Road movie social...
Qu'il est si bon de constater qu'il est possible de tisser des films aussi divers autour de l'univers des yakuzas ! Prenez les stylisés de Suzuki ou les idiots de Kitano et comparez avec ceux de Kamikaze Taxi. La diversité du cinéma japonais est bien réelle.
Qu'il est si bon de constater que le Japon dispose de réalisateurs incisifs, inventifs et doués qui plus est. Et Harada est de ceux-ci.
Qu'il est si bon de constater que lorsqu'un de ces réalisateurs décide d'attaquer de front le cancer social, l'immigration, le mal de vivre, il ne singe heureusement pas les pauvres Robert Guédiguian ou Manuel Poirier ! (Mais qui a dit rien à voir ?)
Le constat est là : avec Harada, notamment, le film à thèse et le film de genre se mélangent furieusement. Ce péruvien d'origine japonaise (Yakusho, excellent comme à l'accoutumée), si mélancolique, si paisible en apparence, si blessé cache au fond de lui infiniment plus de rage et de désespoir que tous les autres protagonistes dont les aspirations semblent bien futiles. Tatsuo est obsédé par les kamikazes, Tama ne pense qu'à entendre le vent souffler (ah les filles et leurs préoccupations !), l'excellent Animal ne pense qu'à massacrer, Domon ne pense qu'à "caresser" de jeunes poulettes...
Mais quel est donc le sens du japanese way of life ? Tous ces personnages ne pensent-ils pas finalement qu'à coller au taxi driver péruvien, qui possède un pouvoir attractif particulièrement étonnant ? Même Animal décèle en lui une étincelle de vie hors du commun, alors que ceux qui, bien que japonais d'origine, reviennent au pays après une expatriation au Pérou ou au Brésil ne sont généralement considérés que comme des sous-hommes, des déchets, des traîtres à la patrie en somme. Comme plus tard dans Bounce ko-gals, les personnages ne pensent qu'à s'échapper.
Là où le réalisateur français de base enchaînerait de longs dialogues dans des deux-pièces-cuisine, Harada choisit de coller au plus près de l'univers moderne des yakuzas et des politicards véreux. Les flingues parlent donc presque autant que les individus. Et on le sent passionné par le film de genre qu'il paraît presqu'obligé d'enrichir son oeuvre de "séquences genre" : il y a même une entrée fracassante dans un repère de gangsters qui ferait passer la scène des pots de fleurs d'un fameux polar pour une séquence tirée d'un Derrick !
Langoureux, violent (catégorie III !), désespéré, parfois drôle (surtout tout à la fin ). Il existe une alternative à Kitano, le monde ferait mieux de se réveiller...
26 décembre 2000
par
Chris
Inqualifiable
Il y a une telle objectivité dans ce film (pour autant que cela puisse exister) que l'on se demande parfois si l'on a pas affaire à un documentaire, documentaire en forme de road movie prenant pour base la révolte d'un jeune yakusa contre son milieu et ses injustices. L'aspect militant est affirmé dès le départ, nous assènant quelques vérités historiques sur le conservatisme de la classe politique nippone. Malgré tout ça,le film vibre d'humanité, tout cela oscille autour de la déchirure, déchirure de l'expatrié devenu apatride de retour au pays, déchirure de celui qui rejette son milieu pour pouvoir affirmer ses valeurs, de celle qui n'a pas d'autre valeur que d'avoir survécu.
Harada réussit là un film rare, un film bien au-delà du divertissement, un film vrai, à la fois sincère et militant, à la fois beau et utile, sensible et intransigeant, qu'il serait regrettable de ne pas voir.
07 octobre 2004
par
jeffy
ça roule
Dans Kamikaze Taxi, un jeune yakuza du nom de Tatsuo décide de voler avec l'aide de quelques amis 2 millions de dollars à son patron, un vieux politicien d'extrême droite corrompu réctionnaire et violent du nom de Domon. Il réussit son coup, mais alors que la bande se repose dans une cabane isolée, ils sont réveillés par les hommes de Domon, menés par l'impitoyable Animaru... Tatsuo parvient à s'enfuir, et trouve en la personne d'un chauffeur de taxi péruviano-japonais un compagnon de route imprévu..
Kamikaze Taxi fourmille de moments réussis, de scènes marquantes et de personnages interessants. Se promenant perpétuellement entre thriller, comédie et drame, le film de Harada Masato est, malgré ses 2h14, réellement passionnant.
D'abord, il fait référence à l'émigration de japonais en Amérique du sud, par l'intermédiaire de Kantake, le chauffeur de taxi campé par Yakusho Koji, récompensé pour ce rôle par le prix du meilleur acteur au Mainichi Awards (Harada a, lui, reçu le prix spécial du jury de Kinema Junpo, revue à laquelle il collaborait autrefois). Interessant donc d'en découvrir un peu plus sur ces émigrés dont 150.000 sont retournés au Japon, sans être pour autant chez eux.
Le personnage de Tatsuo est aussi très charismatique. Takahachi Kazuya en fait un jeune homme fou, drôle, instictif, un vrai kamikaze des temps modernes.
