Quand on parle du cinéma Max Linder, et ce même si la salle est relativement grande, on s’attends toujours a un cadre intimiste, un cinéma qui échappe totalement au circuit commercial des grands multiplexes. New Police Story, n’est pas un de ces petits films auteuristes habitués aux salles d’art et d’essai, mais bel est bien un film de divertissement au budget conséquent. C’est aspect se constata bien avant le début de la projection. Deux heures avant l’ouverture même des portes du cinéma un groupe d’une quarantaine de personnes attendait déjà. Le temps passait sans que ce groupe ne se module de trop. Certains (surtout chez les plus jeunes) se gaussaient déjà, accusants les autres de n’être que des naïfs attirés par un objet insolite venu d’asie. Ce petit nombre était en fait persuadé d’être seul à s’intéresser à l’aspect cinéma de cet objet, considérant que les autres n’était là que poussé par une curiosité à la saveur exotique. L’amusant dans cela, c’est que, au fond, c’est ce petit groupe qui dans le mépris affiché pour le reste du public, se retrouvait à mépriser le film. Tout le monde le sait, le cinéma de Jackie Chan est entièrement tourné vers son public.
Peut être vingt minutes avant l’ouverture des portes, en me retournant, je pus avoir ma première satisfaction : un nombre incroyable de gens attendait pour entrer dans le cinéma, la queue longeait le boulevard sans que je puisse en voir la fin. Une fois installer dans le cinéma, je constatais avec joie que cette salle était pleine et que New Police Story allait avoir le public qu’il méritait. Nous connaissons tous les barrières qui restent à franchir pour que le cinéma de Hongkong ait une distribution de l’ordre d’un cinéma hollywoodien. Ainsi, c’est un réel bonheur de voir une grande salle pleine de gens de tous âges, une salle pleine d’amateurs, de curieux, de spécialistes peut être et que sais encore, bref un public qui par son nombre et sa variété prouve largement que ce film dépasse de loin la petite curiosité.
Après un temps d’attente Jackie Chan fit son entrée. Il n’y a rien à dire, même s’il bénéficie d’une aura qui nous fait ressenti un plaisir d’enfant, il est également un one-man-show hors paire. En deux trois phrases il chauffe la salle et en fait une foule presque hystérique. Il annonce à la salle un futur Rush Hour 3, mais également une comédie Honkongaise. Est également annoncé qu’il est invité par la ville de Paris à tourner un film à Paris. Le temps nous dira s’il s’agit d’un effet d’annonce de politicien ou si le projet verra le jour. Puis un temps d’échange s’installe entre Jackie Chan et le public. Malheureusement, cela dérape vite et une grande partie des gens qui interviennent oublient que nous sommes dans le cadre d’une avant première de cinéma, transformant l’échange en un carnaval d’égocentrisme aigu et pour le moins glauque. Heureusement, Mr Jackie Chan est un homme fin. A toute question, même la plus idiote, il parvient à donner une réponse intelligence. Et chacun sait qu’il est difficile de répondre intelligemment à une question idiote.
Dans la multitude de ce qui a était dit, et que je n’ai pas encore sous entendu ou dit, il me reste deux choses qui ont de l’importance. Quelqu’un a demandé si Jackie Chan allait faire un film avec son fils. Il a répondu que non pour deux raisons. Premièrement il veut laisser à son fils l’opportunité de démarrer calmement sa carrière, et deuxièmement il a déclaré qu’a son avis, le public (dans sa majorité) ne voulait pas les voir jouer ensemble.
