1 DVD 9 Zone 2 PAL édité 06 décembre 2006 par Carlotta
Durée video Pal du film : 177’ 35’’ - Image 2.55 N&B / 16/9. – v.o.s.t.f. Dolby 1.0 mono - suppléments
LA CONDITION DE L’HOMME
DEUXIEME PARTIE : LE CHEMIN DE L’ÉTERNITÉ
[NINGEN NO JOKEN - 2]
(Japon 1959-1961) de Masaki KOBAYASHI
Fiche technique succincte :
Réal. Masaki KOBAYASHI
Prod. (Dist.) Shigeru WATKATSUKI, Ningen Prod. / Ninjin Club (Shochiku)
Scn. Masaki KOBAYASHI, Koichi INAGAKI & Zenko MATSUYAMA d’après un roman de Junpei GOMIKAWA
Dir. ph. Yoshio MIYAJIMA (Scope 2.35 N.&B.)
Mont. Keiichi URAOKA
Déc. Shukei HIRAOKA
Mus. Chuji KINOSHITA
Casting succinct :
Tatsuya NAKADAI (Kaji), Michiyo ARATAMA (Michiko), Kunie TANAKA (Obara, le soldat persécuté), Keiji SADA (Kageyama, l’ami mobilisé devenu officier supérieur de Kaji), Kei SATO (Shinjo, le soldat démoralisé et ami de Kaji), Michio MINAMI (Yoshida), Jun TATARA (Hino), Kokinji KATSURA (Sasa), Yusuke KAWASU (Terada), Minoru CHIAKI (Onodera), Susumu FUJITA (Naruto), Jun HAMAMURA (Doi), Taketoshi NAITO (Tange), Kaneko IWASAKI (l’infirmière Tokunaga), etc.
Format original 2.55 N&B respecté et compatible 16/9. La copie de cette seconde partie est en bien meilleur état chimique que celle de la première partie. Elle est numérisée cette fois-ci très correctement et même le bruit vidéo est presque parfaitement contrôlé sur sa durée de 177’ 35’’. Direction de la photographie de Yoshio MIYAJIMA toujours aussi « talentueuse » comme le dit la bande-annonce de la Shochiku, aussi à l’aise de jour que de nuit, en plan serré comme en plan de méga-ensemble, qu’ils soient fixes ou en mouvements. L’exemple de la perfection morphologique et syntaxique de cette période.
Note : 9/10
v.o.s.t.f. Dolby 1.0 mono : belle remastérisation Dolby du son original. Sous-titrage lisible et très bien traduit par la japonaise Hiroko GOVEARS qui respecte naturellement l’usage occidental lorsqu’elle traduit les noms du générique. C'est comme cela qu'il faut faire ! Musique de Chuji KINOSHITA très classique mais employée à bon escient et donc efficace. Pas de v.f. à regretter : elle n’a jamais existé. Certains fragments de dialogue ne sont pas traduits mais nous sommes incapables de savoir si on perd quelque chose d’important ou de simples interjections ne modifiant ni n’ajoutant rien à ce qui l’est déjà. On est en revanche certain d’avoir la traduction de l’essentiel.
Note : 8/10
Identique en tous points à celle du premier DVD contenant la première partie, à l’exception de la bande-annonce originale de la seconde partie (2.35 compatible 4/3 N.&B., durée 2’30’’ environ, v.o.s.t.f.) qui est plus courte que celle de la partie antérieure et moins intéressante mais constitue un beau document d’époque.
Note : 5/10
Résumé du scénario :
Mandchourie (Chine) pendant l’offensive soviétique contre l’envahisseur japonais : le soldat Kaji proteste contre les sévices barbares et la discipline inhumaine infligés aux nouvelles recrues. Le suicide du soldat persécuté Obara pousse au paroxisme le conflit, dont sont témoins Michiko – à qui on accorde une nuit en la compagnie de son époux - et quelques autres êtres compatissants et lucides. L’armée le résout en envoyant Kaji au front : il est sous les ordres de son ami Kageyama, sans illusion sur l’issue de la guerre…
Ningen no joken [La Condition de l’homme] (Jap. 1959-1961) de Masaki KOBAYASHI se poursuit par cette seconde partie intitulée Le Chemin de l’éternité, elle-même divisée en deux sections successives. La première section est une initiation terrifiante aux méthodes inhumaines employées dans l’armée impériale et le récit d’une révolte juste contre elles. La seconde section, pas si paradoxalement puisque le film dans son ensemble raconte une expérience vécue, montre comment ces méthodes inhumaines forgent néanmoins une identité et une fraternité efficaces. Kaji lui-même devient, tout en les combattant, leur résultat : il le devient inconsciemment tout en se rebellant consciemment. C’est l’ambition dialectique du film de montrer cette contradiction en acte.
