Pour l'instant neutre, Masumura signe un film agréable
Qu'il était loin le Masumura expressif et dérangeant,
Les Baisers ne semble même pas être une oeuvre de son auteur tant elle s'avère à des années lumières du style improbable que l'on connaît alternant critique sociale et perversion sans retenue. L'un des cinéastes les plus intéressants de la nouvelle vague (parmi Oshima ou Shinoda pour ne citer qu'eux) signe ici un pur film de studio, sans doute de commande pour les comptes de la Daiei, mettant en scène deux jeunes adultes tous deux concernés par l'incarcération de leurs pères respectifs. Durant une visite en prison, ces derniers vont se rencontrer pour finalement ne plus se lâcher. Masumura développe alors les rapports humains sous toutes leurs coutures, donnant ainsi un certain cachet à son oeuvre. Si on est bien loin des délires formels et sexuels de ses oeuvres les plus connues, on retiendra la qualité de ses interprètes insufflant un véritable vent de liberté -aussi bien économique que sexuelle ou politique- dans une société qui ne souhaite que des enfants modèles. Même la mère de Kinichi lui donne une valeur marchande et non pas affective, quoi que souvent imagée.
Sans être d'un pouvoir vraiment subversif, Les Baisers peut être appréhendé comme un film de vacance en plus d'une oeuvre de commande. On suit les ballades sentimentales -puis amoureuses- de deux jeunes libres comme l'air : paris sur des courses de vélo, séances shopping ou trempette à la plage. Un programme d'été sans grand intérêt mais la sublime Nozoe Hitomi illumine le film par son regard et sa manière de surjouer. Guère de dénonciation, l'intenable Masumura arrivera plus tard et si ses enjeux ne sont ici que d'ordre financier -et à la Daiei d'en profiter- son film parvient tout de même à susciter un certain attachement en dépit de son caractère gentillet. Amusante petite comédie dramatique sous fond d'argent et d'histoires de coeur vacillantes, Les Baisers sont jolis et vivants.