Sujet intéressant même si un peu fade, et surtout...
... Encore une énorme performance de Miayazaki Aoi. Je ne dis pas ça parce que j'aime particulièrement bien cette actrice, mais par le fait que toute la mise en scène repose sur son jeu. Etant donné que le film est basé sur un récit raconté par Misuzu, la femme dont elle interprète le rôle, tout est montré de sa perspective, et nombres de scènes sont des plans sur son visage alors que l'action se déroule ailleurs. Souvent on ne voit que le début de l'action, et un traveling vient progressivement quitter les protagonistes et se fixer sur le visage de Miyazaki pendant plusieurs minutes, montrant ses réactions par rapport à tout ce qui se passe hors-champs. Nul besoin de montrer ce qui est évident, le réalisateur préfère se focaliser sur le ressenti de Misuzu. Car c'est là tout l'intérêt de l'histoire : montrer à travers la vision d'une jeune lycéenne les troubles sociaux qui ont secoué le Japon dans les années 60. Mais on voit peu de ces scènes de manifestation (à part celle où l'un des amis de Misuzu se fait blesser), les témoignages de l'époques sont plutôt concentrés au milieu d'un jazz bar où des étudiants gauchistes se réunissent, mais parlant très peu de leur combat, à part quelques généralités. Peut-être se modèrent-ils en présence de Misuzu, peut-être qu'ils ne sont pas aussi soudés qu'ils en ont l'air, mais chacun y prend part d'une manière où d'une autre. Mais pour elle, le plus évident est Kishi, celui qui est toujours en retrait et qui lui a tapé dans l'oeil. Elle n'a pas besoin de lui demander ses opinions politiques pour les connaitre ; c'est un étudiant de la prestigieuse Todai, il a une grand éducation et il lit Sartre (pendant les réunions de potes au jazz bar). C'est en suivant cet homme qu'elle finit par se faire emmener dans la folle aventure d'un vol, non pas pour l'appât du gain (selon la légende, l'argent n'a jamais été utilisé), mais pour emmerder le gouvernement. Au final, avec ses nombreux plans séquences et son focus sur les epxressions d'une Miyazaki Aoi impressionnante, First Love arrive à nous mettre dans la peau de la lycéenne pour suivre le mouvement révolutionnaire de loin. On pourrait encore dicuter longtemps du bien fondé de se mettre derrière le point de vue de quelqu'un qui est finalement très éloignée du sujet, mais montrer la vision d'une époque complexe à travers les yeux de quelqu'un qui n'en comprend pas forcément bien les aboutissants, cela ne me semble pas être un mauvais parti ; surtout que le film développe bien ce coté très "oui et alors" de Misuzu, plutôt guidée par ses sentiments envers son frère, puis Kishi, que par une vraie implication dans le mouvement. Bon film donc, même si la chute n'est pas très intéressante en soi.
A deux, c'est mieux...
Dix ans après
Tokyo Skin, le peu prolifique cinéaste Hanawa Yukinari revient sur le devant de la scène avec un second film, le très ambitieux
First Love, adaptation libre d'un récit basé sur un fait divers raconté par Nakahara Misuzu de façon plus ou moins authentique , le vol de quelques 300 millions de yens au Japon à la fin des années 60, en pleine période révolutionnaire étudiante. Le film s'étale sur la période de la fin des sixties, plus précisément de 1966 à 1969 à l'aune des bouleversements sociaux du pays et confronte un cercle de paumés tous issus de milieux sociaux visiblement craignos, aux révolutions étudiantes et au casse "propre" du siècle : le vol prémédité de 300 millions de yens qui n'ont à ce jour, selon les dires de l'auteur du livre, jamais été dépensés. Si le métrage de Hanawa met du temps à démarrer, c'est pour souligner le caractère propre des protagonistes et mettre en avant leur sollitude, tous se retrouvent le soir dans une boîte de jazz pour passer le temps, jouer avec les filles et picoler jusqu'à pas d'heures. Livrée à son oncle depuis le décès de son père et la disparition de sa mère, la jeune Misuzu traîne sa solitude jusque dans sa chambre où elle passe son temps à tailler les mines de crayon et à rêvasser. Las, elle décide de sortir le soir (parait-il qu'elle tient cela de sa mère) et d'arpenter les rues jusqu'au premier bar louche du coin, lieu où elle retrouve son frère et sa bande de potes sortis tout droit d'un mauvais film punk, qu'elle ne tardera pas à rejoindre. Elle y fera la connaissance de Kishi, lequel lui confiera plus tard les cartes d'un projet aussi couillu que dangereux : le vol de 300 millions de yens. Si la révolution étudiante occupe une place logiquement importante dans le récit de Nakahara (l'un des prétextes du vol des 300 millions de yens), cet aspect historique n'effleure pas plus que ça l'esprit du cinéaste nippon puisqu'à aucun moment on ne ressent l'importance des mouvements contestataires de l'époque, tout juste traduis par une séquence de manifestation où une poignée d'étudiants se fait mettre à mal par la police locale, laquelle n'hésite pas à employer les grands moyens, filmée de manière très quelconque et visiblement cheap au vu du budget plutôt économique de l'oeuvre. On est très loin d'une reconstitution en bonne et due forme et cette sensation d'être en face un mélodrame avant toute chose se ressent par le ton léger employé par le cinéaste : peu de scènes marquantes pour ne surtout pas choquer le grand public, pas même une once de réalisme pur. Le plus intéressant dans l'affaire, c'est bien le parcours non sans risques de Misuzu, interprétée par la géniale Miyazaki Aoi, rayonnante et parfaite dans la peau d'une gosse timide mais bien décidée à aller de l'avant et à se surpasser. Elle confiera d'ailleurs à Kishi que c'est bien la première fois que quelqu'un a besoin d'elle, et fera tout pour réussir même si sa mission est délicate.
