Elise | 4 | "Un film d'ado ne convenant pas aux ados" |
Alain | 3 | Chroniques d'une jeunesse défavorisée |
Ordell Robbie | 2 | Peine à se distinguer dans le genre du "film de jeunesse sans repères" |
Hong-Kong avait déjà Spacked Out, il fallait donc bien que la Corée possède son film sur une jeunesse pas toujours des plus reluisantes avec ce Tears de plutôt bonne facture(et qui n'a rien de mélo contrairement à ce que pourrait laisser penser son titre).
L'action se passe donc dans Garibong-Dong, l'un des quartiers pauvres de Seoul, lieu où dans la réalité vivent de nombreux jeunes sans toits ni attaches(par fugue ou par abandon). Dans cet environnement, on retrouvera les diverses figures suivantes: le débrouillard qui a compris comment vivre et se faire un peu d'argent dans ce milieu, sa copine gentille et fidèle qui se prostitue pour subvenir à leurs besoins, une autre fille plutôt larguée et en détresse et enfin le "héros" du film, celui qui arrive dans ce quartier par choix et dont on suivra les évènements le plus souvent de son point de vue. A partir de là, on peut déjà toucher un mot quant à ce casting car Im Sang-Soo a eu du flair pour trouver et diriger ces acteurs quasi tous débutants à l'époque. Sur le making-of du dvd, on peut apprécier la façon dont Im Sang-Soo les a dirigés et la bonne humeur qui règnait sur le plateau même lors des scènes de tension. C'est dommage que depuis, et à part Jo eun-Ji(qui a hélas joué par après dans le très mauvais Afrika), ils n'aient pas encore eu la chance de réapparaître dans d'autres films car ils ont du potentiel. Toujours avec ce making-of, l'utilisation de la caméra DV se confirme et il faut dire qu'elle était tout à fait appropriée pour ce genre de films du fait du sentiment de proximité que ce type de matériel léger permet. Niveau déroulement du film, il n'y a pas de grande surprises à avoir si on est habitué à ce genre: on a le lot habituel de violence et d'abus mais en même temps, le film évite toute tentative de faire du choquant(contrairement à Kids de Larry Clark et son suspense sur la transmission du sida) et on a même droit à une partie très intéressante pour l'étoffement des personnages: un break loin de la ville et des ennuis(des vacances pourrait-on dire) qui place les protagonistes dans une situation totalement différente de leur quotidien et qui les montre sous un autre jour.
Mais il y'a quand même quelques défauts: la fin qui fait très "héroïque" et qui via son imagerie aurait plus eu sa place dans un film comme Beat, ce qui nuit au côté réaliste du film. Ensuite, on peut déplorer que le groupe des quatre jeunes que présente le film est uniformément "du côté du bien" alors que dans la vie, cette situation serait plus nuancée et les personnages auraient un côté bien plus antipathique, à l'image de La Vie De Jésus de Bruno Dumont qui ne tranche jamais sur le côté bénéfique ou négatif de ses protagonistes(ce qui donne une authenticité non négligeable et qui s'éloigne des codes habituels du cinéma). Le dernier défaut que je citerais est assez subjectif et dépend fort des aspirations des spectateurs: Im Sang-Soo n'a pas un vrai regard personnel sur ce qu'il filme et c'est ce qui différencie Tears et les "films sur les jeunes" habituels de Spetters de Paul Verhoeven et La Vie De Jésus qui eux deux, fournissaient une véritable réflexion, un regard de cinéaste et de penseur sur leur sujet, un fait qui les élève largement au-dessus de la moyenne. Ceci dit, Tears reste un film recommandable et qui arrive à soutenir ses ambitions.
Pour Tears, Im Sang Soo dit s'être immergé dans le monde qu'il voulait décrire afin d'intégrer des situations vécues à son film. Reste que le côté Heroique du final fait pièce rapportée par rapport au reste du film. Surtout, le film a beaucoup de mal à se distinguer dans le genre très en vogue dans le cinéma d'auteur des années 90 du "film de jeunesse sans repères". Le film a en commun avec A Good Lawyer's Wife un style de filmage très heurté. Et comme dans ce film-là on se retrouve ici le plus souvent avec un filmage caméra à l'épaule planplan en forme de nouvel académisme auteurisant de l'époque. L'autre point critiquable, c'est que les personnages n'arrivent jamais à exister autrement qu'en tant qu'archétypes et qu'ils ne sont même pas rendus plus intéréssants par des acteurs au jeu quelconque. Mais surtout le film souffre de l'absence d'un bout à l'autre d'un véritable regard de cinéaste sur son sujet. Pas de quoi faire oublier les meilleurs Larry Clark donc...