Non, on va pas causer de ce film coréen pour le moment mais plutôt d'Irréversible de Gaspard Noé parce que y'a un figurant d'origine asiatique dans une scène(ouah, l'excuse bidon pour en causer sur ce site).
Alors, il sort que le 5 juin en belgique(snif!) mais en attendnat, SEul Contre Tous, j'ai adoré et pour moi Irréversible sera je l'espère une oeuvre dérangeante et aboutie, loin des modes et qui s'inscrira dans l'histoire du cinéma français d'aujourd'hui au côté des films de Dumont. Voilà, Medkevine je te passe le micro...
Nous savons bien que le site n'est pas dedié à ce cinéma là, mais comme Alain m'a tendu la perche, je l'attrape au vol.
Attention, spoiler. Mais c'est pas très important, surtout après tout ce que l'on a pu savoir sur le film avant même d'aller le voir.
Alors voilà :
Irréversible.
Le nouveaux film de l’élève doué Gaspar Noé est avant tout un film hypnotique. Avec la volonté propre de l’être, de se penser comme tel, et de se montrer ainsi. Ce qu’on y voit, de la violence d’une crudité qui n’a d’égal que les pères de références du cinéastes (Peckinpah, Pasolini, Boorman, et surtout Kubrick), n’est qu’un schéma à suivre, une ligne de conduite qui s’arrête au principe d’un concept. Celui-ci à pour trait une mise en condition spécifique du spectateur, une immersion. Noé désir une plonger, en apnée, dans les affres d’un enfer qui n’a comme écho que la violence sourde, animal, et obscure de la nature humaine. Les personnages sont avant tout les vecteurs d’un flux, des particules corporel sensitive formant la matière narrative des pulsions, et des sensations de la représentation qu’ils intègrent.
Le récit s’ouvre dès le générique, défilant à l’envers, et se décalant peu à peu, comme s’il s’inclinait. La police, la couleur de celle-ci, oriente d’emblée le film comme l’œuvre de l’auteur auquel elle s’y associe. On y reconnaît le lettrage déjà employé par Noé sur Carne et Seul contre Tous. Ce même désir tape à l’œil, cette même grandiloquence allant jusqu’à l’emballage du film. Cet aspect slogan militant, qu’on dirait tout droit sortis d’un tract pro politisé avec emphase.
L’image suivante ne fait que parfaire cette mise en abîme. On y découvre Philippe Nahon, le boucher de Seul contre tous, quasi nu sur un lit, dans une chambre pourrave, discutant et philosophant d’un discours de comptoir avec un quidam amaigri et visiblement largué. Le boucher vient de réfléchir a un truc : « Le temps détruit tout » . Le type de phrase nihiliste calibré du cinéaste. L’ex boucher, pour mieux parfaire une continuité dans l’œuvre du cinéaste, se déclare être se personnage, en nous disant avoir fait de la prison pour avoir couché avec sa fille, faisant par là référence à la fin de Seul contre tous. Soit. Dehors, des sirènes de polices et des voix se mettent à monter, envahirent la bande son. Que se passe-t-il ? Rien nous dit on, il s’agit encore sûrement de la bande de tarlouze, de la boîte à pédé d’en bas, le « Rectum ». La caméra, d’une prouesse technique virtuose, s’échappe alors par la fenêtre, et dans un même mouvement par voir à l’extérieur ce qui s’y passe. Elle frôle des corps, des murs, des lumières, des gyrophares, des voitures de polices. Aucun plan ne vient découper la scène, la caméra virevolte d’un mouvement indéterminé, sans que rien ne vienne jamais justifier tel ou tel angle. Elle est comme une boule de flipper. On entends alors des voix, on comprend par la situation qu’il s’est passé quelque chose, on sait de toute façon qu’il s’est passé quelque chose ; on savait de quel film il s’agissait avant même d’avoir passer la porte d’entrée de la salle où l’on nous a demandés par deux fois nos cartes d’identités.