Enfin, Mr Jackie Chan a fait une déclaration que j’ai trouvé très touchante et qui, à mon avis, touchera tous ceux qui comme moi perçoivent plus Jackie Chan comme un acteur (puisque c’est de cinéma dont on parle), que comme un artiste martial. Il a déclaré :
« Quand on me voit, les gens font : « hé ! Jackie Chan » en roulant des poings comme un boxeur. Mais quand ils voient Robert De Niro, ils font : « ah ! Robert De Niro » le corps figé, d’un petit mouvement de la tête et le regard plein d’admiration et de respect. Personne ne fait « hé ! Robert De Niro » en roulant des poings. Je voudrais qu’on me regarde comme Robert De Niro, qu’on me voit comme un acteur. »
Première interview du festival, qui aurait dû être la seconde après celle de l'invité vedette, Jackie Chan, hélas décommandée au dernier moment. On remballe le questionnaire pour le bon vieux Jackie pour s'attaquer à un réalisateur bien plus jeune, et déjà très "hype". 30 minutes sont prévues, en japonais avec interprète. Le Godzilla donnait déjà matière à discussion, le reste de la filmographie du bonhomme complète, on obtient largement de quoi remplir et même plus. Ses études en Australie lui ont conféré un anglais d'excellent niveau, c'est donc sans mal que nous le convainquons de faire l'interview en anglais. Nous commençons par une petite présentation de l'intéressé, pour ceux qui ne le connaissent pas encore (la question le surprend un peu, caché derrière ses lunettes de soleil très tendance), puis attaquons immédiatement sur le Godzilla, afin d'aller à l'essentiel. Le réalisateur n'a pas vraiment sa langue dans sa poche, tout comme la veille, même s'il est moins à l'aise, l'ambiance étant évidemment moins bonne que pour la première du film. Il n'hésite pas à casser du sucre sur le dos des "blockbusters" japonais, mais se montre évidemment moins critique sur ses films, même lorsque nous cherchons à le taquiner un peu. Il cite Michael Bay dans ses références, je sens Marc près de l'évanouissement derrière sa caméra. Hélas l'interview doit s'interrompre, le planning de l'homme étant déjà en retard et surchargé. 20 minutes d'interview dans la boîte et disponible ci-dessous, nous remballons, le prochain journaliste étant déjà sur le pied de guerre.
Interview Vidéo (20 minutes environ)
anglais non sous-titré (sous titres français à venir)
Après la table ronde avec la presse du mercredi 29 juin, une petite séance d’un Jackie Chan, sur grand écran, s’imposait. C’est donc avec un plaisir anticipé que je me suis rendu à la projection de Drunken Master 2 le dimanche 3 à l’UGC des Halles. Dans la rétrospective consacrée à Jackie cette année, il est avec Project A celui dont je ne veux (peux) pas louper la projo et que je considère, avec Mr Canton & Lady Rose, comme ses trois meilleurs films. Première bonne surprise en rentrant dans la salle : c’est plein, le public est varié allant des « geeks » aux parents avec enfants en passant par le « djeun » qui kiffe Jackie. Y’a pas à dire, l’acteur HK a une cote au top. Avant le lancement du film Charles Tesson (ancien des Cahiers du Cinéma qui participa à un début de reconnaissance du cinéma HK au début des 80’s...) se livre à une introduction et présentation du film. Rien de bien nouveau pour les connaisseurs mais nul doute que le public « lambda » aura apprécié sa contextualisation de l’oeuvre, de l’équipe (retour obligé sur le différend Jackie/Liu Chia-Liang) ainsi que du cast (Anita Mui cité mais pas Ti Lung malheureusement)... Pendant tout le temps du speech de Tesson, votre serviteur ainsi que « sa bande » se gavait de pop-corn histoire de célébrer comme il se doit ce pur instant de pop-culture qu’est une kung-fu comédie. Mais visiblement cela gênait quelques personnes à l’approche sans doute plus cérébrale et solennelle de ce genre de manifestations (une séance cinoche)... Après un regard courroucé d’une de ses personnes c’est bien entendu avec encore plus d’enthousiasme que nous nous mimes à mastiquer nos pop-corn, petits grains de maïs amoureusement préparés par une jeune & jolie employée d’UGC qu’il était hors de question d’insulter en ne faisant pas honneur à son festin diligemment préparé.
Le film démarre (et les pop-corn la mettent en veilleuse) et on oublie l’avoir déjà vu « ouatchmille » fois dans tous les formats possible, le plaisir de partager ce grand moment du cinéma HK en compagnie d’un public apportant une saveur particulière au visionnage : on se prend à guetter les réactions du public à tel gag, à tel passage plus dramatique tout en redécouvrant le film avec une ampleur qui lui sied bien mieux. Fin de la projo, tous le monde est content, quelques applaudissements et maintenant deux heures à tuer – on fait l’impasse sur le Project A2 (Marin des mers de Chine 2) en attendant la projection dans la soirée d’Opération Condor ; le temps de manger quoi, les pop-corn ça ne fait que couper la faim un temps, celui d’un film. Le soir venu, après s’être sustentés, juste le temps de s’installer dans la salle (la présentation du film loupé) et c’est reparti pour un tour. Dans un style plus « percutant » (ici plus de cascades de folies que dans Drunken Master 2) un moment encore très agréable. RAS donc, « viendez ma bande », on rentre à la cité...
Petit compte-rendu «subjectif».
