand retour de John Woo. Qu’on se le dise. Le monsieur a vieilli, il a mûri, son cinéma avec lui, ses visions du monde aussi ainsi que ses ambitions artistiques. Le projet Red Cliff sert complètement notre John Woo cuvée 2008, car cet affreux recul de l’âge, vous savez, cette redondance habituelle de tout grand cinéaste qui, un beau jour, semble se dire un « à quoi bon… » l’entraînant vers une pente descendante, un recul tel qu’il finit par s’éloigner de ses propres œuvres, de lui-même et de ses spectateurs, se préparant à la mort, doucement, lentement mais sûrement et… qu’est-ce que je raconte moi… ah, oui : la déchéance, donc, on l’évite grâce à la trame à multiples niveaux de Red Cliff, à ses nombreux personnages, d'un côté héros du terrain qui satisfont le spectacle belliqueux, de l'autre dirigeants politiques nous amenant par la main vers une sphère d’une toute autre ambition. Les têtes d’affiche se trouvant sur cette estrade là, l’intérêt principal de notre réalisateur – allez, à 70% à l’origine de Cinemasie.com ? – est évident. Car si l’action n’est plus maintenant qu’une concession obligée, toutefois magistralement exécutée grâce aux idées NOVATRICES de Corey Yuen et sa clique, les états d’âmes des grands de ce monde fascinent le réalisateur de The Killer au plus haut point, très inspiré pour mettre en image des discussions, des joutes verbales et autres subtils sous-entendus. L’introduction en est un bon exemple. Devant de nombreux politiciens courbés, on voit un jeune empereur en train de rêvasser, fasciné par un petit oiseau qui s’en vient voleter près de lui. L’homme est ailleurs, ennuyé par la routine. L’ambiance est paisible, calme. L’arrivée tonitruante de son « premier ministre », gros vilain de l’histoire, perturbe notre empereur, complètement dominé par le ton autoritaire de ce seigneur de guerre venu la réclamer de sa forte voix. Pour qu’il arrête de faire peur au petit oiseau, l’empereur lui dit oui... En quelques instants seulement, deux caractères sont magnifiquement définis et l’empereur (un peu) déresponsabilisé par la tournure de cette prise de décision. Bien qu’un « qui ne dit mot consent » prévale, l’honneur reste sauf et la Chine, sans doute, continue de cautionner le métrage. Le reste du film est du même acabit : un duel à coups de riffs de guzheng (cithare chinoise) remplace une demande d’aide militaire et ses usuelles négociations, la fabrication d’une sandale en paille permet de glorifier l’esprit d’équipe, les mouvements d’un éventail au premier plan singent des mouvements de troupes à l’arrière plan, un peu comme le font les transitions pub de France 2 tiens, illustrant ainsi l’ordre des choses, le gouffre qui sépare le troufion de base des cheftons...

On a surtout l’ambiance prégnante qui manquait à toutes les dernières chevaleries en date : un réel souffle épique, palpable du début à la fin de ce premier chapitre. Bien qu’il eut gagné à être accompagné de quelques morceaux différents notables plutôt que d’être régulièrement étalé, le très beau thème musical, galvanisant, accomplit son office, aidé d’un splendide renfort à la flûte traversière, joué par un jeune enfant. Composante de toute geste – on pense très fort au chant de Pipin dans Le Retour du Roi –, la scène de flûte conduit tout le film. Cet intermède est suivi d’une scène de foule mettant en avant les talents de management de notre salomonesque personnage joué par Tony Leung CW et d’une scène intimiste ma-gni-fique montrant la naissance d’un poulain. Rien n’est gratuit, tout se complète, John Woo maîtrise son sujet en dosant parfaitement ce type de trame souvent casse-gueule où tergiversations politiques et combats se mélangent(*). Ces derniers sont  majestueux, m'sieur Woo y ridiculise un Musa dont les péripéties à la lance sont ici largement humiliées par de nombreuses passes ahurissantes ; il nous venge aussi de tous ces blockbusters illisibles dans l’action, mais également d’un Tony Leung montré en gros plan dans des fights chorégraphiés par Samo Hung, ceux alors zappés par la mise en scène de WKW dans le récemment ressorti Les cendres du temps… Tony Leung, qui moi m’a là singulièrement impressionné dans sa capacité à gérer les nuances, les subtilités, m’a rappelé que le plan de lui dont je me souviendrai toujours est ce mélange notable de sourire et de larmes qu’il nous avait pondu dans le A toute épreuve de ce même John Woo. Ils sont revenus, et en forme, tous les deux. 

Appréhensions : ce « plus gros film chinois » fait que le scénario ménage parfois un peu trop tous ses intervenants, vilain y compris, ce qui peut minimiser considérablement les enjeux à terme – il faut prendre partie quoi prout ! - mais sachons espérer et deviner un texte sous-jacent prônant autre chose, tout comme l’avait fait Tsui Hark avec ses sept épées. Attention toutefois : l’amitié, l’honneur et l’émotion pure, les marques de fabrique de John Woo, peuvent être récupérées par toute forme de politique, quelle qu’elle soit. Souvenez vous du magnifique bras droit du bad guy de Syndicat du crime 2 et de cet autre d’A toute épreuve, vilains parce qu’empêtrés dans une allégeance faite d’un pacte de sang, au même titre que nos héros finalement ; ce contrairement à Tsui Hark et à ses bases à l’action bien souvent guidées par une réflexion militante, un concept beaucoup moins aisé à manipuler que l’émotif, beau donc nécessaire, certes, mais manipulable à souhaits. Le second volet nous en dira un peu plus sur ce point, et il décevra, peut-être, mais en l’état je reste convaincu par ce gros caillou rouge et ne demande qu’à découvrir sa suite, impatiemment.   

(*) Chose qu’un FUKASAKU Kinji avait tout aussi bien réussi dans son jouissif Le Samouraï et le Shogun.

05 novembre 2008
par Arno Ching-wan


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