Nouvel épisode pour les aventures du loup et du louveteau. Celui-ci tranche (et c'est évident avec Itto Ogami) avec les précédents puisque l'excellentissime Kenji Misumi laisse la place à Buichi Saito. On aurait pu craindre l'arrivée d'un yes man qui aurait servilement repris les thématiques de surface de la série et appliqué un bête cahier des charges, d'autant plus que le sieur en question est loin d'être une méga-star ayant auparavant suffisamment fait ses preuves.
On en est heureusement loin. Saito fait donc ici preuve de plus de caractère que le premier camembert venu et oriente cet épisode vers de nouveaux cieux, tout comme maître Misumi l'avait fait pour ses propres épisodes. Preuve que cette série possède une richesse intrinsèque inédite alors que de nombreux "2" n'apportent strictement rien à leur "1" (pas besoin d'exemple, vous en conviendrez).
Daigoro, qui prenait déjà de l'importance autre que symbolique dans le précédent Baby cart, commence déjà à prendre de l'indépendance en vadrouillant tout seul, loin de son fameux berceau. Nous n'avions plus trop besoin de preuves, mais malgré son jeune age, il est effectivement capable de se débrouiller seul, sans la bienveillance de son père. Gunbei, un sabreur doué du clan Yagyu, ne s'y trompe pas puisqu'il reconnait d'emblée l'instinct sauvage du gamin et fait immédiatement le lien avec le loup solitaire. Ainsi, preuve est faite que Daigoro est bien le digne successeur de son père.
Ce dernier d'ailleurs, récupère une nouvelle mission à 500 pièces d'or : découper une donzelle qui manie bien le coutelas et exhibe ses atouts véritablement enchanteurs pour tromper ses adversaires. Alors que les nénettes chez Misumi étaient toutes des qui subissaient, plutôt putes et assez roublardes, ici Itto Ogami rencontre cette sabreuse tatouée qui n'attend pas qu'un mâle la venge d'un quelconque affront. Version féminine d'Ogami, en plus pure mais ce n'est pas trop dur, elle lui volerait presque la vedette, c'est pour dire. Heureusement pour le pourfendeur de ces dames, son temps à l'écran est assez réduit, et notre loup ne tardera pas à éradiquer des gus et faire ce pourquoi il est si célèbre. Pour le plus grand bonheur de tous. Les autres n'auront qu'à aller voir du côté de Lady Snowblood.
Moins misogyne, moins esthète et certainement plus voyou que son prédécesseur, Buichi Saito s'en tire très bien. Visuellement, il compose certainement moins bien (mais en fin de compte qui s'en serait mieux sorti ?), mais il sait aussi aligner un climax final complètement dément (sortez les compteurs !) et tout aussi mémorable. Les briques qu'il a posées en début de métrage se mettent en place tout à la fin et proposent une dimension supplémentaire savoureuse à la série. Cohérent, jouissif, innovant, Baby cart 4, même sans Kenji Misumi, ce n'est que du bonheur !
Ce quatrième volet de la saga d'Ogami Itto continue sans Misumi aux commandes mais Saito Buichi s'en tire de façon plutot honorable aux commandes. Si les coups de zooms sont malheureusement un peu trop souvent brouillons, il fait plus que de prolonger la charte visuelle de la série en offrant quelques idées de mise en scène rappelant à quel point le cinéma populaire nippon de l'époque était visuellement inventif: du filtre chromatique sur les flashbacks en descente des expérimentations fukasakiennes, un bel usage des superpositions de plans toujours lors des flashbacks, la multiplication des reflets d'yeux lors des combats d'Oyuki, l'usage d'un style caméra à l'épaule pour souligner la sensation de chaos dans le combat final qui se veut dans l'esprit cross over du volet précédent en mixant sabre et explosions. Mais c'est rayon scénario que le renouveau d'une série pas encore à bout de souffle se manifeste, prouvant que Koike scénariste est finalement un grand auteur du cinéma japonais seventies qui a imposé ses thèmes et sa marque sur deux séries mythiques du chambara -Babycart, Lady Snowblood-. Ce volet développe de façon très touchante la relation Ogami/Daigoro en montrant la solitude du fils qui voit dans Oyuki une seconde mère, son regard impassible qui n'a rien à envier à celui de son père, sa rencontre avec un autre sabreur, cet autre sabreur qui est justement le fascinant Yagyu Gunbei sabreur virtuose, le personnage de Yagyu Resturo et son désir de terrasser Ogami et enfin une Oyuki tueuse glacée de cinéma d'exploitation nippon seventies faisant bien sur écho au personnage de Lady Snowblood. La série continue d'approfondir l'univers Babycart et offre encore de beaux combats au sabre à la violence moins graphique mais toujours aussi jouissifs. Ogami n'est pas encore fatigué...
Il est intéressant de noter à quel point ce quatrième opus aligne les ressemblances avec Lady Snowblood de Fujita. Ce dernier, alors à l'apogée de son style avec peut être l'un des meilleurs films d'exploitation japonais d'époque, étalait derrière son aspect bis bien ancré dans cette période des seventies tout un tas de solutions visuelles étonnantes, alliées à un déversement limite complaisant dans la violence gore où le sang bien rouge allait aussi inspirer le cinéma transalpin et vis versa. Cette tendance était déjà là avec la série des Baby Cart, summum de violence brute mélangée à une pudeur et un respect d'ensemble rappelant les us et coutumes des samouraïs et autres ronins à cette époque, où les valeurs et l'importance du clan primaient sur la vie même.
Ce quatrième épisode des aventures d'Ogami Itto aurait pu être bien décevant si le personnage de Oyuki n'avait pas existé. Pleine de sensibilité malgré son fond brutal et sauvage, elle distille cet espèce de parfum sensuel et mortuaire rappelant à plusieurs reprises la géniale Kaji Meiko dans Lady Snowblood. Au niveau de l'époque, on ne sait pas très bien qui a copié qui (ou quoi), mais l'essentiel est là : les deux oeuvres ont de véritables liens en commun. La beauté alliée à la mort, l'érotisme raffiné à la perversité d'autrui (le samouraï violeur) élèvent L'âme d'un père, le coeur d'un fils au rang de grand chambara bis et dénonciateur d'une société crapuleuse. Au niveau technique, le personnage de Yuki est une fois de plus extraordinaire, érotique et poitrine nue mais pourtant elle semble être vêtue tellement son tatouage d'enfant à la hache impressionne. La séquence où cette dernière se fait tatouer relèverait presque de l'art formel (superbes plans) et fondamental (les allusions à la musique de la chaire, fabuleuses), contrastant avec une mise en scène souvent chaotique (combat de fin). Quoiqu'il en soit, cette belle tentative de Saito étonne par son côté presque funky rappelant parfois l'ambiance sonore du giallo Profondo Rosso lors des mises à mort graphiques, d'ailleurs même ici, les mises à mort en mettront plus d'un à la renverse.