Après avoir loupé la veille au soir l’atelier/rencontre sur le thème de la kung-fu comédie animé par Charles Tesson, hors de question de manquer cette table ronde avec quelques noms bien connus des amateurs de cinéma asiatique. Avec Charles Tesson comme modérateur et Frédéric Ambroisine (réalisateur & critique), David Martinez (HK vidéo), Nicolas Saada (réalisateur) et Julien Sévéon (critique, Mad Movies), la discussion sur le sujet ne pouvait pas décevoir. C’est donc à l’espace Paris Cinéma de St Germain des Prés, dans une petite salle relativement pleine (à tout casser 40 à 50 personnes) avec un public varié socialement (très pauvres, moyen pauvres, pauvres, modestement pauvres, à peine pauvres, pas pauvres mais pas riches, pas de riches...) comme au niveau des générations (j’étais assis à côté d’un jeune garçon attentif d’à peine 10 ans accompagné de sa mère), qu’a pris place cette table ronde.
Pour commencer un retour sur l’histoire de l’introduction du genre en occident pour en arriver à la situation de reconnaissance mondiale de maintenant. Partant sur le constat de la nouvelle donne pour le cinéma de genre HK depuis l’avènement des câbles et des chorégraphes à Hollywood, depuis le succès de Tigre & Dragon, les intervenants ont aboutit, sans surprise, à un diagnostic plutôt négatif de l’expérience de la mondialisation : Hollywood n’intègre pas (ne fait pas une place à...) mais absorbe comme le soulignait David Martinez à la suite de Nicolas Saada. Constat également du paradoxe que constitue une relative reconnaissance populaire tardive d’un cinéma HK (on entend ici les genres constitutifs de cette industrie : le wu xia et le kung-fu pian) qui n’existe plus tel quel aujourd’hui. Constat de la majorité des intervenants d’une absorption occidentale pour régurgiter des versions « lyophilisées » d’un cinéma et de ses figures de styles. Constat de l’incompréhension, à l’époque du succès du film de Ang Lee, de la part des professionnels du cinéma HK sur le pourquoi de la réussite du film à l’international ; incompréhension et parfois aussi amertume. Constat commun d’un cinéma de Zhang Yimou tout aussi formaté à l’export dans une veine « arty » quand il s’attaque au wu xia. Et enfin constat d’un HK qui n’est pas encore sorti de la crise en terme de production aussi bien au niveau de la quantité que de la qualité : le cas Infernal Affairs étant « l’arbre qui cache la forêt » selon D. Martinez et un réalisateur comme Stephen Chow qui, malgré ses succès, n’est pas générateur d’un renouveau comme pouvait l’être l’activité d’un Tsui Hark dans l’industrie il n’y a pas encore si longtemps. Si le rapport du cinéma de genre HK à l’occident (ou rapport du cinéma de genre HK à la mondialisation) se fait à priori en sa défaveur (« fuite des cerveaux » entre autres), sur un modèle « impérialiste » serait-on tenté de dire histoire de faire court, les expatriés de l’ex. colonie et aujourd’hui la Chine commencent aujourd’hui à revenir de leur expérience hollywoodienne avec de nouvelles ambitions (le cas John Woo ou Jackie Chan, devenu très actif dans la production) dont on verra les résultats à l’avenir.
Et puis Nicolas Saada relativisera également le constat global par le jeu d’influences mutuelles entre ces deux industries, rappelant également qu’Hollywood, sur son mode très dominateur, a été capable en tant qu’industrie de très vites absorber ce qui pouvait l’intéresser dans le cinéma de genre HK. Ainsi, à l’appui, il souligne le cas d’un Joel Silver qui dès le tout début des 90’s connaît parfaitement la filmo de John Woo par exemple (voir les plans de Bruce Willis tenant 2 flingues à la Chow Yun-Fat dans tel film produit par le producteur américain). Ceci dit le constat reste d’une absorption occidentale qui se fait au détriment des genres en question (films avec combats mal montés, sfx et acteurs hollywoodiens qui ne remplacent pas les véritables acteurs martiaux...) et d’un Hong-Kong qui n’est plus capable de produire de tels film (personnel spécialisé au chômage, reconverti, plus d’écoles d’arts martiaux à HK, plus de cascadeurs prêts à tout pour quelques dollars...).
