Il était un fils
La même année que les bien moins convaincants Une Femme de Tokyo et Femmes et Voyous, Ozu annonce avec son vingt-neuvième film une partie de la verve de Une Auberge à Tokyo. Comme ce film-là, Caprice Passager a ce petit parfum néoréaliste avant l'heure, ce goût pour la description au quotidien du vécu de gens en bas de l'échelon social. Le traitement est d'ailleurs dédramatisé, d'une naïveté touchante où l'humour s'invite volontiers. Les acteurs enfants ont d'ailleurs le genre de fraîcheur, de spontanéité dans le jeu qu'avaient ceux de Gosses de Tokyo. Prenant comme personnage central un père oisif, le film évoque son rapport à son entourage professionnel et amical et son rapport à son fils. Car si rencontrer une jeune femme le fait revivre et lui donne envie d'être de nouveau coquet, ceci est vu de manière bien moins positive par son collègue de travail et voisin. Ensuite, il semble que son fils incarne bien plus la responsabilité que ce dernier. Il faut le voir réveiller son père à coup de pieds, ne pas avoir peur de lui faire la leçon sur son train de vie et sur l'image de son père auprès de ses camarades. Et un bonsaï cassé d'être de ces objets en disant long sur l'état émotionnel des êtres qu'on retrouvera par la suite chez Ozu. Aux antipodes du futur Il était un père en somme... L'effet miroir inversé est encore plus visible dans le fait que contrairement à ce film-là ce soit le fils qui tombe malade et le père qui ait à le secourir. La cellule familiale est ici monoparentale, elle a été en situation de crise mais comme presque toujours chez Ozu elle finit par se reconstruire. De manière cocasse sur la fin d'ailleurs. Car après avoir quitté son fils pour Hokkaido et lui avoir laissé son indépendance sans cette tristesse qu'on verra ensuites chez les figures ozuiennes devant laisser les enfants voler de leurs propres ailes, le voilà qui décide d'un coup qu'il lui manque et qu'il doit sauter par-dessus bord pour revenir vers lui. Mais toujours avec insouciance... Particularité du film pour muet: il contient 400 intertitres, une bonne part correspondant à du dialogue. L'intertitre est oarfois utilisé pour anticiper l'apparition de personnages ou comme au début du film pour faire dans l'apphorisme/leçon de vie pas sentencieuse. Formellement, le film respire l'évidence. Evidence d'une caméra qui sait isoler le détail significatif d'une scène. Evidence d'une caméra mobile lorsqu'il faut amener un peu d'énergie à une scène. Evidence d'une réalisation où fixité de la caméra n'est pas synonyme de contemplatif au vu d'un montage sachant faire souvent preuve de dynamisme à une échelle Ozu. Pour une oeuvre annonçant une série de films se focalisant sur des figures du petit peuple avant qu'Ozu se concentre sur les salarymen dans sa très connue dernière période. Il avait néanmoins déjà prouvé alors qu'il était un grand du cinéma japonais.