Laborieux encore une fois
Le cinéma HK n’est vraiment pas en forme ces dernières années, et ce
Demi-Haunted ne s’avère être qu’une demi-réussite pour moi. Les fans du cinéma de l’ex-colonie britannique se satisferont peut-être d’un scénario qui tente d’explorer des pistes un peu plus novatrices (comédie autour d’une pièce de théâtre traditionnelle, de revenants et d’une romance d’outre-tombe impossible censée servir de leçon aux vivants). Les autres auront sans doute du mal à accrocher à cette histoire qui manque singulièrement de punch et de vitalité et dont l’interprétation laisse sur sa faim.
Un film étonnant, un peu confu mais original et intéressant
Au milieu de la pelleté de films de fantômes sortis depuis quelques mois à Hong-Kong, Demi Haunted détonne. Ce n'est pas un rip-off de Sixième Sens, ni une photocopie de Ring. C'est au contraire un film dont les racines sont profondemment implantés dans la culture Hong-Kongaise, et, qui plus est, qui se montre également bien Hong-Kongais sur la forme. Il n'y a pas à dire, même si on est loin du chef d'oeuvre, cela fait plaisir.
Par Hong-Kongais dans le fond comme la forme, j'entends que le film n'hésite pas à mélanger plusieurs genres de manière totalement impromtue. On passe de la comédie typiquement locale (càd pas vraiment très fine) à du drame tout ce qu'il y a de plus sérieux, on ajoute de la romance, on développe plusieurs sous-récits sans trop d'équilibre. Bref, c'est un joyeux fourre-tout, qui perd automatiquement le spectateur, mais qui mérite qu'on s'y intéresse. Le style a évidemment de quoi déconcerter, avec comme point d'orgue la scène où Eason/Joey rend visite au vieil amour de la chanteuse. En alternant des plans avec Eason et Joey, Patrick Leung passe du comique bien lourdaud (Eason Chan à moitié violé par un pépé aux tendances homo) à de la romance bien sirupeuses (Joey retrouvant son amour perdu). Bref, totalement incongru et d'autant plus indispensable.
Autre point d'intérêt, le fond. On y parle de famille, d'opposition des générations, de traditions, de persévérance et de courage. Bref, des valeurs très humaines et attachantes. On peut y voir tout simplement une histoire de fantômes, mais aussi un bel hommage à la culture des aînés, ou encore un constat douloureux sur la place qu'occupe la nouvelle génération. Comment ne pas reconnaître le cinéma de Hong-Kong dans ce théâtre qui se retrouve géré par la jeune fille après que le père ait disparu (Chang Cheh) et que la mère soit partie (les expatriés vers les USA)? Bref, il est évident qu'il y a beaucoup de choses à lire dans cette histoire, et même si elles n'ont pas été très bien rangées dans le carton, il vaut toujours mieux un carton bien plein plutôt qu'un emballage vide. Témoin d'une époque trouble pour le cinéma de Hong-Kong et plus généralement pour toute une culture, Demi-Haunted est un portrait imagé très intéressant d'une génération qui peine à se trouver, entre opéra chinois et techno, héritage passé riche et futur très flou.
L'interprétation amène au même constat, il y a un peu de tout, du bon et du moins bon. Eason Chan reste toujours aussi irritant lorsqu'il commence à faire ses grimaces, mais devient plus convainquant dans les scènes sérieuses. Joey Yung est très vivante, mais ne rivalise pas avec les meilleures jeunes actrices HK comme Anita Yuen ou Charlie Young. Heureusement, les deux autres jeunes actrices du film démontrent que la nouvelle génération est prometteuse. Kate Yeung pour son premier rôle hérite d'un rôle à première vue sans trop d'intérêt mais qui en prend de plus en plus (au point de lui rapporter une nomination aux Awards comme meilleur jeune talent), alors que Kumiko se montre délicieusement insaisissable, rappelant presque parfois une Charlie Young des beaux jours.
Quant aux anciens, on peut toujours compter sur un Anthony Wong pour relever le niveau, même si son personnage se montre finalement sans surprise. Depuis quelques temps, Anthony se voit toujours donner le rôle du sale type qui a finalement plus de coeur qu'on le croit. Même s'il le fait très bien, la surprise n'est plus là. Efficace tout de même.
