Fruit Chan confirme son statut de grand réalisateur.
Après s’être attaché à dépeindre la situation de la jeunesse hong-kongaise dans Made in Hong Kong, Fruit CHAN Goh décide de nous montrer les tourments d’une ancienne unité de l’armée anglaise dissoute du fait de la rétrocession à la Chine. Ses anciens membres sont donc obligés de retrouver du travail et de redémarrer une nouvelle vie, ce qui n’est pas chose facile lorsque l’on a au minimum la quarantaine.
The Longest Summer pose le problème de la rétrocession vécue par des personnes qui avaient des liens avec l’ancien colonisateur anglais. Ils ont le « cul entre deux chaises », qui sont-ils réellement, des Chinois ? des Anglais ? des Hong-kongais ? Ils ne le savent pas vraiment, la logique dirait qu’ils sont chinois mais alors pourquoi ce ne sont presque exclusivement que des drapeaux de Hong Kong qui flottent dans la ville et non des drapeaux chinois ? D’ailleurs tout cette problématique est extériorisée lorsqu’un soir l’ancien chef du régiment Zipper pète complètement les plombs et crie dans sa chambre : « qui suis-je », « où suis-je », ces deux phrases résument à elles seules le message du film.
Tout comme son premier long métrage, la réalisation est bonne, même si elle est légèrement moins léchée ; et une nouvelle fois Fruit Chan nous offre de superbes plans d’HK. Le film est rempli de vraies images de la fête qui entoura la rétrocession, ce qui donne un aspect réel, vécu en direct. L’ensemble est assez lent et donc peut paraître long, mais de toute façon n’était-ce pas indiqué dans le titre, cependant Chan se lâche sur la fin et met un coup d’accélérateur pour un final qui restera à jamais gravé dans nos esprits, final sublime et intense. Et quoiqu’il arrive la vie continuera, et les solutions apportées par Fruit sont logiques si on y pense bien.
Les acteurs sont bons, malheureusement Sam LEE Chan-Sam ne réitère pas sa performance de Made In HK et commence à jouer plus comme il le fait aujourd’hui que dans son premier film.
Au final on a un film qui nous retranscrit parfaitement les craintes et doutes de la population hong-kongaise envers la rétrocession. Fruit Chan explore une nouvelle tranche d’âge de la société (après les adolescents/jeunes adultes dans Made In HK et avant les enfants dans Little Cheung) et touche juste une nouvelle fois.
Un nouveau témoignage poignant sur la rétrocession
Deuxième film d'une trilogie centrée sur Hong-Kong et l'étape importante de 1997, The Longest Summer marque une transition entre le plus stylisé Made in HK et le plus minimaliste Little Cheung. Il se base sur le même principe, à savoir une histoire ayant lieu pendant la rétrocession. Chaque film s'attache à une génération différente (ici l'âge adulte) et évoque des problèmes de sociétés liés à cet évènement. On retrouve ici la même richesse, faisant de ce nouveau témoignage un film important pour ceux qui s'intéressent à l'histoire de Hong-Kong. Le film peut se regarder comme un simple drame, mais c'est en le replaçant dans son contexte historique qu'il prend une ampleur tout autre.
Fruit Chan démontre une fois de plus qu'il est le réalisateur qui sait le mieux retranscrire Hong-Kong et ses habitants. Filmant certaines scènes en "direct" lors des évènements de la rétrocession, il leur donne un impact décuplé, et livre ici son meilleur film sur la rétrocession même. Il faut dire que la génération de Longest Summer est celle qui souffre le plus, même si celle de Made in Hong-Kong connaît une fin plus dramatique. Alors que les adolescents tentent tant bien que mal de prendre le nouveau wagon, les adultes restent dans l'ancien, mi-chinois, mi-anglais, individus désincarnés sans réelle identité. Comme le dit le caïd, Hong-Kong est redevenu un bébé le 1er Juillet 1997, et les adultes sont de vieux bébés. Pour eux il est déjà trop tard. Made in Hong-Kong était un film bien plus pessimiste, un film d'innocence brisée. The Longest Summer est plus cruel, moins romanesque. Pas de belle histoire d'amour innocente ici, rien que la désillusion d'un groupe d'hommes tombés du train de l'histoire.
S'appuyant sur ce scénario extrêment riche, Fruit Chan bâtit un récit un peu lent comme toujours, mais parcouru de scènes chocs et de plans d'une beauté à couper le souffle. Le final réserve notamment une scène assez pénible, où toute la frustration de cette génération adulte explose. On apprécie la qualité de la mise en scène, le naturel des acteurs, la touche d'humour toujours présente au milieu d'un récit plutôt grave. Les dialogues se montrent souvent percutants, la musique appuie bien certaines scènes. Par contre, ceux qui aiment les films très explicatifs risquent de ne pas y voir grand chose d'intéressant. Fruit Chan est un témoin, mais ni un juge, ni un avocat. Une nouvelle fois la force de son récit réside dans son aspect quasi-documentaire, lequel laisse évidemment au spectateur une large part de travail dans les conclusions à tirer. Les amoureux de la ville et de son histoire se feront un plaisir de lire entre les lignes, les autres pourront profiter tout de même de la qualité de la mise en scène et de la montée en puissance finale.
Juste et emouvant
La reputation de Fruit Chan comme un des realisateurs hong-kongais qui comptent nourrit des attentes...
