c'est bien vu
Pardonnez ma féniantise crépusculale puisque je vais m'appuyer sur la critique plutôt consistante de Scaar Alexander Trox pour donner mon avis, mais je n'ai vraiment pas envie de répéter en entier tout ce qu'il dit ; je suis en gros plutôt d'accord avec lui : photo impeccable, des plans intéressants notamment dans les scènes sentimentales (mais je trouve dommage les mêmes plans réutilisés 15 fois dans la course), un casting vraiment beau et un scénario, qui malgré les longueurs au milieu, débute très bien et finit en beauté et très intelligemment. Je ne vais pas spoiler non plus mais on peut vraiment réflechir longtemps sur le choix final.
Très bon film, surprenant et intelligent.
09 juillet 2004
par
Elise
Potentiel Gaché
Au début d'Addicted, on croit entrevoir un agréable ersatz de bon cinéma américain eighties premier degré naif: la mise en scène est plaisante de classicisme, la photographie est excellente comme souvent dans le cinéma coréen actuel et on retrouve de plaisants poncifs de cette époque-là -le jeune homme romantique amoureux de vitesse et de grosses voitures lui permettant de griller sa fureur de vivre et d'oublier l'ennui d'une banlieue résidentielle. Du coup, on serait presque pret à passer au film le fait que son récit ne soit ancré dans aucune réalité locale, qu'il soit quasiment du pret à remaker par Hollywood sans aucun effort de transposition à faire, bref qu'il soit le symptome d'un cinéma coréen qui connut dans les années 60 l'idée de cinéma national avec ses genres et ses thèmes ancrés dans la culture du pays comme Hong Kong ou le Japon purent la connaitre, idée remplacée actuellement par une capitulation devant tout ce qui marche et vient de l'étranger. Addicted commence donc comme un film que l'on aurait aimé beaucoup aimer à défaut de le trouver grand. Mais principalement par la faute d'une exploitation peu inspirée de sa superbe idée de scénario, le film va juste se maintenir dans l'ordinaire qui se laisse regarder des romances coréennes. La grande idée du film, c'est de commencer par se centrer sur une forme de trio amoureux Dae Jin/Ho Jin/Eun Soo en secret de celle-çi avant d'utiliser l'idée du double accident pour créer un autre trio amoureux sur lequel sera centrée sa seconde partie (Dae Jin se prenant pour Ho Jin/Eun Soo/jeune femme qui était proche de Eun Soo avant l'accident). Cela a au moins le mérite de trancher avec les tonnes d'histoire d'amour avec décalage temporel dont le cinéma coréen commercial nous abreuve.
Le problème, c'est que pendant tout ce qui précède le coup de théatre final le film ne fait pas grand chose de cette idée, en tout cas rien qui en terme de profondeur psychologique dépasse l'ordinaire de la romance: si l'on enlève les quelques doutes suscités par l'attitude de Dae Jin, il ne reste que des personnages aux réaction et au vécu très communs, sans complexité psychologique et émotionnelle ou richesse thématique qui le hisserait au-dessus du nombre incalculables de romances qui ne sont qu'un film de plus et n'apportent strictement rien au cinéma. C'est bien joué mais à l'image du score du film c'est terne; ce n'est pas assez lent pour endormir mais assez pour faire perdre au film sa tension, cela évite le gros pathos sans etre non plus vraiment émouvant, c'est du mou, du neutre. La mise en scène n'est de plus pas toujours irréprochable, ayant tendance à s'apesantir de façon inutile sur certains détails ou choisissant certains angles de vue pour le plaisir du beau plan (le plan depuis sous l'eau, le plan se plaçant au niveau d'un ventilateur). De la complexité, le film en acquiert un peu avec son coup de théatre final mais c'est alors pour retrouver le travers du Shyamalan de Sixième Sens, de l'époque où ce désormais grand cinéaste faisait encore le petit malin (loin du meilleur De Palma qui ne sombre jamais la manipulation roublarde): écrire un scénario fondé seulement sur sa surprise finale pour faire réinterpréter tout ce qui précède à la lumière du coup de théatre là où les vrais grands films n'ont pas besoin de la manipulation pour exister dans toute leur splendeur et leur richesse dès les premières minutes (chose que Shyamalan semble avoir comprise depuis vu que dans ses derniers films la manipulation n'est pas le ressort principal de scénarios qui enfoncent de plus en plus le clou de l'héritage du cinéma américain classique).
Si Addicted s'achève sans s'etre fait détester, reste qu'il aurait pu etre tellement plus intéréssant.