Ce cinéma peut-il renaître ? Julien Sévéon insiste sur la vitalité dans le domaine du cinéma thaïlandais, le cas Ong-Bak en tête, qui retrouve des vertus de l’ancien cinéma HK avec une authenticité et une force dans les scènes d’action « jamais vues ». Petit désaccord en l’occurrence avec David Martinez et les autres intervenants : ce qui est fait dans Ong-Bak, et sans remettre en cause les qualités exceptionnelles de l’acteur Tony Jaa, a déjà été fait à HK il y a plus de vingt ans mais en mieux d’un point de vue cinématographique, le cas de l’autre film d’action thaï, Born to Fight (un remake d’un autre film thaï vieux de 30 ans rappelle Sévéon), ne faisant que confirmer ces avis. Julien Sévéon n’étant pas d’accord sur le fait que le cinéma HK aurait produit des choses aussi « violentes » par le passé, Frédéric Ambroisine lui balance quelques titres hors micro en guise de contre exemple... La Thaïlande nouvel eldorado du film de genre « à la HK » ? A la fin tous tombent d’accord que la chose sera sûrement réglée lorsque Tony Jaa aura signé pour le rôle du méchant dans un énième Arme Fatale et qu’on mettra alors sur l’affiche de ses films, en Thaïlande même : « par l’acteur de l’Arme Fatale 12 ». A priori ce n’est donc pas de ce côté que viendra la lumière de l’avis général. Il est donc temps de regarder devant, ce que je m’empresse de rappeler puisque entre temps, après quelques interventions, j’ai réussis – involontairement et par défaut - à squatter le micro de Julien Sévéon qui tournait dans le public : la période qui vient marque incontestablement une nouvelle phase pour l’industrie locale avec de gros (vrai) films de genre qui se profilent à l’horizon, mais dans une configuration inédite car majoritairement issus de la collaboration intensive Chine/HK avec capitaux pan-asiatiques.
David Martinez avait déjà évoqué Seven Swords un peu plus tôt, posant la question, avec ce film ambitieux (et dont les habitués de CinémAsie entendent parler régulièrement depuis bientôt trois ans) marquant le retour de Tsui Hark sur le devant de la scène, de sa capacité d’entraînement pour le reste de l’industrie locale comme cela avait été le cas auparavant (« l’homme à l’origine de toutes les modes en son temps » avait-il justement dit un peu plus tôt dans la discussion). Mais en plus de Seven Swords il y a également le retour au bercail de Jet Li tournant en ce moment Legend of a Fighter, un pure film de kung-fu sous la direction de Yuen Woo-Ping avec un casting martial alléchant, celui de John Woo qui prépare un grand film en costumes, le SPL de Wilson Yip avec Donnie Yen et Sammo Hung, Dragon Tiger Clan en pré production et que réalisera encore Wilson Yip avec Donnie Yen en tête de cast... On peut donc regarder avec curiosité l’avenir proche du point de vue du cinéma de genre tout en se posant la question du sens d’un « futur du cinéma HK » sans la Chine. Le débat évoque donc forcément, à ce point, le problème de la censure en Chine avec l’impossibilité de montrer de « mauvaises fin » (exemple de la fin alternative d’Infernal Affairs à l’appui), de mettre trop de sang etc... Enfin dans ce processus même d’intégration de HK à la Chine se pose aussi la question de la persistance de la culture cantonaise dans une industrie qui semble, par complaisance et facilité, promouvoir officiellement l’adoption du mandarin. Frédéric Ambroisine témoigne ainsi du fait qu’aux derniers HK Awards plus de la moitié des interventions publics se sont faites en mandarin, le responsable de l’évènement se félicitant même à la fin de la cérémonie de cette situation, encourageant à étendre la chose dans le futur. De quoi faire réfléchir lorsqu’on connaît l’importance de l’introduction de la culture cantonaise au cinéma après la période Shaw Brothers dominée par l’utilisation du mandarin, le signe évident également des changements importants que connaît l’industrie cinématographique HK en pleine phase de repositionnement... D’autres choses furent abordées autours du cinéma d’art martiaux (mais pas le cas de la Corée comme l’ont souligné les intervenants à la fin du débat, avec un air entendu que ne partageait pas Julien Sévéon mais qu’aurait sûrement partagé notre Ordell Flo... Ordell Robbie), des digressions intéressantes ou des anecdotes plus ou moins connues... Mais en substance voilà un peu le contenu d’une discussion agréable et écoutée attentivement par l’assistance et qui dura presque deux heures il me semble (pas chronométré).
L’heure étant venu de clore la table ronde c’est sous des applaudissements appréciateurs que les orateurs quittent leur estrade. Le temps pour moi d’aérer mes poumons et de retourner auprès de intervenants pour le round 2, celui du serrage de mains et des cacahuètes autours d’un verre en « back stage » : un agréable salon avec une jeune fille derrière un petit bar, quelques fauteuils ici et là (mais on reste au bar), un peu plus d’une heure de discussion intéressante et détendue seulement interrompue par un portable et la jeune fille qui gérait l’évènement pour Paris Cinéma et Radio Campus, venue demander aux intervenant de signer leurs décharges pour le montage de l’émission du lendemain consacrée à la chose. Une soirée agréable au final.