Au final, voici un film qui va évidemment partager, mais qui se montre joyeusement anticonformiste dans un genre qui jusque là n'avait pas livré grand chose d'intéressant. Les trois films intéressants de 2002 dans le genre resteront finalement My Left Eye Sees Ghosts, Going Home et Demi-Haunted, trois films différents mais qui évitent l'écueil des influences étrangères bien mal gérés. Demi-Haunted n'est sûrement pas le plus maîtrisé des trois, mais c'est assurément celui qui offre le plus de matière à réflexion.
Bel hommage au cinéma et à l'opéra chinois
En général, quand on cause de films, on a souvent tendance à citer les réalisateurs mais personnellement, j'attache aussi beaucoup d'importance à ces "hommes de l'ombre" que sont les scénaristes et les producteurs. Le cas de Patrick Leung est d'ailleurs assez représentatif car au lieu de le voir comme réalisateur à part entière, il est intéressant de se pencher sur le reste des crédits pour se rendre compte qu'il n'a jamais été durant sa carrière que le la marionnette d'autres personnes : Johnnie To à la production de Beyond Hypotermia ou encore Chan Hing-Kar (responsable entre autres des scripts de Beast Cops et Jiang-Hu The Triad Zone) au scénario de Task Force. Avec Demi-Haunted, Patrick Leung se retrouve pris en tenaille par une production typiquement EMG (à savoir des popstars à foison) et un script de Chan Man-Yau qui avait écrit Tiramisu au début de l'année. C'est surtout cette dernière donnée qui définit Demi-Haunted car dans son principe de base, le film est extrêmement réminescent du ratage de Dante Lam (on remplace la danse par l'opéra) mais plutôt que de jouer sur la tonalité du mélo fantastique à l'eau de rose, Chan Man-Yau se lâche complètement, signant un scénario bordélique au possible et mélangeant les genres. Néanmoins, le film peut quand même se subdviviser en trois parties bien distinctes. La première partie tape dans le genre-phare de l'année 2002 qu'était l'horreur donc on a droit à tous les poncifs du genre depuis Visible Secret (déjà avec Eason Chan….). Néanmoins cette première partie reste quand même anecdotique et est déjà parsemée d'éléments de comédie jusqu'à l'arrivée de Joey Yung (superbe et élégante dans son costume trois-pièces masculin) et par conséquent, de la double-quête qu'elle va engendrer (l'opéra et Nicholas Tse). Le film commence vraiment à décoller et paradoxalement commence déjà à montrer ses faiblesses (quoique que c'est tout relatif) avec la profusion de personnages plus ou moins secondaires (le vieil homme, Anthony Wong, la fille gèrant la troupe de théâtre) dont le personnage de Yumiko Cheng (premier film et pas le dernier j'espères...) se démarque quand même dans un rôle de jeune fille forte qui n'arrête pas de cogner Eason Chan(une joie après les supllices que furent If You Care, Lavender, etc) mais ne peut s'empêcher d'avoir un faible pour lui.
Outre le côté joyeux de cette section du film, c'est à ce moment que le scénario met à jour ses ambitions en révélant l'amour intemporel (et forcément tragique) entre Joey Yung et Nicholas Tse via des scènes d'époque (début du siècle) fort bien amenée et réalisée, ainsi commencent à s'introduire insidieusement divers degrés au film ne fusse que déjà en se jouant de sa propre tragédie en exploitant jusqu'au bout l'idée de la confusion des sexes propre à l'opéra chinois (les hommes jouant le rôle de femmes) via une scène homosexuelle anthologique avec Eason Chan (petit délire complètement gratuit mais qui ridiculise encore plus Tiramisu auquel il fait référence). Mais plus pertinemment se développe l'idée d'un film conscient de son principe de spectacle total en finissant sur une dernière partie dramatique qui fait en celà qu'il y'a une rupture permanente de ton et une histoire sans cesse relancée au fur et à mesure des scènes ce qui peut vite s'avérer fatiguant à suivre sur presque deux heures mais de cette façon, il porte à son paroxysme le melting-pot qu'est intrinsèquement le cinéma hong-kongais. Ecrit en 2002, année désastreuse financièrement, Demi-Haunted explose dans son propos en faisant de lui-même le constat de cet échec, de cette mort populaire du ciné HK en créant un point de comparaison judicieux dans son final avec la mort de l'opéra chinois auprès des générations actuelles. Néanmoins devant l'amertume de ce bilan, Demi-Haunted finit par un beau pied-de-nez à la désertion des salles et au manque de moyens, rendant hommage à tous les cinéastes de l'ex-colonie qui se battent encore pour faire des films envers et contre tout et ça c'est l'un des plus beaux messages que puissent offrir ce film en plein milieu de la morosité ambiante.