Je suis majeur, je demande à voir ce qui s’est passé au Rectum, et pourquoi et comment Vincent Cassel en sort sur une ciliaire et Albert Dupontel dépité, embarquer par les flics, tout en se faisant insulté de sale pédé et autres insultes du cru. Oui, il y a quoi au Rectum, cette boîte de « tarlouze »? Je sais déjà ce qu’il y a, mais je veux voir, je suis là pour ça. Je veux voir comment Gaspar Noé le film . On la vite compris, le récit nous invite à un déroulement à rebours. En pénétrant dans le Rectum, on suit Marcus (Cassel) et Pierre (Dupontel) à la recherche de Le ténia. On y plonge, toujours par la caméra tourbillonnante de Noé, qui s’échappe en roue libre, comme si elle filmait à peu près tout en n’importe quoi. Elle colle à Marcus, se détourne, s’attarde sur un détail, puis retourne à lui. Cette partie du film est sans doute la plus réussi du film, la plus folle, la plus expérimental, la plus violente. C’est un dispositif formel inédit, une réussite totale. Au Rectum, une sombre boîte gay, un back room hard et crade, on y croise des spectres, des hommes mi animaux transis, quémandant à tout va du fist fucking et autres gâteries pour le moins hardcore. Tout aussi hardcore, la bande son, assourdissante, montant crescendo un vrombissement sourd mêlé de techno, hardcore. A cela, se mêle la voix de Cassel, ne cessant de répété « Il est où l’Ténia, il est où, tu sais où il est ? C’est toi l’ténia ? » Sans cesse, s’accordant de fait avec la musique comme pour lui renvoyer le meilleur écho. Tout du long, la caméra tournoie comme si elle était devenue un électron libre, une particule renvoyant à l’unique sentiment du personnage, à sa haine, son désordre, sa confusion psychologique, son désespoir, ce que l’on apprendra plus tard, son désir de vengeance. Nous n’avons aucun repère spatio temporel, la confusion est total. On croirait que l’image s’est barré à la verticale d’un délire psychotrope, The last trip comme nous l’indiqueras plus tard (plus tôt) une affiche de 2001. L’image devient le parallèle d’une prise de position de la sensation pure. Nauséeux, pris de vertige, on explore avec Marcus, on y comprend rien. Par là des hommes râles comme des bêtes, d’autres se chevauchent, gainés de cuir ou non, certains se masturbent dans un coin, et on en choppe des bribes, des flashs, de pure instantanés d’épouvante. Noé réalise là l’une des plus grandes scènes d’épouvante que le cinéma français a pu mettre en scène.
La pression monte, physiquement. On étouffe, nos tripes hurlent de mettre fin à ce cauchemar orchestré par un quelconque prince des ténèbres venu des banlieues nord. Pierre, en pleine panique tente de calmer Marcus, il est le contre point par qui l’affolement donne à la situation son autre tension dramatique. Puis soudain ça dérape, un extincteur, Marcus à terre, le bras cassé en deux, prêt à être violé, Pierre réagit, le bruit est sourd, mate, volontairement stigmatisé. La tête de l’autre est en ruine, de la bouillie. Abasourdie, la pulsion au terme de son désir de mort, on souffle. On ne comprend pas comment on en est arrivé là. Désarmé, l’animal s’est débattu dans la cage mental de ses affects jusqu’au bout. L’image, compte rendu boursouflé sous hypnose, a suivi la bête dans la demeure des zones les plus sombres de son âme.
Il s’agit alors pour le film d’opérer un retour à la lumière, vers l’apaisement, la contemplation. On est immergé dans les entrailles de l’enfer, auquel se succède les rues sombres pleines de macs, de putes, de trav’, de piliers de comptoirs sordides, qui seraient les créatures de l’ombre. Des bêtes rodant d’un appétit nourrit de la désillusion social, de pulsions et de désirs vénal et animal. Puis, c’est la soirée, prêt du tunnel, la représentation d’une forme de passage entre les mondes, auquel viendra s’ajouter le métro comme objet de transit. Enfin, on refait petit à petit surface, d’abord l’appartement, refuge sensuel et intime, tendre et sentimental, puis le jardin d’enfant, lieu du renouvellement de la vie, d’espoir, qui se prolongera vers le ciel comme il se doit.
La vision de l’enfer pour Gaspar Noé, c’est un back room gay plein de créatures avide de sexe, des macs des putes et des travelos ; le paradis, un appartement confortable, deux stars du cinéma aux corps idéal, et un jardin d’enfant avec une femme enceinte. Difficile de s’accorder avec une tel proposition. Cette aspect là, on le rejette sans sommation. Une tel réduction, pourtant en prise avec le réel, à bien le mérite de secouer l’arbre sec de notre intellect, laisse la porte ouverte à l’amalgame des jugements hâtifs. En voulant poindre là où ça fait mal, en tenant à s’accorder au plus près à une réalité que l’on nie, que l’on repousse à bien des égards, Noé met l’odeur de la merde sous le nez du spectateur en oubliant la moindre des nuances. En somme, un discours qui se voudrait juste un peu de vérité, mais pas la vérité du juste. C’est pourquoi cet aspect là de Irréversible, on préfèrera le jeter aux oubliettes. La grandiloquence avec laquelle il se voudrait être cinéaste d’une certaine représentation de la morale par l’image sonne aussi creuse que les mauvaises paroles d’un pitoyable groupe de punk anarchiste. Le film, dans ces instants, isolés, parcellaires, colle avec justesse aux réalités représentés (back room crade, rues sordides, cafés paumés, personnages largués), mais une fois placés dans le récit global, devient alors beaucoup plus gênant tant il laisse la place à une vision du monde dangereuse, symboliquement hasardeuse, presque un peu trop à droite. Pas tant nihiliste que l’on voudrait le faire croire, car ici, la seule proposition qui nous est offerte pour retrouver bonheur et apaisement, réconciliation avec le monde, vers un paradis (perdu), c’est le couple, la femme et l’enfant. Celle qui sera bafouées, sodomisés, presque mise à mort par la caméra de Gaspar Noé -pourquoi la caméra a-t-elle eu besoin d’opérer un mouvement (ultra rapide) pour aller filmer en gros plan le visage de Monica Belluci exploser par son violeur homo ? Alors que jusque là elle était restée fixe, au sol, enregistrant la scène sans autre point de vue. Inadmissible-. On préfèrera décidément s’attarder sur l’aspect physique, hypnotique, l’expérience en quoi représente le film de Gaspar Noé.