Heureusement, je n'ai guere ete decu. Le film est une belle reussite.
Il vise juste dans la description de la perte de reperes de certains hong-kongais lors de la retrocession de 1997. Sans pathos, il evite l'ecueil de pas mal de films sombres actuels, ce cote artificiel, calcule, gratuit qui m'irrite tant. Car Fruit Chan ne semble jamais forcer le trait. Le destin des personnages nous interesse justement car ils ne sont pas caricaturaux. L'emotion nait du fait que leur lente descente aux enfers est credible...
Sur le theme de la perte d'identite, il evoque pour moi comme un echo lointain le malaise d'Ava Gardner dans le film mythique de Cukor, "la Croisee des Destins" de Cukor. Ni indienne, ni anglaise...
Mais surtout je repense avec emotion a ce tres court film, limite propangandiste du musee de Hong Kong, sur la retrocession qui nous melent feux d'artifices et scenes de liesse populaire. Quel contraste!
à lq deuxième vision j'ai enlevé l'étoile car je le trouve pas assez prenant. cela reste un bon film mais j'ai préféré MADE IN HONG KONG, LITTLE CHEUNG ou HOLLYWOOD HONG KONG.
Feux d'artifices
Peut-être pas la meilleure idée que j'ai eu, que de re-monter la filmographie de Fruit Chan à l'envers; en revanche l'évolution de l'oeuvre pris dans son ensemble est dans l'un comme l'autre cas tout à fait passionnant !
Oeuvre transitoire dans le style - comme le sera plus tard "Durian Durian" - Chan oscille entre esthétique parfaite et experimentation visuelle propre à son précédent "Made in HK" et un style doucmentaire à venir.
Etonnant de découvrir un réalisateur en tant qu'excellent narrateur, alors qu'il excellera également dans un style plus posé et documentaire par la suite. Dans l'un comme dans l'autre, il fait preuve d'un rare sens de l'observation et dépenint avec beaucoup de sensibilité des portraits de personnages crédibles. Fait assez rare dans le cinéma HK pour être souligné. Il n'y aurait que la composition de Sam Lee, qui semble quelque peu déplacé dans ce film, son jeu étant égal à son cabotinage habituel dans d'autres productions HK autrement plus formatés.
Quant à l'intrigue, elle est tout simplement halétante. Mettant en scène une esquisse de "crise de la quarantaine" des hommes, entre un état de post-ado, mais entrant lentement dans celui d'un adulte se devant d'être matûre et responsable. Cette déroute est renforcée par le fait que les principaux protagonistes aient fait partie de la force militaire britannique pour la défense de HK, force bien évidemment dissoute lors de la retrocession en 1997. Et de là au réalisateur d'intégrer allégrement son thème fétiche : celui de la retrocession; car si les personnages principaux aient été sous le drapeau militaire anglais, qu'ont-ils été jusque-là ? Des soldats au service d'une Angleterre colonialiste ou au service d'une Chine, qui ne les reconnait pas lors de la reprise du territoire HK. Métaphore parfaite du sentiment général des habitants HK, tiraillé entre leur passé colonialiste et leur nouvelle intégration chinoise...Mais ne s'identifiant en fin de compte à aucune des deux cultures précisement.
thème de la perte et de la crainte ayant inspiré la plupart des productions HK depuis le milieu des années '80s, mais n'ayant jamais été abordé de front que dans le cinéma de Fruit Chan. Et à ce dernier d'illustrer plus que jamais cet état de faît par l'intégration même des festivités précédant, puis durant la rétrocession 1997, nombreux documents télévisuels à l'appui.
La trame scénaristique à la base (un braquage de banque des amis ex-soldats tournant ... bizarrement) ne devient bientôt qu'un simple point de départ, l'intrigue se re-centrant autour d'un personnage principal complètement paumé au milieu de toute la retrocession. Son "explosion" de violenceest bien évidemment l'apologie de toute cette incompréhension et la solution de tout humain ne sachant plus où il en est et ce qui lui reste à faire. Violence particulièrement cruelle (que n'aurait pas renié un Kim ki-duk au plus sombre) et d'autant plus désespéré, qu'elle ne se retourne contre la jeunesse. Le pourquoi de cette rancune restera à interprêter par un chacun; l'on pourrait y lire la colère contre le frère perdu, contre une (propre) jeunesse perdue, voire même faire un violent clin d'oeil d'un réalisateur particulièrement remonté contre une industrie cinématographique actuelle (la représentation graphique et de faits rapellant une certaine série des "Young & Dangerous"), pas chiche en représentation idéalisée et néfaste pour un certain type de jeunes d'identifiant à un imaginaire fabriquée, alors que la réalité ressemblerait bien plus à la fin dépeinte par Fruit Chan.
Pas tout noir, Fruit Chan raccroche une deuxième fin plus proche de son univers habituel, qui est à laisser ou à prendre par le spectateur. Ultime nique adressée à la jeunesse (la "vengeance" scato amusante du chauffeur du taxi), c'est avant tout les retrouvailles avec un personnage semblant avoir pu faire le deuil d'avec son passé.
Un film très riche et fort en émotions, qui marque - jusqu'à ce jour - la meilleure fiction de son réalisateur ("Little Cheung" marquant la meilleure docu-fiction).