Wong Jing est surtout connu pour ces innombrables navets tous plus commerciaux les uns que les autres ; aussi, il est facile de cracher sur ce gros bonhomme du cinéma hong-kongais. Mais pour ceux qui le connaissent bien, il est également le créateur des films de gambling à travers le cultissime God Of Gamblers, le réalisateur de quelques très bons Jet Li (surtout le parodique Claws Of Steel) et surtout celui qui lanca la carrière cinématographique d'Andy Lau Tak-Wah ce qui explique sans doute la présence de ce dernier dans moultes des médiocrités de Jing, y compris récemment (The Wesley's Mysterious Files...mon dieu !). Occupant la place qu'est la sienne, je ne peux croire que Jing n'a jamais eu de liens quelconque avec les triades (même l'épicier du coin à affaire à eux, alors...) et c'est sans doute sa véritable opinion sur eux qu'il nous livre dans A True Mob Story.
D'ailleurs le titre est on ne peut plus explicite : "Une vraie histoire de mafia", ce qui est exactement ce que represente le film. On suit Cheung-Dee, magistralement interprété par Andy Lau, petit frappe locale qui essaye tant bien que mal de s'affirmer au sein de sa famille. Oubliez tout ce que vous avez pu voir jusqu'alors, exit tout les mafieux au grand coeur, rempli de principes, prêt à secourir la veuve et l'orphelin (et il n'y a pas que les Young And Dangerous, John Woo, Chow Yun-Fat ou Ti Lung se font salement redressé ici). Ici on parle de réalité, les triades sont des criminels, certes culturellement ancrés depuis des siécles et extrêmement nombreux mais restent des voyous sans foi ni loi. A commencer par Andy Lau, dont la tchatche est aussi grande que son courage est mince, qui ne se fait respecter par ses suiveurs que grâce à quelques exploits passés, qui se planque sous une voiture et en fait pourtant des tonnes en decrivant l'héroïsme dont il a fait preuve, qui utilise son fils qu'il ne défend même pas, comme d'argument au tribunal, etc... Ces supérieurs sont encore plus cyniques, on les voit autour d'un bon verre assister au passage à tabac (du dur !) d'une balance, alors que les enfants fêtent leur anniversaire dans le jardin à côté. Autrement dit le Milieu est très justement dépeind ici, et ca fait mal.
Parallélement à son parcours "professionnel", on découvre la vie sentimentale de Cheung-Dee, tout aussi torturée. Wong Jing nous surprend en allant plus loin que le triangle amoureux. Car son coeur balance entre son avocate (Gigi Leung Wing-Kei) avide de nouveauté (qu'il represente vu sa situation) et Ruby, son ami de toujours (Suki Kwan Sau-Mei) avec laquelle il partage une relation ambigue. Mais il y a une troisième femme, sa première, la mère de son fils qu'il vit mourir dans ses bras. Ce qui explique la confusion du personnage .
Gigi Leung est touchante même s'il elle n'arrive jamais vraiment à nous impliquer dans ses problèmes tandis que Suki Kwan, elle, livre une prestation très impressionante mais qui ne nous étonne pas venant d'elle (regardez A Gambler's Story, vous comprendrez). Les quelques seconds rôles sont également très bons notamment Prince, l'ignoble Tai Lo d'Andy (Mark Cheng Ho-Nam) et aussi Frankie Ng Chi-Hung (Oncle Bee dans Young And Dangerous) son lieutenant. Andy Lau est excellent, il arrive aussi bien à nous convaincre lorsqu'il se la joue devant ses "potes" que lorsqu'il se fait ridiculiser par ses boss. La scène où il impressionne vraiment est celle où Andy tombe sur son fils défiguré par son chef Prince, chose que Ruby lui apprend ; à cela il réagit aussitôt en partant les poing serrés, prêt à regler ses comptes mais quand il tombe sur lui, il n'arrive qu'à lui allumer une cigarette et partir avec lui, tête baissé. D'une manière générale, il fait preuve d'un réalisme époustouflant dans toutes les scènes avec son fils. Cheung-Dee, en terme de constuction et de profondeur, est sans doute l'un des meilleurs rôles d'Andy Lau et ,sans mystère, cela explique une telle qualité de jeu. Andy nous offre même une chanson de fin ultra-culte à Hong-Kong, un peu trop fleur bleue mais portée par un Kenny G (saxophoniste américain) exceptionnel.
