Jane March est surprenante dans ce film, tellement elle transcende l'écran au fil des scènes. C'est bien autre chose que de faire rouler vulgairement son corps dans Color of Night. Filmées avec brio par Jean-Jacques Annaud, les scènes érotiques n'auront jamais été efficaces. Montrer le reflet du soleil dans les gouttes de sueur sur les hanches mouvantes de Jane March rend la scène vraiment torride sans être brutale ni vulgaire. Cette sensualité met en relief la relation dangereuse par laquelle se sont liés les deux amants, contrairement à la première scène d'amour cherchant plus l'innocence de la fille se perdant dans l'acte. Mais L'amant n'est pas que la juxtaposition de scènes de cul d'un bout à l'autre, c'est également un film sur la différence des cultures, qui se refusent à une union entre races, qui finit par gagner. Cela montre qu'une histoire d'une banalité profonde aujourd'hui n'était pas encore assez mure pour révolutionner les moeurs sous l'empire colonial. Chacun reste de son coté, et Jean Jacques Annaud montre ainsi, sans ennui, et avec une photo magnifique une histoire qui se termine comme elle a commencé, comme un rêve qui tomberait dans l'oubli s'il n'était pas raconté.
Cette histoire relate en fait une partie de la vie de l’écrivain Marguerite Duras, alors qu’elle vivait encore à Saigon (Indochine) à la fin des années 20. On découvre à travers ce film ses premiers émois amoureux avec un riche chinois de 16 ans son aîné, émois qu’elle croyait ne se résumer qu’à des parties de jambes en l’air, alors qu’inconsciemment, au fond d’elle-même, ce fut beaucoup plus fort…
Cette jeune blanche rebelle qui rêve d’écrire des livres pour que son frère meure est interprétée par la troublante Jane March, pas encore majeure lors du tournage du film, et qu’on a pu revoir par la suite avec Bruce Willis dans Color of Night notamment. Elle se montre sans aucune pudeur à la caméra, et semble très à l’aise dans un rôle assez difficile (même si elle n’a pas vraiment une allure de première de la classe que son rôle exigeait…). Quant au chinois qui joue son amant, les fans de films asiatiques reconnaîtront sans problème Tony Leung Ka-Fai, le moins connu des deux Tony Leung. Il est d’une rare élégance dans son costume blanc, et exerce au maximum son pouvoir de séduction sur Jane comme sur le spectateur.
L’histoire est donc toute simple, celle d’une passion résumée presque exclusivement à des va-et-vient dans une garçonnière d’où l’on entend tous les bruits de la ville. Certains trouveront peut-être ça lassant, mais il est quand même difficile de résister à cette atmosphère si sensuelle, si charnelle qu’Annaud a réussi à recréer dans ce film, et il est facile d’être ému en voyant Jane partir sur son bateau vers la France tandis que son amant reste à quai.