Contradiction qui n’est pas irréelle mais, selon KOBAYASHI, est le fondement même de la noblesse d’âme japonaise durant la guerre : Kaji refuse de déserter, est fidèle à sa nation qu’il identifie à la femme qu’il aime – la séquence fonctionne dans l’autre sens aussi : Michiko ne supporte pas la simple évocation d’une désertion qui la désespère absolument - se sacrifie à la fois contre elle et pour elle. Pas d’homme plus rebelle que lui mais pas de meilleur soldat non plus que lui : le chemin (dialectique) vers l’éternité est à ce prix. La description néo-réaliste des conditions matérielles du conflit est très impressionnante : températures terribles, impossibilité pour les hommes de disposer d’informations fiables, rumeurs, lacunes d’approvisionnements, vision fragmentaire de l’ennemi « autre ». La description politique, spécifique, n’est pas écartée : la Chine n’intègre pas les Japonais déserteurs ; l’armée soviétique achève les blessés dans leurs trous ; Okinawa tombe aux mains des Américains. En somme le héros et ses hommes, face à une telle situation, ne peuvent globalement et littéralement faire qu’une seule chose : se battre pour survivre, y compris à la brutalité des anciennes recrues, source de mort et de folie. La ligne narrative est plus simple que celle de la première partie mais la matière filmique non moins riche.
Esthétiquement, c’est peut-être les différentes nuances du ciel, aux différentes heures et saisons, qui sont le plus admirablement saisies par la caméra de Miyajima. La nuit que Michiko passe dans une baraque de la caserne en compagnie de Kaji est ainsi rendue sensible par les modifications d’une fenêtre à travers laquelle la lumière naturelle baisse, la lumière électrique est éteinte, puis l’aube de retour. Les ciels de Mandchourie du Sud, avant l’attaque russe, sont ceux d’Hokkaido, certes, nous précise la bande-annonce originale de cette seconde partie. Mais c’est esthétiquement faux : Kobayashi les a sélectionnés parce qu’ils ressemblent à ceux de Mandchourie du Sud tels qu’ils les as vus, et tels que ses camarades les ont vus.
Enfin une même nervosité narrative est à l’œuvre, qui a subi de nombreuses influences mais les dépasse et dépasse même aisément et rétrospectivement ceux qui s’en inspirent. La marche d’entraînement évoque irrésistiblement celles de Battle Cry [Le Cri de la victoire] (U.S.A. 1955) de Raoul WALSH. KUBRICK, de son côté, a peut-être été influencé par La Condition de l’homme lorsqu’il a conçu la première partie de son Full Metal Jacket (U.S.A. 1987). Mais la marche est bien plus cruelle que celles du film de WALSH et la dynamique, le sens de la première partie du KUBRICK (*) sont très différentes de celles de la partie correspondante chez Kobayashi. La réalité mentale et charnelle est autre, la réalité morale et intellectuelle autre aussi. Donc le sens est autre. Une fraîcheur étonnante, issue de la souffrance et de la mort sont la rançon naturelle de l’opération esthétique de la transcription d’une expérience, lorsque le génie est à l’œuvre. Et c’est bien le cas ici. C’est bien plutôt avec certains chefs-d’œuvre de Kon ICHIKAWA ou Yasuzo MASUMURA qu’il faut comparer cette seconde partie ! Signalons un casting renouvelé totalement à l’exception du couple vedette NAKADAI-ARATAMA et de Keiji SADA. Il est encore dirigé de main de maître, d’une manière constamment inspirée, très impressionnante. L’ampleur technique des moyens est dominée : la mise en scène des scènes les plus spectaculaires est d’une fluidité exceptionnelle que seule le souvenir de la réalité la plus authentique peut avoir générée d’une manière aussi réaliste.
(*) NB : on trouvait déjà dans le cinéma américain des dénonciations-descriptions de brimades tout aussi impressionnantes dans le génial The Brig (U.S.A. 1967) de Jonas MEKAS, projeté en 1978 au cinéma parisien Mac-Mahon en guise de double-programme au I’ve Walked with a Zombie [Vaudou] (U.S.A. 1943) de Jacques TOURNEUR !
Note : 10/10
Francis MOURY
PS Cinemasie: Conformément aux souhaits de l'auteur du texte, l'ordre français Prénom/Nom a été choisi ici plutôt que la convention cinémasie (ordre japonais Nom/Prénom).