First love est donc le portrait d'une jeunesse anarchiste et insouciante du moindre danger mais néanmoins consciente de l'ampleur du projet criminel. Le plan de vol est ainsi minutieusement étudié par Kishi et Musuzu, lesquels répèteront la marche à suivre dans les moindres détails jusqu'à se chronométrer pour être parfaitement synchro le jour venu. En 1967, Misuzu apprend donc à conduire une moto car cette dernière devra simuler un agent de police. 1968, préparation du plan de vol en deux mois pas plus et la faute à Hanawa de faire preuve de facilités dans la construction de son récit : tandis qu'elle s'entraîne à peaufiner sa conduite à moto sous la pluie, Misuzu se vautre à la sortie d'un virage (comme de par hasard) et se paie une pluie torrentielle, figure de style quelque peu rusée mais facile pour imager son grand moment de solitude et d'accentuer le possible échec lors du vol. Apparition du doute mais les ambitions sont bien là, et le 10 décembre, elle n'aura pas le droit à l'erreur. Au cinéaste une nouvelle fois de tomber dans les travers de la facilité avec l'apport d'éléments perturbateurs : alors qu'elle s'apprête à mettre en place son plan, voilà que sa moto de police est coincée dans une marre de boue. Perte de temps. Ensuite c'est au tour d'une bâche de camion de venir s'encastrer dans la mécanique de sa moto, résultat des courses, encore du temps de perdu. A qui la faute? A la romancière d'avoir peut-être rehaussé son autobiographie par l'ajout d'éléments dignes d'une mauvaise série B? Ou au cinéaste d'avoir cédé au cliché? Si dans son contenu First love a de quoi rebuter par sa trop grande hésitation entre reconstruction historique et mélodrame dark, sa mise en scène fait souvent preuve d'un certain talent. Belle photographie concoctée par Fujisawa Junichi (9 Souls), caméra globalement bien tenue et variée dans la composition de ses plans malgré la tendance à la contemplation, une récurrente dans le cinéma japonais mélodramatique contemporain. Sans faire preuve de procédés narratifs convenus et nian-nian, même si l'on n'évite pas les éternelles déclarations d'amour nuancées, First love distille une certaine envie de proposer un cinéma varié et touchant (qu'importe si l'histoire de Nakahara Misuzu est vraie ou non), détaillé pour certains (deux jolis portraits de Misuzu et Kishi) ou bâclé pour d'autres (la bande de paumés orchestrées par Ryo passe au second plan), ce qui empêche First love de convaincre un public très large. Mais une chose est sûre, rien ni personne n'enlèvera le talent du grand espoir nippon Miyazaki Aoi, une nouvelle fois transcendante, sauvant parfois in extremis le film d'un profond ennui.
Même si il y a de bons moments et une photo pas désagréable, le tout reste quand même assez formaté et quelques peu mielleux. La narration est quelques peu décousue et manque surtout de rythme, de quoi décrocher assez souvent, le tout reste un divertissement moyen qui plaira surtout aux aficionados d'Aoi Miyazaki, qui décidement a du mal de quitter les bancs de l'école.
difficile de se sentir réellement impliqué
Dans l'ensemble, le film est pas mal du tout - réalisation très correcte, scénario pas inintéressant, acteurs convaincants,... mais malheureusement difficile de se sentir réellement impliqué, peut-être dû à une trop grande volonté de sobriété. Dommage, d'autant plus que pour une fois le background historique apporte un plus sans pour autant être mis en avant de manière lourdingue.
Donc moui, ce film est passé à coté de quelque chose. Ou alors c'est moi...