Sans domicile fixe
Projet totalement indépendant, imaginé entre les potes Rinaldy Puspoyo et Adilla Dimitri, respectivement réalisateur et acteur en herbe, "06:30" tente de retracer le sentiment de jeunes ex-patriés indonésiens aux Etats-Unis. Bien que contents d'échapper à un certain régime dictatorial, leur indépendance ne leur donne pas des ailes pour autant, à l'image du personnage de Tasya, qui dit se sentir "emprisonnée" et n'arrive à s'évader que dans une laverie automatique. Alit n'a jamais réussi à s'intégrer et relâche sa frustration sous son air insouciant et à la limite du criminel (il vole les sous à un mendiant en début du film), tandis que Bima regrette la nourriture. Très symbolique, Alit se languit de retrouver sa mère (patrie?).
Très bavard, le film réussit parfaitement à instaurer les différents personnalités des trois amis, entretenant quasiment une relation à la "Jules et Jim", Bima étant secrètement amoureux de Tasya, qui est l'ex d'Alit. Il va d'ailleurs finalement oser déclamer son amour à la jeune femme à quelques heures de son départ.
C'est également l'élément déclencheur d'une hécatombe d'événements, qui va changer le destin des trois amis à tout jamais…et remettre en cause toute la première partie d'exposition – ou plutôt renforcer tous les liens. Le personnage si insouciant d'Alit va totalement se fissurer et enfin devoir faire face à une certaine maturité, alors que la fragile relation entre Bima et Tasya va se montrer sous un jour totalement inédit. Si "l'événement" perturbateur paraît un peu gros et est malheureusement maladroitement amené par le personnage de l'oncle Nono, le traitement des personnages est finement observé et parfaitement interprété par des comédiens amateurs (sauf Bima, qui n'est autre que DJ Winky dans la vraie vie, déjà aperçu dans "Joni's Promise" de Joko Anwar et "Love for share" de Nia di Nata). Extrêmement bavard, le film est une belle étude de mœurs parfaitement maîtrisée malgré son budget rikiki. L'image est belle (sauf dans les scènes de nuit inutilement sous-exposées); en revanche les sous-titres sauvent un son parfois inaudible.
Un film extrêmement riche, autant dans son étude des personnages, que dans sa représentation des ex-patriés indonésiens.