Le film est traversé par ces kamikazes. Des souvenirs du père de Kantake, à Domon, lui-même ancien kamikaze, l'esprit de ces guerriers casse-cou hante le film. Tatsuo brave tous les dangers, tente la mort en permanence, risque tout, mais éspère au final s'en aller vers le Perou (l'exil, un leitmotiv dans l'oeuvre de Harada ). Une danse funèbre jusqu'au bout.
Les personnages sont, comme souvent chez Harada, le point fort du film. En tête du reste, le cinquantenaire Animaru (génial Mickey Curtis) et sa moustache faussement rassurante, son regard de rapace. Un homme de main terrible, violent, impitoyable, et crédible, une menace permanente. Domon aussi, abominable salopard détestable dès sa première apparition, symbole de tout un dark Japon : nationalisme, fascisme, mafia, corruption, violence.. Il est, dans le film, d’une crédibilité incroyable (jusqu’à ses apparitions télé dans des émissions criantes de vérité).
Entre Kantake et Tatsuo se noue une étrange et belle relation. Un chauffeur de taxi solitaire et renfermé, mais grand et bon de cœur, face à un jeune yakuza agressif mais bon également. La sensibilité des acteurs apporte à leur duo une vérité et une émotion certaines, et c’est sur cette authenticité que repose une bonne partie des qualités du film. Les deux personnages vont se découvrir, s’apprécier, combler un vide affectif, devenir à la fois père et fils, frères, amis..
Harada tire dans tous les sens, de la critique des résidus idéologiques de la seconde guerre mondiale côté japon chez certains politiciens d’aujourd’hui, à la fameuse émigration/immigration des japonais en Amérique du sud. Et avec beaucoup d’humour ! Fait rare, le film allie avec brio rires et drame, mort et absurdité. On rit, dans Kamikaze taxi (dont une suite est prévue), même dans certains des moments les plus noirs. On rit, mais le film reste impitoyable : il n’y a pas de surhommes à l’image. Les balles tuent, les épées coupent, et le scénario n’épargne pas ceux qui nous sont sympathiques sous prétexte de plaire au public !
Harada fait mouche avec ce film à mi-chemin entre le road-movie, le film de yakuza, la comédie, et plein d’autres trucs encore. Si on peut cependant peut-être reprocher un côté légèrement caricatural au personnage de Yakusho Koji dans son accoutrement péruvien et son côté introverti, Kamikaze Taxi reste un film aux multiples qualités, dont la moindre n’est pas l’émotion qu’il procure.
Et on peut même l'affirmer, "Kamikaze Taxi" est l'un des derniers grands films du cinéma japonais contemporain. Après, il n'y aura plus que "Hana-Bi", et "M/Other".
Une oeuvre essentielle car aboutie et maîtrisée.
(très) bon film ruiné par ses défauts
KAMIKAZE TAXI est incontestablement un bon film, il a même l'étoffe des grands, surtout par son écriture qui fait passer les 2h20 du film sans ennui.
malheureusement ce potentiel est complètement gâché par une réalisation vraiment pas convaincante, en particulier dès qu'il y a un peu de mouvement c'est complètement brouillon (voire un peu n'importe quoi). ajoutez à cela une photo bien ratée tirant sur le derrick parfois, mais surtout trop sombre, comme beaucoup de scénes se passent de nuit ou dans l'obscurité, il en résulte que c'est souvent illisible, les visages ne sont pas éclairés, et à force de ne rien voir ça limite bien l'implication du spectateur.
à priori les autres critiques n'en ont pas été dérangé, pour ma part c'est vraiment le point noir du film qui m'a fait me distancier des personnages. ce défaut est malheureusement aussi présent sur d'autres films (Gonin, Shark skin...). c'est vraiment frustrant quand il s'agit de bons films mal emballés comme celui là.
malgré tout ça reste un film à voir et intéressant, mais une recherche de lisibilité et d'esthétisme n'aurait pas fait de mal à ce très bon scénario servi par des interprètes assez convaincants. (pour ce qu'on en voit).
Indians on the road
Une réalisation coup de poing pour un film autre. Objet insaisissable, le film saute de genre en genre avec une grande stylisation. Harada filme, et s'attarde sur ce ce qui est montrable, c'est à dire les moments intimes pendant lesquels les personnages se dévoilent. En ces moments, sa caméra est posée et cherche à stigmatiser une émotion, un rictus. Dans ces instants plus violents, montrant les éxactions des monstrueux yakuzas, qui sont décrits comme des êtres vils et manipulateurs, la caméra devient folle, ne sachant réellement où se positionner, cherchant à ne pas embellir les actes sales.
Film de dénonciation, papmphlet social, pur film de genre enragé ? ... tout ça en fait.
Mon premier Harada; et oui, on ne possède pas assez de pairs d'yeux pour pouvoir tout découvrir... mais pas mon dernier c'est sûr.
Une oeuvre profonde.
La complexité apparente des personnages cache une grande sincérité et tendresse,c'est un réel plaisir que de suivre ce voyage à bord du taxi en route vers le Pérou.