Tel est donc l’approche idéal d’Irréversible. Où il faudrait prendre le maigre profil de son sens pour ce qu’il n’est pas. Avant tout, ce désir de vengeance, mis à rebours, n’explore rien, ne dit rien. Les conséquences avant la cause n’ont aucune parole d’un point de vu sociologique. Humainement, c’est du vent, un gadget. On est très loin de Peppermint Candy du Coréen Lee Chang-Dong, qui, certes en explorant la vie d’un homme sur 20 ans, nous emportait dans un voyage où les affres de la politique et d’une société devenait les points sensible d’une compréhension ample et rigoureuse, humaine, où chaque époque et variation du personnage en fonction devenait une vision panoptique d’un homme, de sa vie, et par là atteignant un territoire universel, pour un film pourtant définitivement encré dans la culture Coréenne. L’enjeu narratif avait ici un sens, une véritable portée. Chaque passage donnait à voir les stigmates des influences qui ont transformés un homme, dans sa vie, son rapport avec l’autre. Le récit à rebours entretenait la cause du drame dans la variation symbolique, avec une sensibilité inouï. Ici, rien de tout ça. Notre histoire se déroule sous 24h, tout est très concentré, à l’image de l’animosité envahissant le corps de Vincent Cassel. Qui n’est jamais meilleur que lorsqu’il a « la haine ». L’intérêt du film n’est donc pas à souligner d’une telle ampleur symbolique. Son principal moteur réside dans la pulsion, le sentiment, proprement physique auquel il convie. La mise en place du récit, aussi, ne fonctionne que de par ce point de vue là. De l’horreur des enfers, avec sa violence et ses pulsions de meurtre, on émerge vers l’apaisement, la tendresse, à la lumière. Quelque part, Irréversible est un film qui se voudrait optimiste. Le procédé narratif à pour effet d’évacuer la tension accumulée. On sortirais de la projection pour ainsi dire apaisé, soulagé. Espérant presque n’avoir jamais été témoins du carnage. Ayant été les simples cobayes d’une expérience de la douleur des affects d’un personnage en proie à la démence dans laquelle le monde l’a plongé. On préfère en rester là, à cet plongé psychotrope au royaume des psychotiques de la fange des rebus sociaux. Aussi parce que tout fait trop vrai, dans ces premières 20 minutes, avant Alex (Bellucci) et le tunnel. Les gueules et le ton, l’image et son grain, les mouvements et la vitesse, la fausse absence du montage, sonne avec justesse l’écho névrotique du monde dans lequel Marcus vient de s’immerger. Tout concorde à jouer avec nos peurs sécuritaires les plus fourbes (parti pris esthétique moralement glissant). La caméra sous trip, ne se souciant alors guère de ce qu’elle enregistre, elle est électrisée, littéralement en transe. Il n’y est plus question d’enregistrement ou de représentation du réel, mais de la représentation d’une perception du système nerveux.
Voilà où réside l’intérêt de ce récit, dans son souffle, pas dans son sens. Apprendre ce que faisaient les personnages avant n’apporte rien, les séquences et les dialogues étant très superficiel. Ils tentent bien de donner une valeur symbolique aux paroles et aux gestes, mais de fait deviennent d’autant plus pesants et maniérés. On préfère pensé le film comme une espèce hybride, une œuvre expérimental qui garderais l’idée d’un récit et d’une représentation du réel pour mieux en ouvrir les états d’âme. On aime mieux se dire que le film à pénétrer notre conscience par l’envoûtement et l’état d’hypnose auquel il convie, pour peu qu’on accepte d’aller y traverser son palais des horreurs social. Irréversible n’a aucun sens, car ce qu’il voudrait être avant tout c’est une représentation et une exploration des sens. Un film qui aurait la volonté de tendre à une idée de présent immédiat, où l'intelligence (qui saisit dans la totalité et se libère du temps) n'aurait pas rattrapé la perception.
J'espère que malgré cela je ne t'aurais rien gâcher de ta futur projection du film. Bon courage. Comme tu l'as compris, les 20 premières minutes déménages !