Demie réussite
Surprenant hommage à l'opéra cantonais et à des classiques de la trempe de "Rouge" et même "Peking Opera Blues" par l'un des studios de productions parmi les plus commerciaux, qui n'hésitent d'ailleurs pas à placer leurs jeunes "protégés" (la maison EEG, qui placent – entre autres – Eason Chan et Joey Yung).
Costumes, décors et acteurs sont tous superbes…mais ne suffisent malheureusement pas à assurer le grand spectacle émotionnel initialement prévu. C'est que les scénaristes ont réellement voulu se surpasser et toucher le plus grand public possible en combinant comédie, romance, drame, fantaisie et même le fantastique; sauf qu'il aurait fallu la folie d'un Jeff Lau pour réussir à assurer l'entier spectacle…ou réviser le dense scénario pour couper els trop nombreuses intrigues parallèles, qui ne débouchent finalement pas sur grand-chose.
La première heure part ainsi dans tous les sens et tente avec des trop nombreux effets vouloir convaincre par tous les moyens. Les acteurs cabotinent à mort, mais ne peuvent empêcher la plupart des gags à tomber totalement à plat; ce n'est que dans la seconde heure – et avec l'avènement du "fantôme" et de sa "raison d'être" – que le film gagne véritablement en profondeur et se sonne un but à poursuivre. Sauf que ce but est à nouveau abandonné et que la trop longue fin s'enlise dans des beaux sentiments pas totalement maîtrisés.
Avec davantage de rigueur et une bonne réécriture scénaristique, "Demi-Haunted" aurait pu donner une très belle comédie romantique intemporelle de l'étoffe des meilleurs efforts du genre par Tsui Hark. En l'état le film reste une belle surprise, mais surtout une rare occasion manquée.
Hommage responsable
"Demi-haunted" est une véritable perle, le marriage réussi de la tradition et des contraintes de la mode avec l'ambition d'offir d'avantage que du simple divertissement. Du pur HK un peu fourre-tout sur le papier (3 générations d'acteurs, une histoire mélangeant allègrement ghost-comédie et drame humain, un ton entre reprise de comédie US pour djeunz et classique cantonais,...) mais assemblé à l'écran de manière tout à fait cohérente et techniquement impeccable. Avec son scénario qui évolue adroitement de l'insouciance à la conscience puis à la responsabilité, ce film se révèle même selon moi plus ambitieux que le magnifique mais légèrement hermétique
"Rouge" de Stanley Kwan (la thèmatique différente mais la forme empruntée est similaire). Ratisser large et faire confiance à la jeune génération pour diffuser son message de responsabilisation de chacun face à son histoire (personnelle, culturelle, passée et future) au delà de la simple nostalgie passive, telle est la plus grande idée de ce film.
Un film aussi divertissant que nécessaire.
Phantom in love
Mis en scène par celui que l'on avait à une époque considéré comme le nouveau John Woo, ni plus ni moins, avant qu'il ne se complaise dans la comédie crétine, ce film est une agréable surprise dans le paysage cinématographique hongkongais actuel. Pour deux raisons : la première de ces raisons, c'est que le réalisateur est suffisament malin pour ne pas tomber dans le piège de la parodie ou du repompage en règle, il apporte une touche originale à son intrigue, une sorte de légéreté toute en retenue, ses personnages ont de l'épaisseur, et sa mise en scène est très sobre et non dénuée d'une grande maîtrise. La seconde est que Patrick leung a su ancrer son intrigue dans une valeur typiquement hongkongaise, cette sorte de savoir-faire unique à elle-même. Une histoire de fantômes qui fait parfois penser à l'excellent et trop souvent ignoré Phantom Lover de Ronny Yu pour son côté ancrage dans le monde du spectacle, le théâtre. D'ailleurs sa réalisation découle toute entière de la théatralité dans son action, ces coupes franches qui laissent parfois les interprètes livrés à eux-même, je pense à certaines scènes dans lesquelles ils se mettent subitement à chanter et à danser sans que celà est une incidence dans le déroulement de l'intrigue.
Une histoire de revenant qui a l'intelligence de ne pas tomber dans les éternels clichés du genre et qui sait franchement émouvoir, ça ne se voit que très rarement et quand en plus c'est bien fait... que demander de plus ?