En Bref, de par sa thématique brutale et très réaliste, de par un Andy Lau au top et de par Wong Jing qui sait y faire de temps en temps, A True Mob Story est un véritable must-see incontournable d'un genre central au cinéma hong-kongais. Un film aussi bon que percutant et sans la moindre "séduction criminelle", car ce film, vous l'aurez compris, n'est qu'une simple histoire de mafieux.
C'est bien connu, Wong Jin s'est essayé dans tous les genres possible et imaginable, et cela du moment que ca rapporte gros. Véritable pacha de la production locale, on ne compte plus les produits (car pour lui, un film n'est rien d'autre qu'un produit à vendre) qu'il offre aux yeux des spectateurs, car sa politique est simple, donner au client ce qu'il veut et peu importe si le film (produit donc) est baclé ou pas. C'est donc dans la mouvance des films de triade, inauguré par le trés "glamour" Young and Dangerous que Wong Jing décide de réaliser sa propre version du monde de la pègre, ce film c'est A True Mob Story et même si on pouvait craindre le pire (ce qui est toujours le cas avec ses films), ce dernier s'avère au final être une exellente surprise.
Wong Jing propose ici une vision jusqu'a maintenant inédite du monde de la pègre. Plus question de montrer des jeunes membres englués dans la mode, et tous plus arrogant les un que les autres, les personnages de A True Mob Story sont tous pourris et sont trés éloignés des pseudo "pop star" de la rue tels qu'on peut les voir dans les films d'Andrew Lau (Young and Dangerous) et dans les multitudes de films clones qui ont suivis (Sexy And Dangerous, Street of Fury ...). Si dans ces derniers, l'accent était mis sur les exploits (meurtres, viols, concours de Karaoké ...) de ces jeunes perdus, ici Wong Jing focalise son film sur son personnage principal Wai Cheung-Dee (interprété par l'excellent Andy Lau) et sur ses relations avec Sandy (Gigi Leung) et Ruby (Suki Kwan), un triangle romantique plutôt novateur dans un film de ce genre.
Wang Chai Dee est un membre qui malgrés le respect que son entourage a à son égard, est un personnage pleins de faiblesses obligé d'endurer les pires insultes venant de son patron Prince (à qui il a pourtant sauver la vie au début du film). Trés attaché à son unique fils (dont la mère est tragiquement morte dans un accident de voiture) on découvre un personnage attachant pleins de sentiments et trés subtilement interprété par Andy Lau (inouliable policier dans et trés charismatique "gambler" dans la série des Conman. Wong Jing veut que son personnage soit le plus réaliste possible sans avoir besoin de l'idéaliser comme le veut souvent le cinéma de Hong Kong.
Outre son personnage, l'univers de la pègre n'est pas ici banalisé et se veut donc le plus possible fidèle à la réalité. Les membres de la triade sont ici sans moral et oeuvre dans l'unique but de s'enrichir personnellement, le message est clair, il n'y a rien d'héroique dans la triade, ni même aucun code d'honneur, seul le profit personnel est de mise et c'est bien explicite dans le film. En réalité, seul Wang Chai Dee semble garder un miminum d'humanité et il est en réalité bien seul dans cet univers. Les nombreux cauchemards qui ponctuent le film sont d'ailleurs là pour nous rappeler que sa vie en tant que membre de la triade n'a rien de joyeux, c'est une longue traversée qui logiquement ne peut que finir mal.
C'est ainsi qu'à la fin du film, qui met en scène la mort de Wang Chai, Wong Jing se permet de critiquer le pseudo romantisme qui aurait pu eventuellement clore le film. Dans cette scène, Wang Chai court rejoindre Sandy à qui il doit sa libération et finit par se faire brutalement assassiner à coups de machettes. Le plus ironique dans tout ca, c'est la chanson (chantée par Andy Lau) qui accompagne cette scène, digne des plus grands films romantique (!!). Une note d'humour noir qui parvient à rester suffisament plausible pour ne pas nuire à la qualité du film.
Il semble clair qu'avec A True Mob Story on est trés loin des pitreries habituelles du réalisateur. Pour un film qui appartient au genre (triade), on a ici une référence pour son réalisme, sa noirceur et sa sobriété.