Sur une idée originale et attractive, une leçon d'amour au final magnifique, portée par deux des meilleurs acteurs de leur génération
Ils sont deux frères. L'aîné, humble artiste à la renommée naissante, vie avec sa splendide épouse et son cadet, coureur automobile, rouleur de mécaniques; malgré leurs différences, la relation des deux frangins est très intime, et le cadet, célibataire, semble se satisfaire de la situation présente... à la différence de la jeune épouse, bien entendu. Le jour où elle le pousse à se trouver une fiancée et convoler à Ailleurs, il n'a pas le temps, il a course. D'ailleurs, l'aîné/époux va être en retard pour la course et dit au taxi de se dépêcher. C'est bête: au même instant, les deux frères meurent dans deux accidents de voitures, l'un sur un champ de course, l'autre à un carrefour. Quelques temps plus tard, le cadet sort de son coma. Sonné, il est récupéré par sa belle-soeur/veuve, heureuse de voir qu'un de deux ait survécu, mais bien moins jouasse qu'avant. Ca pourrait vite tourner en rond si tout à coup, en guise de premiers mots, le cadet n'annonçait pas qu'il est l'aîné et qu'il ne sait pas ce qu'il fout dans un autre corps que le sien, aussi science-fictionnesque que cela puisse paraître. Avec une normalement belle-soeur/presque veuve encore raide dingue de son normalement défunt mari, c'est parti pour un tour.
"Addicted" n'est pas un chef d'oeuvre; mais en fait allez, si.
Mettons d'entrée de côté le duo gagnant quasi-constant du cinéma coréen: la photo et le casting. Mais en fait allez, non: si la parfaite photographie de Kim Byeong-il, déjà co-responsable de la glacialité calmante de "Sympathy For Mr Vengeance" (voir critique), peut se voir épargner les tartines d'éloge, ce sera plus dur au rayon acting. Un poil plus.
Mais mettons le néanmoins pour quelques lignes de côté, pour parler du scénario, fondamentalement un des plus surprenants et beaux à la fois de ces dernières années: juste et délicat dans ses dialogues et son absence totale de guimauve foireuse, sans que cela ressemble à de la pudeur manchotte, très bien foutu dans sa manipulation des émotions ambivalentes du spectateur type et des deux genres qu'il marie blanc (fantastique et amourettes), évitant pratiquement TOUS les canons du genre grâce à des personnages tous magnifiquement écrits, et un final d'une mélancolie et d'une beauté rare, il prend par dessus tout, une fois le générique de fin arrivé et tous les petits détails du film remémorés, une dimension franchement, fanatiquement respectable.
Les commentaires à faire sur son final pourraient tenir sur 50 pages mais ma critique ressemblerait à un gros spoiler...
Il est donc plus nécessaire d'émettre les deux seules critiques à propos de "Addicted": sa réalisation et sa BO. La première (la réa), classique mais élégante dans les scènes d'intérieur, classique mais très belle dans la scène d'amour, classique mais efficace dans sa scène-phare de crashs, conclue en revanche le film sur un très mauvais plan, et ne montre pas ce qu'on voudrait voir; la seconde (la BO), c'est bien simple, n'aurait pas du exister tant, à part un thème, elle est insignifiante, voire mauvaise; mais comme ce n'est pas du Serra (mauvais ET envahissant), c'est un problème mineur.
Ca fait mal, mais "Addicted" n'est donc pas un chef d'oeuvre, et il l'aurait donc été avec un emballage de meilleure qualité. Alors voilà; mais en fait, si.
Si parce que, après tout, hein, bon, quoi. Et puis aussi, on y revient, parce que les acteurs. Dans l'éternel et consumériste constat de suprêmatie de l'actorat coréen, j'ajoute à la famille "génération 25-30 ans" Lee Byung-Hun et Lee Mi-Yeon. Le premier, déjà aussi remarquable que Song kang-Hoo dans l'énorme "JSA", s'il ne change pas trop de registre, se montre tour à tour émouvant et effrayant, d'une ambiguité dont on ne saisit l'ampleur qu'à la fin du film, et livre là une nouvelle imposante interprétation. Mais c'est surtout la seconde qui est, et le mot est ici justifié, une putain de révélation: remarquée dans "Whispering Corridors", fragile et remarquable dans le joli "Indian Summer", Lee Mi-Yeon fait ici exploser tous ses composants, envoie en pleine gueule son infinie (infinie parce que quelque peu imparfaite) beauté, son regard et son sourire désarmants, son énorme talent; elle est une des plus grandes actrices de sa génération, et à la fin du film on ne peut que se dire qu'elle est la plus belle.
Le couple que forment les deux acteurs est d'une homogénéité rare, et leur scène d'amour d'une complexité, d'un naturel, d'un érotisme pudique absolument bluffants.
Attachant, original et faisant réfléchir sur l'éphémérité et l'éternité de l'amour, mais aussi tour de force narratif discret, "Addicted" tient donc pas mal du chef d'oeuvre, sans en prendre les galons. Mais en fait, si?
Un bon petit mélo coréen qui se regarde sans voir passer le temps.
Une histoire bien calée, des personnages travaillés et intéressants joués par de très bons acteurs (exceptionnel Lee Byung-Hun qui a déjà montré son savoir-faire dans JSA notamment, sans oublier LEE Eol et la jolie LEE Mi-Yeon).
Bref, je vous conseille vivement cette belle petite romance !