Une belle évolution du travail de Yabushita Taiji
Réalisé un an après Alakazan, The Littlest Warrior est le quatrième long-métrage en couleur réalisé pour les comptes de la Toei par Yabushita Taiji et Serikawa Yugo. Depuis Le Serpent blanc, premier long-métrage en couleur au Japon, Yabushita Taiji s’est toujours vu accompagné d’un autre réalisateur pour la confection de ses succès précédents : Okabe Kazuhiko, Daikuhara Akira, et enfin Shirakawa Daisaku et la participation de Tezuka Osamu sur Alakazan. Avec ses allures de gros blockbuster (deux réalisateurs, trois chefs opérateurs, trois directeurs son et une flanquée d’animateurs de renom), l’heure est-elle au bouleversement ?
Car quelque chose a fondamentalement changé depuis Alakazan (adaptation de A Journey to the West de Wu Cheng En). D’apparence, peu de choses risquent de bouleverser les premiers spectateurs du pionnier de l’animation en couleur japonaise : une atmosphère respirant une certaine tranquillité, une famille et leurs animaux tous visiblement sans soucis, avant que le pire n’arrive. Une habitude. Il n’aura pas fallu dix minutes avant que le père de famille ne se fasse injustement emprisonner par un grand officier. Et en fuyant le danger, la famille va être séparée par les forces du grand officiel, déçu que la belle Anju n’accepte sa main. Exploités, seul le petit Zushio réussira à s’en sortir en laissant derrière lui mère et sœur dont le destin est entre les mains d’un tyran.
A la fois quête existentielle et aventure épique aux personnages manichéens, le charme fait en revanche la différence. Si l’on ressent toujours un peu l’influence américaine, elle disparait au profit d’éléments purement japonais : le graphisme des personnages rappelle le Japon féodal si lointain et la narration emprunte grandement à L’Intendant Sansho de Mizoguchi Kenji. Les retrouvailles en fin de métrage entre Zushio, alors plus âgé, et sa mère totalement abandonnée a quelque chose de poignant, qu’on ne pensait pas de la part du cinéaste Yabushita Taiji qui démontre ici l’étendue de son expérience acquise avec les –courtes- années. Et avec son idée de réincarnation, le film aurait presque des allures d’œuvre légendaire avec ce qu’il faut de cruauté et de passion pour toucher là où il faut. En plein cœur. Moins délirant car plus sérieux, moins divaguant car plus réfléchi, l’écriture a muri et n’hésite pas à évoquer les thématiques qui ne sont plus liées aux contes pour les plus petits : séparation de la famille, kidnapping, exploitation, mort, homicides volontaires, on ne finit plus de croiser d’affreux gaillards aux ambitions plus que démesurées. Définitivement plus adulte, la conception du film rejoint sa trame principale avec l’évolution du personnage de Zushio, un parallèle d’autant plus intéressant qu’il permet à présent de mieux cerner l’œuvre du réalisateur, ses enjeux, sa conception même du Japon d’antan comme celui plus fantasmé.